un article très intéressant, publié par la cave "la Chablisienne".
la version originale ici :
www.chablisienne.com...
un résumé avec quelques reprises de passage :
Minéralité, vous avez dit minéralité ? On n’entend plus parler que de ça et quand vient l’heure de définir ce vocable, néologisme, force est de constater que les avis divergent : impression olfactive, sapide ou même tactile, beaucoup de chose sont dites à son propos et il faut bien l’avouer pas mal de bêtises.
L’œnologie moderne et aussi la chimie qui va avec a bien déterminé à partir des années 70 a réussi à isoler des molécules responsables des impressions olfactives et gustatives : polyphénols, aldéhydes et esters n’avaient plus de secrets pour les œnophiles. Il faut bien avouer que cette minéralité émergentes vient un peu brouiller les certitudes.
Plutôt déclinée en blanc, on en parle bien souvent dans les commentaires des vins de la Loire, d’Alsace, ou de Chablis, archétype du vin minéral. Les mots sont alors dans le champ du silex, de la pierre à fusil, de la craie, de la mine de crayon, ou encore des hydrocarbures, mais aussi de terre, de coquille d’huitre, d’iode, de tourbe.
Aujourd’hui point de grand vin sans cet aspect minéral, comme nécessaire lien à la terre, comme si ce caillou que l’on ressent à la dégustation est celui du petit poucet qui permet de retrouver le chemin du terroir…. Mais combien de fois ce terme a été galvaudé pour cacher la misère de vins sans fruit, issus de raisin ramassés à la hâte, aiguisés par une acidité terrible.
Et pourtant, même s’il s’agit d’un néologisme, cette notion a toujours été présente dans la dégustation, à Chablis notamment où l’on évoque souvent la pierre à fusil, ou le silex, pourtant totalement absent du sol des deux rives du Serein, où si l’on creuse un peu, on trouve des huîtres : le fameux sol kimméridgien, usine à minéralité, calcaire à huître, de ces petites huîtres appelées Exogyra Virgula.
Un sol qui s’est formé au Jurassique supérieur, il y a quelque 150 millions d’années, à une époque où la France était submergée par une mer tropicale. Chablis avait alors des airs de lagon : une belle carte postale, où quelques dinosaures posaient pour la photo, éparpillés sur les rares terres émergées et quelques chapelets d’îlots. C’est dans ces eaux peu profondes que les huîtres Exogyra virgula et d’autres mollusques ont bâti de véritables récifs qui ont formé un étage géologique bien particulier : celui du Kimméridgien. Une roche calcaire mêlée à des argiles est ainsi née, qui, après le retrait de la mer, s’est altérée pour donner naissance, en surface, à de la terre. Et c’est dans cette terre, au XIIe siècle, que des moines cisterciens ont planté de la vigne, plus précisément un cépage originaire de Bourgogne : le Chardonnay. Ce cépage n’est d’ailleurs pas celui qui exhale d’ordinaire le plus de minéralité, que l’on prête plus volontiers au riesling ou au chenin.
La question essentielle, celle qui taraude les amateurs de vin, celles qui déchaine passions et débats, c’est de savoir comment le sol se retrouve dans le verre. Car si la roche semble bien responsable de cette minéralité, elle est inerte. Entre la roche et la vigne, il y a la terre et sans doute convient-il de ne pas l’oublier.
La terre contient des milliers de micro-organismes : bactéries, champignons, acariens, insectes, vers de terre et certaines espèces seraient endémiques de chaque région et ne se retrouverait pas ailleurs à l’identique : l’alliance du minéral et de l’organique au service de l’expression du terroir. C’est par cette micro flore et micro faune que les racines peuvent obtenir les minéraux dont elles ont besoin : par sa photosynthèse, la vigne produit du sucre, dont une partie est envoyée dans ses racines pour “nourrir” des bactéries ; ces bactéries, en secrétant de l’acide, vont ensuite attaquer la roche et en extraire des minéraux (phosphore, magnésium, fer, iode…). Commence alors un rapprochement inespéré entre le monde minéral et le monde organique. Silicium, aluminium et humus (le fruit de la décomposition de la matière organique), sont assemblés par cette armée lilliputienne, où chaque espèce connaît sa partition. Il en résulte un complexe argilo-humique qui n’a pas fini d’émerveiller les biologistes. Mais ce monde des argiles est très complexe et c’est sans doute là que réside le mystère. Selon la nature de la roche la variété des microorganismes n’est pas la même et les argiles connaissent autant de différences.
On a cherché à montrer que les minéraux présents dans le raisin pouvaient être responsables de cette perception minérale : chou blanc. Idem pour ceux contenus dans le vin.
La science nous apprend que les minéraux n’ont pas d’odeur. Le soufre ne dégage son odeur suffocante que lorsqu’il est brûlé. L’iode, sans l’apport de composés organiques provenant d’algues ou d’animaux, n’apporterait pas grand-chose au grand air marin. Quant à la pierre à fusil, les scientifiques ont fini par mettre la main dessus : il s’agit de benzenemethanethiol, une molécule qui n’a rien de minéral et que l’on classerait davantage dans les arômes empyreumatiques, cette famille d’arômes de type “grillé” ou “brûlé”.
L’acidité semble bien avoir son mot à dire dans cette histoire : la plupart des vins reconnus minéraux ont une acidité marquée.
Trois types d’acides importants sont apportés lors de la fermentation : lactiques, ascétiques et succiniques. Et trois autres par le raisin : tartriques, maliques et citriques. Or, outre ces six acides majeurs, ce ne sont pas moins de 30 à 40 acides différents, que l’on dénombre dans un vin. Les minéraux favoriseraient donc la production d’acides, plus ou moins forts, et en plus ou moins grandes quantités, selon la nature du sol.
Le cépage – de par son programme génétique – synthétiserait des arômes d’hydrocarbure
pour un Riesling ou d’iode pour un Chablis qui seraient alors portés et révélés par ces acides. D’ailleurs, en bouche, plus que des goûts ou des saveurs, ce serait ces arômes (des molécules odorantes peu solubles dans l’eau et la salive) qui seraient perçus par voie rétro-nasale.