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Voyage à Vouvray et Montlouis du 2 novembre 2007

  • PtitPhilou
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J’éprouve toujours un indescriptible plaisir à voyager doucement vers la Touraine. Quel bonheur de flâner par un beau matin d’automne au travers de routes boisées aux abords de Vouvray ! L’un des moments les plus forts se révèle au passage de la Grange de Meslay, haut lieu de pèlerinage musical : l’immense pianiste Sviatoslav Richter y a créé un festival dédié à la musique de chambre. Je ne suis pas né suffisamment tôt pour m’y rendre et écouter cet artiste exceptionnel interpréter les plus grandes œuvres de la Musique en compagnie de ses amis, mais je ne manque pas une occasion de m’y arrêter : l’endroit résonne encore de son génie et je perçois sans difficulté les raisons qui ont poussé l’artiste russe à revenir en ce lieu chaque année avec ses amis musiciens. La douceur tourangelle n’a décidément rien à envier à sa sœur angevine.
La douce vallée de Cousse préserve ses mystères ; il est fort agréable, vous l’aurez compris, de s’y perdre et de suivre les méandres de la petite route qui relie la Grange à Vernou-sur-Brenne.
Après cette petite mise en situation matinale, mes pas se sont dirigés vers mes domaines vouvrillons favoris.
François Pinon

J’arrive en avance, mais cela semble convenir à François Pinon - qui prévoit visiblement une journée chargée -, que j’interromps tout de même dans sa corvée de nettoyage.
Ne vous fiez pas à des dehors un tantinet bourrus, un peu « ours » au premier abord, c’est un vigneron qu’il faut amadouer, ou plutôt, mettre en confiance. La passion est la meilleure des cartes de visite.
Nous entamons la dégustation dans la salle idoine, chauffée à l’avance par un feu de bois comme dans les livres : réchauffe doucement le cœur autant que le corps.

Sur les secs et traditions :
Fermentation et clarification en fûts, achat de nouveaux fûts tous les deux ans (renouvellement partiel), chauffe moyenne « moins ». Passage en cuves courant mars jusqu’à fin avril, puis mise en bouteille.


Sec 2006 (ouvert le 27/10)
6.6 g de sr, 12° alc., 4.9 g d’acidité totale – 7 €
Vendanges compliquées par la pluie, mais bel été.

Robe jaune pâle, à reflets verts, comme la plupart des vins suivants, sauf mention contraire.
Nez floral, sur la pomme fraîche, notes subtiles de levure (sans être rédhibitoire, je le perçois fréquemment avec le chenin jeune).
Jolie acidité, un sec tendre, bien équilibré, bonne longueur. Finale marine, légèrement iodée. J’avais furieusement envie d’un plat incluant des moules avec ce vin. C’est grave docteur ?
Bref, un joli sec, qui peut commencer à être dégusté sur des plats marins.

Tradition 2006 (ouvert le 25/10)
24 g de sr, 12.3° alc., 4.9 g d’ac. tot.- 7.80 €
Robe un peu plus jaune.
Nez plus réservé que le sec. Notes fines de fleurs..
Vif, sucres bien intégrés, la finesse des argiles à silex de la Vallée de Cousse est perceptible, conférant à ce demi-sec une tension gustative sur le fil du rasoir. Finale évoquant le miel d’acacia.

A ce stade, j’avais un peu mieux apprécié la gourmandise du sec, le Tradition étant moins immédiatement accessible et plus dissocié. En évoquant cela avec François, il part me chercher une nouvelle bouteille de Tradition 2006 (2/11) :
Nez légèrement vanillé, pour s’estomper rapidement vers la poire et note de levure.
En bouche, le vin est plus rond, plus moelleux sans paraître pour autant plus sucré. Très agréable. Une cuvée bien réussie.

Cuvée 2001 (2/11)
François Pinon n’a pas voulu l’appeler Tradition, ni Moelleux : demi-sec riche ou moelleux léger ?
32 g de sr, 11° alc., 5.35 g d’ac. tot.- 8.50 €

Robe légèrement dorée.
Nez sur la fraîcheur , évoquant l’abricot frais, le coing.
Jolie densité en bouche, équilibre réussi, un joli vin tonique, dotée d’une finale fumée (silex) de bel effet ?
Une cuvée qui peut être ouverte dès à présent avec bonheur, mais qui mérite encore un peu de temps en cave pour donner encore plus de plaisir. Confirmation quinze jours plus tard, avec une bouteille encore sur la réserve, qui demande de l’aération avant d’éclore. Une jolie réussite dans ce millésime difficile, qui a produit, à Vouvray et à Montlouis-sur-Loire, ses meilleures bouteilles dans le registre demi-sec.

Moelleux 2005 (ouvert le 20/10)
80 g de sr, 12.2° alc., 4.05 g d’ac. tot – env. 10 €, de mémoire
Nez sur l’abricot sec, on change de registre par rapport aux vins précédents. Les 15/20% de botrytis n’y sont pas pour rien.
Equilibre parfait, la fraîcheur de ce vin en fait d’ores et déjà un excellent compagnon de table (en apéritif, avec une fourme d’Ambert ou sur un dessert aux fruits…). Mais il serait bien dommage de ne pas en conserver quelques quilles au sein de caves fraîches et sombres. Les grands moelleux de Touraine méritent plus que tout de vieillir pour nous livrer ensuite leur trésor liquide.

Botrytis 2005 (ouvert le 31/10)
152 g de sr, 10.6° alc., 4.3 g d’ac. tot. – 17 € les 50 cL
Elevage en fûts d’un an et trois ans. Mise en bouteille en juillet 2006
Robe dorée, brillante.
Nez sur l’abricot, la figue.
Bouche douce, fraîche. Belle longueur, sans creux ; là aussi, parfaitement équilibré par une acidité de dentelle. Du vin de taffetas qui n’eût pas déplu à Rabelais/Grandgousier. Un très joli liquoreux, à l’avenir plus que prometteur. A oublier dans sa cave, comme tout beau Vouvray digne de ce nom.

Cela faisait un petit moment que je n’étais pas retourné chez ce vigneron intègre et talentueux. Je suis heureux de constater que les 2005 sont largement au niveau de la réputation du millésime et que les 2006 sont réussis dans le contexte difficile du millésime et se déguste déjà fort bien.
Pour moi, cette adresse figure parmi les meilleures de Vouvray depuis près de vingt ans, avec une régularité exemplaire et un plaisir constant à la dégustation, ceci sur l’ensemble de la gamme (ses méthodes traditionnelles sont parmi les plus réussies de la région). Seul Philippe Foreau fait mieux, mais ce dernier possède des terroirs globalement d’un autre ordre. Je peux vous assurer qu’il existe un grand respect mutuel entre ces deux grands vignerons de Vouvray. Cela devient rare, par ces temps où l’on aime plus volontiers critiquer et rabaisser le travail des confrères !

Direction Vouvray, après la traversée de Vernou-sur-Brenne. Pas le temps de m’arrêter chez Huet, ce n’est que partie remise. Je suis attendu par Philippe Foreau :
Philippe Foreau

Le Maestro s’affère lui aussi aux tâches de nettoyage, enfin plus exactement à guider le travail de son fils.
Ce vigneron est un parfait épicurien, passionné de gastronomie, incollable dans les accords mets/vins, en particulier concernant ses vins. Il est parfois intimidant, j’ai toujours l’impression de passer un examen. Ce n’est pas de son fait, mais la précision de son odorat et de son palais, la connaissance détaillée des vins de la propriété sont un filtre nécessaire pour celles et ceux qui souhaitent découvrir les subtilités des Vouvray du Clos Naudin. J’ai dégusté au domaine une bonne dizaine de fois, j’ai beau connaître une bonne partie de la production depuis la reprise du domaine par Philippe Foreau en 1983, je ne me lasse pas de déguster en compagnie du Maestro, cela constitue à chaque fois une mise en danger salutaire pour progresser.

Le millésime 2007 s’annonce comme sauvé des eaux par un mois de septembre ensoleillé qui a permis de sécher les grappes, après un été catastrophique. Philippe Foreau paraît satisfait du résultat : de jolis secs en perspective, dotés d’une bonne acidité constitutive. Il doute que ce soit un aussi beau millésime que 2002 – probablement la référence en terme de sec sur le domaine, sur les dix dernières années -, plutôt un millésime intermédiaire entre 1983 et 1996, pour ceux qui connaissent ces deux millésimes. Je le comprends comme un sec doté d’une acidité moins mûre que pour le 2002, mais imposante (plus grande proportion de malique, moins de tartrique ?)

Sec 2006
6 g de sr, 13.5° alc.
Un lot fut ramassé à de plus haut degrés potentiels et s’est arrêté en cours de fermentation. D’où un sec 2006 plus riche en terme de sucres résiduels qu’il n’est de coutume au domaine.
Robe or jaune.
Notes de poire juteuse, de fenouil/artichaud et de pêche. Du classique.
Bouche fraîche, entrée en bouche tonique, vin complet et bien équilibré.
Ce sec se déguste déjà fort bien et permettra, selon l’expression consacrée, d’attendre patiemment que les 2005 et les 2002 parviennent à maturité.

Demi-sec 2005
Le sec 2005 est déjà épuisé, nous sommes vraisemblablement sur les dernières bouteilles disponibles au domaine.
Nez sur des notes de noix de coco, au spectre aromatique réduit. Phase de fermeture courante à ce stade.
En bouche, le vin est tout en élégance, parfaitement équilibré. Grande garde assurée.
Les 2005 sont d’évolution particulièrement lente, de par leur structure et leur richesse de constitution.

On attaque les moelleux : nous allons monter en puissance sucrée.

Moelleux 1999
35 g de sr – servi à l’aveugle, j’ai hésité entre le 99 et le 95, pour finalement opter pour le second. Le vin suivant m’a montré l’énormité de mon erreur.
Robe dorée
Nez tourbé, sur le tilleul. Très plaisant.
Sucres très bien intégrés, beaucoup de finesse. Belle finale sur une note fumée (signature des perruches).
La longueur est magistrale et je laisse longuement le vin s’épanouir en bouche puis après l’avoir recraché ; les notes de marmelade d’orange, d’infusion de tilleul et de verveine titillent mes papilles. Je propose à Philippe Foreau un accord possible sur des noix de Saint-Jacques aux agrumes. Il préfère quant à lui le marier à un homard aux écorces d’orange.

Moelleux 1995 (ouvert le 27/10)
Robe or doré.
Nez marqué de truffe blanche. J’ai retrouvé la même note dans l’Altesse de Michel Grisard du même millésime, la semaine passée.
Belle acidité encore, je pense même au terme « sapidité », dans son sens le plus noble. Bonne longueur, sur des notes d’épices douces, d’encaustique. Belle finale en queue de paon sur le fumé. Paraît toutefois un peu plus court que le 1999 précédent.

Je lui en fais la remarque, il acquiesce mais court chercher une autre bouteille pour vérifier la longueur du vin.

Moelleux 1995 (ouvert le 02/11)
Robe or doré.
Le nez se révèle plus grillé, plus réduit probablement ?
La bouche se montre plus complète, plus nerveuse et tonique. Belle finale.
Jolie expérience : ce moelleux 1995 semble dans son plateau de maturité et ne gagnera peut-être pas à être attendu encore des années.

Moelleux 2005
60 g de sr
Robe jaune, brillante.
Nez sur la poire, avec un petit voile de levure, sensation que ne partage pas Philippe Foreau, car il l’associe à un défaut. Dans un Vouvray aussi jeune, cette note de levure de bière ne m’est pas rédhibitoire.
Bouche goûteuse, complète, comportant son lot de fruits frais des plus attrayants.
Philippe Foreau propose un accord avec une fourme d’Ambert sur du pain toasté : je suis tout à fait prêt à le suivre !

Cette dégustation montre aussi un point essentiel dans la compréhension de ces grands Vouvray qui appellent la meilleure et la plus fine des gastronomies : il faut les attendre au minimum sept ans après mise pour que les vins prennent une tout autre dimension. Cette dégustation, comme les précédentes, le confirme aisément.

Dans le reste de la journée, je suis passé par l’ancienne Maison des Vins de Montlouis, repris récemment par Laurent Chatenay et sa femme, à la manière de Manuela&François Chidaine : peu de références, hors les vins du domaine. A noter, les vins d’Hervé Villemade. Une affaire à suivre et je leur souhaite autant de succès que leurs confrères.
J’avoue avoir été peu emballé par les secs 2005 : style riche, puissant en alcool, manquant de finesse en l’état. Je préfère les vins de Chidaine et de Stéphane Cossais sur l’appellation. Les liquoreux sont intéressants, en particulier le Clos Michet 2005, même si moins riche et élégant que ne l’était le 2001 ou même le 2003. A revoir.

Passage ensuite à la Cave Insolite : excellente recrue, fort aimable.
La gamme Chidaine est de très belle tenue. Je place encore et toujours Choisilles au-dessus des autres secs, mais les Vouvray ne sont pas en reste. La cuvée Les Bournais 2005 en version moelleuse (suite à une erreur d’analyse au réfractomètre avant les vendanges) est encore une fois très réussie, tout en charme. J’aime, je préfère presque, un certain côté cistercien aux moelleux issus des perruches. C’est un sans faute, une nouvelle fois. Bravo !
Merci à Manuela Chidaine pour son accueil toujours aussi attentif, passionné et professionnel.
18 Nov 2007 23:41 #1

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Réponse de Thierry Debaisieux sur le sujet Re: Voyage à Vouvray et Montlouis du 2 novembre 2007

Merci pour ce beau compte-rendu de voyage ;)

Cordialement,
Thierry
18 Nov 2007 23:46 #2

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Réponse de teddyteddy sur le sujet Re: Voyage à Vouvray et Montlouis du 2 novembre 2007

Effectivement, voilà un compte-rendu qui fut particulièrement agréable à lire, et qui m'engage à ne pas encore ouvrir mes demi-secs 2005 de Foreau, que je n'ai pas encore goûtés.

Laurent
22 Nov 2007 14:43 #3

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Réponse de PtitPhilou sur le sujet Re: Voyage à Vouvray et Montlouis du 2 novembre 2007

Merci à vous deux.:)
23 Nov 2007 20:58 #4

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Réponse de Olivier Mottard sur le sujet Re: Voyage à Vouvray et Montlouis du 2 novembre 2007

A la fois informatif, synthétique et précis.
Merci pour ce CR ! ;)

Olivier
24 Nov 2007 09:39 #5

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Beau CR bien détaillé en effet.

François
24 Nov 2007 11:08 #6

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Réponse de charlesv sur le sujet Re: Voyage à Vouvray et Montlouis du 2 novembre 2007

Phil,

Très beau CR !

Les grands hommes du vin sont souvent des gourmets intarissables.

" Je n'écris pas pour une petite élite dont je n'ai cure, ni pour une entité platonique adulée qu'on surnomme la Masse. Je ne crois pas à ces deux abstractions, chères au démagogue. J'écris pour moi, pour mes amis et pour adoucir le cours du temps. " Jorge Luis Borges
24 Nov 2007 11:59 #7

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Réponse de milleret jean luc sur le sujet Re: Voyage à Vouvray et Montlouis du 2 novembre 2007

C'est du Phil ::o..toujours de magnifiques CR ! J'ai déja programmé une soirée Chidaine pour le cycle 2008 2009 de notre club . J'ai acheté quelques petites caisses de la gamme , le Moelleux 2005 sera disponible en Décembre .
24 Nov 2007 13:22 #8

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Modérateurs: GildasPBAESMartinezCédric42120Vougeotjean-luc javauxstarbuck