Un domaine du Saumurois tourné vers l'avenir !
Pourtant, une déjà longue histoire.
Nous ne sommes pas là au coeur d'un vignoble prestigieux. Venant de Doué la Fontaine, capitale de la rose, la route de Montreuil-Bellay vous mène à travers des champs de céréales.
Pourtant, là , tout prêt, au coeur du plateau de Brossay (800 ha), le Château de Fosse-Sèche, avec une chapelle et un colombier du XVIè, nous laisse deviner une topographie ancienne.
En fait, malgré que les bâtiments se situent dans une légère dépression, il n'y a absolument pas traces d'eaux stagnantes. D'où ce nom, sans doute. A moins qu'il ne s'agisse de douves sèches, qui entouraient jadis cette ancienne dépendance du Prieuré de Montreuil-Bellay.
Huit siècles de tradition viticole, pas moins (!), qui permettent aux Keller de relever le défi et d'évaluer la richesse du lieu.
En effet, malgré les périodes troublées ( Révolution et/ou post-Révolution, la « Vendée militaire » est proche ce vignoble a toujours été maintenu en production à travers les siècles et a plutôt mieux résisté aux évènements que la chapelle. Sans doute, cette qualité du sol n'y est pas étrangère. Une sorte de perméabilité à valoir dans les deux sens !
Françoise, Ueli et leur fils Guillaume (une famille belgo-suisse) sont présents à Fosse-Sèche depuis 1999 et quelques amateurs, cavistes et surtout sommeliers ont déjà eu l'occasion de s'étonner !
Sur place même, 17 ha plantés sur le sol caillouteux (silex) d'un plateau jurassique, avec des graviers liés par une terre légèrement argileuse.
A 80%, des cépages rouges (2/3 de cabernet franc, 1/3 de cabernet-sauvignon) et le reste en chenin.
A quelques kilomètres de là , 3 ha à Parnay, en AOC Saumur-Champigny.
Excellent accueil, malgré une certaine et légitime réserve : les Keller viennent d'apprendre depuis la veille, par l'intermédiaire d'Axel (voir ci-dessus), l'existence de LPV, qu'une rubrique y est consacrée au domaine et qu'un certain PhR, qui y signe quelques interventions, leur rend justement visite le lendemain !
Il faut passer un peu de temps dans les vignes avec Ueli pour mesurer la force des convictions qui animent les vignerons de Fosse-Sèche !
Il faut aussi laisser de côté certaines de nos plus intimes convictions d'amateurs et ainsi, entendre et écouter les raisons de certains choix techniques, comme la vendange à la machine pour les rouges, alors même que tant d'options prises dans le but d'une haute qualité semblent être cumulées là .
Et comment oublier une récente visite de l'usine New Holland, qui fabrique des machines à vendanger ?
Après cette conversation dans des vignes trèssèches (vendanges prévues vers le 15/20 septembre au lieu de début octobre habituellement) au cours de laquelle nous apprenons notamment l'existence d'un vieux projet d'AOC Saumur-Puy-Notre-Dame (!) qui a peu de chance de voir le jour, nous nous dirigeons vers le caveau tout à fait tempéré pour un tour d'horizon de toute la gamme :
Château de Fosse-Sèche
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Saumur blanc 2002 :
100% chenin. Elevages sur lies totales.
Beaucoup de fraîcheur ! Le chenin s'ouvre doucement (en se réchauffant) sur une tendance aromatique florale. Assez persistant et d'une belle intensité. Une certaine fermeté n'en affecte pas moins le bel équilibre de ce vin. Bien !
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Cabernet de Saumur rosé 2002 :
100% cabernet franc. Rose soutenu (macération de 24 h). Nuancé, sans fioritures. Sec et vineux, sans mordant désagréable. Un rosé de gastronomie et de fidélité à l'histoire du domaine ! En effet, il semble que Paul Taveau, propriétaire de Fosse-Sèche en 1904, est à l'origine du premier rosé issu de cabernet en Anjou (demi-sec). On imagine la surprise à l'époque !
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Vin de pays du Jardin de la France Gamay 2002 :
Dernier millésime ! La vieille vigne a été arrachée cette année. Trop de manquants ! Un rendement aux alentours de 30 hl/ha (50 si tous les pieds étaient présents, sans doute, ce qui est très intéressant pour un gamay de la région !)
Rouge carmin profond. Tendance poivre et épices au nez, confirmée joliment en bouche. Ne dévie pas, ni en fin de bouche, ni en rétro. A faire pâlir bien d'autres gamay ! En évoque d'autres, valaisans. Devrait bien évoluer.
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Saumur-Champigny 2002 :
Rouge profond, nuance cassis. Là aussi, jolie expression de cabernet franc. La note poivrée apparaît à l'aération, après une approche nuancée, sans exubérance. Pas l'archétype du Champigny à servir glacé dans une brasserie parisienne !…
La patience de l'amateur doit le servir. Du corps et de la personnalité. Pas de trace de sècheresse.
Pas forcément issu du meilleur terroir de l'AOC (et encore !), ce qui transparaît peut-être parfois dans les propos des vignerons, dont la conviction est plus entière à propos du Saumur rouge du domaine même.
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Saumur rouge 2002 ;
2/3 cabernet franc, 1/3 cabernet sauvignon.
Pourpre. Assez intense et profond. Expression aromatique nuancée (ou subtile) là aussi. La bouche est ferme et droite et offre dès maintenant un plus de rondeur. Solide, la structure est bien en place, ce qui surprend pour un 2002, et masque légèrement l'expression. Beau potentiel de garde.
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Saumur rouge 2001 (plus disponible) :
Rouge intense. La trame est également serrée, mais l'ensemble est joliment compact, sérieux. Plus proche de son apogée, mais, là aussi, le vin peut être oublié en cave sans problème.
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Saumur rouge Réserve du Pigeonnier 2001 :
La parcelle destinée à cette cuvée est déterminée au printemps. Une seule grappe sera conservée par sarment. Les grappes « indésirables » seront écartées avant le passage de la machine. Le but premier de la vendange mécanique est de récolter, le plus simultanément possible, l'ensemble des raisins destinés à cette cuvée lorsqu'ils ont atteint la maturité voulue et prévue. De l'horlogerie, presque !
Rendement : 18 hl/ha. Douze mois en fûts (50% neufs, 50% d'un vin).
Rouge intense et profond. De la nuance, qui s'appuie sur une bouche ferme et dense et qui offre un beau potentiel équilibré. Des notes de tabacs apparaissent après une approche sur les baies noires. Déjà très séducteur ! Grande bouteille de gastronomie.
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Saumur rouge Réserve du Pigeonnier 2000 :
100% fûts neufs (premier millésime produit). Intensité et élégance, avec une complexité notoire. Persistant et d'une force remarquable pour un vin à dominante cabernet franc. Du beau travail, que d'autres vignerons du Saumurois ou de Touraine pourraient méditer !
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Saumur blanc Les Tris de la Chapelle 2001 :
Un grand chenin (demi-sec?!..) ! Rendement : 10-12 hl/ha. Tris manuels successifs des grappes atteintes de pourriture noble sur la vigne également destinée au Saumur blanc de base. 14° d'alcool.
Notes florales intenses (menthol), puis nuances grillées, rôties très élégantes. Bouche superbe, dense, mûre et élégante. Un vin de plaisir !
Non dégusté à cette occasion (mais peut-être l'an prochain au Salon des Vins de Loire ?)
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Saumur rouge « Grande Réserve » 2000 :
Une curiosité sans doute, 200% fûts neufs !!! En effet, le vin est passé en barrique neuve pendant un an, puis, au bout d'un an, est remis dans une autre barrique neuve pour une autre année ! Etonnant, non ?
Au final, 350 bouteilles numérotées à la main ! Une touche de fantaisie que l'on s'attendrait à voir plus aisément sur un rosé ou un blanc de base, comme c'est souvent le cas dans la région, mais qui finalement apparaît sur les grandes cuvées qui offrent chaque année des surprises exaltantes.
A l'image d'un domaine qui ne cèdera sans doute jamais à l'esbrouffe et aux cuvées flatteuses, et qui va proposer à l'avenir (et dès maintenant !) des vins sérieux, tous soignés et le plus souvent destinés à la gastronomie. Les amateurs passionnés se pencheront certainement sur les grandes cuvées (peut-être bientôt disponibles en réservation ?!…), mais toute la gamme ne peut être ignorée.
PhR