Dîner délicieux au restaurant « Baie » en point d'orgue des vacances en Baie de Somme
Peu habitué aux restaurants étoilés ou même aux gastronomiques, je souhaite donner accès à la belle gastronomie à mes jeunes fils, à hauteur de mes moyens. Leur faire découvrir les joies d'un repas d'exception et désormais le plaisir de l'associer à des vins choisis (ils sentent et goûtent seulement une lichée, pas plus).
Le compte-rendu de Jean-Loup en mai m'a donné grande envie de découvrir cette adresse à la fois intimiste et très prometteuse. Merci à toi, car l'expérience vaut le coup, assurément.Alors, après une expérience en demie-teinte l'année passée au restaurant la Clé des Champs à Favières (repas très bon, joli cadre champêtre, mais sélection de vins pas à la hauteur de mes espoirs), j'espérais beaucoup en réservant une table à Saint Valéry sur Somme.
Rendez-vous pris sur leur plate-forme de réservation, pour le lundi soir (la table d'hôte est fermée les mardi et mercredi, n'ouvre que le soir, hormis les midis du w.e. en sus du soir). Il est donc impératif de réserver au moins une semaine à l'avance.
On arrive en avance dans la rue de la Ferté, rue principale. S’il est aisé de se garer le lundi soir dans la semaine dans le coin, il l’est peut-être moins le w.e.
On en profite pour se balader sur les hauteurs de Saint-Valéry, où certaines rues conservent les décorations de la fête de la mer du week-end dernier.
Puis nous flânons sur les quais, car ne voulant pas être en retard, nous sommes arrivés avec une bonne heure d'avance ! Je vois une voiture "urgence gaz" filer à toute allure, sans y prêter trop attention... en arrivant au restaurant, je comprends que c'est pour nous : tous les clients ainsi que les trois personnes en charge du restaurant sont sortis autour du périmètre de sécurité installé par les pompiers. Ouille !Marie nous accueille, désolée, nous ne pourrons pas être servis ce soir là, même s'ils serviront de quelque manière que ce soit les autres convives déjà installés. Je regrette presque d'avoir pris notre temps pour venir (nous avions 10 minutes d'avance à notre arrivée quand même).Mais pas d'égoïsme mal placé, c'est surtout pour Marie, Étienne et leur salarié que je m'inquiète.Marie ne prévoyant pas la possibilité que j'attende un peu pour voir s les choses s'arrangeaient, j'ai de la chance, on peut nous accueillir de nouveau jeudi soir, cette fois en terrasse, les 14 couverts en salle étant d'ores et déjà réservés. A noter que peu de temps après, tout était rentré dans l'ordre, sauf que nous étions déjà installé dans un autre restaurant voisin, le Ferté, sympa, classique, où on a bien mangé. Tant pis, mais sans regret in fine.
Donc, jeudi soir, nous sommes accueillis par la charmante Marie, installés en terrasse dans une rue qui est très peu passante, mis à part quelques badauds qui ne manquent pas de jeter un œil sur nos plats.Accueil délicat, souriant et discret. Merci beaucoup, j'ai apprécié la volonté d'accueillir leurs hôtes de manière discrète, polie et chaleureuse sans chichi.
Nous prenons le menu en 6 plats pour 70 € (hors boissons) : "Le 6 services" - Amuses bouches, 2 entrées, 1 poisson, 1 viande, 2 desserts, mignardises
La carte des vins est élaborée avec l'appui de deux agents qui sont sur Lille. Jolie sélection à tendance "bio, nature", qui change tous les 3 mois, a priori. J’y ai retrouvé quelques références qu’on trouve sur vins-etonnants par exemple.
Leur sélection est pointue, mais, seul bémol pour ma part sur ce repas, le choix au verre s’avère très, trop limité. Il y a une bulle, un blanc sec et un rouge au verre (8,5 € le verre de mémoire, sauf le champagne, à 12 € environ). J'ai regretté (enfin, pas osé) ne pas partager une bouteille avec d'autres convives (ils étaient dans la salle, nous à la terrasse), car j'avoue que je me serai bien laissé tenter par quelques jolies références à la fois en Loire ou en Languedoc par exemple. Les verres à vin ne sont pas au top non plus de ce qui se fait (certes, je chipote). Un petit effort sur la verrerie, tout comme sur le service du vin rouge, délicieux par ailleurs, mais servi un peu trop chaud, pourrait encore améliorer l'expérience. J'ajouterai pour finir qu'une proposition d'accord mets/vins en trois (pour ma part plutôt en quatre) verres en accompagnement du « 6 services » pourrait être un atout supplémentaire, à mon humble avis (en particulier, proposer un vin plus adapté sur les desserts, cf. ci-après). Certes, je ne l'ai pas dit à Marie, je ne voulais pas paraître plus pédant que je le suis déjà (ou au mieux, maladroit). Si elle ou son mari lisent ce compte-rendu, il ne s'agit que de critiques qui se veulent constructives et simplement un avis parmi tant d’autres.
Nous commençons par les amuses-bouche en deux temps : délicieux, les plats que mes enfants ont préféré. Très belle entrée en matière, en particulier le chou rave dont j’ai encore la texture et le goût en mémoire.
Mes fils ont commandé le sirop de rhubarbe fait maison (qu’on retrouvera sur le dernier dessert) accompagné par un tonic. Ils étaient ravis. Ils ont aussi pris un verre de jus de pomme local, trouble (bon signe), de belle qualité, très goûteux.
Pour ma part, j’ai commencé par un verre de cuvée Tradition de la maison Lelarge Pugeot (pas vu le tirage ni la date de dégorgement mais cela doit être les mêmes qu’en mai) : ce Champagne est délicat, bulles fines, notes de pomme verte, fruité, fleurs blanches, légères brioche, délicieux et parfait pour accompagner les trois amuses-bouche.
Sur les deux entrées, fraîches, vraiment délicieuses et très goûteuses :
j’ai continué sur la cuvée Exilé du domaine Lise & Bertrand Jousset, en vin de France, assemblage original de chenin et de colombard : robe jaune, nez fruité, pomme, poire, légèrement floral, coing, très intéressant au nez. Moins en bouche, malgré une rondeur qui équilibre la fraîcheur de ce vin parfaitement sec. Mais la bouche est un peu trop courte à mon goût et la finale tombe vite. Un Montlouis du même domaine aurait peut-être été plus adéquat.
Mais c’est bon et l’accord fonctionne à la fois avec le maquereau (superbe!) aux tomates fraîches, et avec la terrine de viande en croûte, elle aussi délicieuse, qui me rappelle le Potjevleesch que j’ai goûté à deux reprises durant la semaine, en particulier lors d’un repas un soir au parc du Marquenterre (superbe moment passé à observer de magnifiques oiseaux, grenouilles, mouflons de Corse...). Avec de tels plats aussi délicieux et goûteux, un beau chenin sur Saumur (Loïc Terquem ou R. Desouche) m’aurait comblé. Dans mes rêves les plus fous, déguster ces mets raffinés avec une bouteille de Nourrissons de S. Bernaudeau serait le comble du bonheur. Bref… c’était bien bon quand même.
Le turbot est cuit idéalement, j’ai aimé la chips de peau du turbot et les légumes qui accompagnent ont beaucoup de goût, le fenouil apportant beaucoup de fraîcheur. Je pensais à un Palette blanc de Château Simone en goûtant ce plat.
Arrive ensuite l’agneau du Hâble d’Ault en deux façons : gigot et épaule.
Je n’aimais pas cette viande, hormis depuis que je bois du vin, car seule, j’ai encore du mal avec son goût, malgré toutes les qualités de texture que je lui reconnais. Le choix de Marie de proposer un Gamay Saint Romain 2022 (Vin de France) de Romain Paire (domaine des Pothiers) s’avère judicieux, car le vin est délicieux, rond, parfumé et long en bouche, sur le noyau de cerise et les fruits rouges. Le poivre vient compléter le spectre de cette cuvée gourmande, qui accompagne très bien ce mets fin, très bien cuisiné. Seul soucis, le vin est servi un peu trop chaud à mon goût, vers les 18° alors que 15-16° lui siérait mieux.
Les carottes sont délicieuses en trois façons. La purée possède un goût prononcé de romarin qui apporte une belle fraîcheur à l’ensemble. Sur les deux desserts, à savoir un premier à domaine de fraises et l’autre autour de la rhubarbe, j’avais terminé mon verre de Gamay 2022 de R. Paire.
Il n’y a que trois vins proposés au verre, mais je demande s’il est possible d’avoir un quatrième verre qui pourra se marier avec les desserts, peu sucrés comme présentés par Marie. Très gentiment, elle me propose un verre d’un vin de Patrice Lescarret, vigneron gaillacois dont j’apprécie la qualité de ses vins depuis plus de 20 ans. Mais je croyais que le vin serait au moins demi-sec : La cuvée « Les Greilles » 2020 (vin de France) - a priori, Mauzac (50%), Loin de l’œil (20%), Muscadelle (20%) et Chenin (10%) de Causse Marines (Acte III) - possède une robe jaune dorée, un nez fruité, sur la pomme, les fruits blancs, pêche, un peu de groseille et tire sur des notes très légèrement oxydatives qui renforcent sa complexité. La bouche est assez riche, mais aussi acidulée et fraîche. Si l’accord se fait bien sur l’acidité de la fraise nature et sur les morceaux de rhubarbe, dès que j’ai mangé les parties (peu) sucrées des deux mets, l’accord explose et le sucre vient amoindrir et comprimer le vin. Quel dommage alors que la carte comporte certainement un ou plusieurs demi-secs.
Je savoure donc ces Greilles 2020 pour la qualité du jus, le vin étant très bon. Mais je ne mange pas avec.
Les mignardises complètent ce repas qui s’est déroulé à ravir, mes enfants étant enchantés par ce qu’ils ont dégusté. Ils avaient encore le goût de certains plats en mémoire le lendemain. Leurs compliments sur cette soirée, sur cette expérience unique lors de cette semaine de détente en vacances, m’ont comblé et j’en remercie très chaleureusement l’équipe du restaurant Baie, en particulier Marie et son mari Étienne. J’avoue aussi que leur comparaison flatteuse à mon égard sur ce que je leur cuisine à la maison m’a touché profondément. Car l’approche du goût se fait aussi au quotidien, même si je n’ai pas l’ombre du talent de ces cuisiniers. Enfin, à l’occasion de ce genre de repas, je savoure d’autant plus intensément l’instant par le ravissement des enfants et leurs remerciements de le partager ensemble.