C’est avec impatience et excitation que j’attendais cette verticale de la cuvée phare de Robert Michel organisée par le CaveSA en présence du géniteur.
La redécouverte des syrah de ce vigneron fut pour moi une révélation et un choc gustatif, il y a plus de 4 ans, de ce que pouvaient être la syrah sur granite à Cornas et au vieillissement, à savoir l’opposée de l’image d’Epinal des vins brutaux, masculins et rustiques qui est encore malheureusement trop souvent véhiculée par les amateurs et même nombre de professionnels.
A leur meilleur, les Geynale n’ont rien à envier aux plus beaux pinots, gamays ou nebbioli et déploient une complexité, une élégance et une classe qui signent les plus grands vins de l’hexagone.
Robert Michel est un vigneron historique de l’appellation, son père fût avec les familles Lionnet, Voge et Clape, l’un de ceux qui ont cru à la grandeur du terroir de Cornas et qui ont défendu sa préservation face au développement immobilier et l’ont relancé après guerre avec le rachat de parcelles de vignes en friche, puis le développement de la mise en bouteille à la propriété qui a débuté à la fin des années 50.
Nombre de vignerons talentueux et reconnus ont appris le métier au domaine tel Thierry Allemand, Vincent Paris ou Guillaume Gilles pour ne citer qu’eux.
La Geynale est une parcelle de vignes centenaires située en contrebas du quartier Reynard en exposition sud/sud-est sur un sol de gore (granite en décomposition) et de gneiss. Elle fût produite et isolée comme cuvée unique pour la première fois en 1984.
Aussi incroyable que cela puisse paraître, Robert nous a avoué qu’il s’agissait de la première fois qu’il organisait une verticale de ses vins et a fortiori de la Geynale.
Il aura donc fallu attendre 7 ans après sa retraite pour que quelques passionnés bien au fait de la grandeur de ces vins lui demande une telle verticale !
Pour moi, c’est proprement ahurissant qu’aucun journaliste français digne de ce nom n’ait été capable de reconnaître le qualitatif de cette production et les talents de ce vigneron pour les recommander à ses lecteurs.
Comme par hasard, et une fois de plus, ce sont les étrangers qui ont fait son bonheur toute sa carrière puisqu’il a exporté presque tous ses vins du temps de son activité en Angleterre et aux Etats-Unis. Il n’est d’ailleurs pas étonnant qu’un critique du Gambero Rosso fût présent pour cette verticale, les français brillant toujours par leur absence, tans pis pour eux au vu du niveau des vins.
Personnellement, je mesure bien la chance que j’ai eue de participer à une telle dégustation.
Tous les vins ont été ouverts et épaulés le matin pour le soir avec un carafage à la bordelaise, sauf les millésimes 2004, 2005 et 2006 qui ont été carafés environ 10 heures sur recommandation de Robert. Les vins ont été servis par triplette, mais à titre personnel je ne les ai commentés que les uns après les autres.
La Geynale 2006
Nez très ouvert d'épices douces, d'encens, presque fumé. C'est un véritable parfum de fleurs (violette). A l'aération s'ajoutent des notes de coulis de framboise et une suavité dans les arômes. Superbe nez. Le long carafage a fait beaucoup de bien.
La bouche est riche et possède de superbes tannins en nombre encore, le volume est imposant et le vin fait très jeune et plein de fruit. La finale est longue, encore tannique mais juteuse. Fond de verre diabolique sur la rose, le balsamique. Vraiment très beau.
Très Bien +/Excellent.
La Geynale 2005
Le nez est plus en retrait que le 2006, moins explosif sur les épices douces, la viande fumée. C'est assez pur et profond mais plus massif et à l'aération développe des notes de bonbon et de mûre.
La bouche est plus droite, ferme, de beau volume et des tannins qui serrent encore un peu plus. Le vin possède beaucoup de gras, il balance entre gourmandise et droiture, il se montre dense et juteux aussi. Très longue finale poivrée, épicée et sur les fruits noirs. Un vin viril qui ira loin. Fond de verre sur la fourrure, le balsamique, la framboise.
Très Bien +.
La Geynale 2004
Nez très délicat même si moins explosif que le 06 sur des notes florales (violette), d'encens, de framboise, de cerise.
La bouche est suave, délicate également et ultra gourmande tant son équilibre fait saliver en raison de tannins partiellement fondus. C'est moins dense que le deux vins précédents mais ça reste éloigné du vin léger d'autant qu'il possède un joli gras. L'équilibre est remarquable, la fraicheur est marquante et la finale persistante, acidulée et salivante. Fond de verre ultra délicat et précis sur la rose ancienne, la groseille. Très bon et un grand plaisir dès aujourd'hui pour ce millésime.
Très Bien +.
La Geynale 2003
Nez plus chaud, confit sur le raisin de corinthe avec une touche VDN, on sent une forte maturité sur ce millésime. L'aération apporte plus de fraicheur mentholée et sur les épices, la pêche rôtie, l'abricot, la confiture de figue, le foin. C'est baroque, complexe, singulier et charmeur.
La bouche est glycérinée, sudiste avec une pointe de sucrosité très inhabituelle sur la Geynale. C'est riche, les tannins sont imperceptibles en milieu de bouche et la gourmandise est au rendez-vous. Seule la finale persistante et épicée apporte son lot de tannins plus rêches et une touche chaleureuse. Avec l'effet de séquence, c'est surement accentué mais cela reste un 03 réussi.
Très Bien.
La Geynale 2001
Un des 3 millésimes de la verticale que je n'avais jamais gouté et qui fût une déception sur le vin bu (une des deux bouteilles était en outre bouchonnée).
Si le premier nez est joli et délicat avec ses notes d'encens, d'épices, de figue et de kirsch, l'aération dans le verre mêlent des arômes de rose et de tabac à des notes charcutières moins avenantes.
La bouche fraiche, délicate, acidulée et salivante à l'acidité haute développe une volatile haute mais surtout dès le milieu de bouche des notes charcutières et d'encre peu avenantes tel un vin nature déviant. La finale est décharnée et laisse des saveurs peu agréables. Ce vin me semble touché par les bretts, sur cette bouteille du moins et je suis impatient de le regoûter au domaine un de ces jours.
ED.
La Geynale 1999
Le nez développe un peu d'acétate d'éthyle mais aussi un caractère juteux de fruits noirs et sur les épices douces, l'encens.
La bouche possède ce même caractère juteux qui lui confère beaucoup de gourmandise dans un volume de bon niveau. Les tannins sont déjà bien fondus et le vin possède du ressort en s'appuyant notamment sur une volatile haute qui ne me dérange pas mais qui pourrait gêner certains palais. C'est long sur les épices et salivant. Dur à cracher. Fond de verre fumé et balsamique. A table, la bouteille ne ferait pas long feu.
Très Bien +.
La Geynale 1998
Nez très délicat et pur d'épices douces, c'est très mûr et frais en même temps avec un côté mentholé et sur la cerise. C'est classe.
La bouche est très confortable dès l'attaque, l'équilibre est idéal et rend la bouche juteuse, salivante et vraiment délicieuse. Un joli gras et des tannins fondus accompagnent ce côté salivant dans un beau volume d'ensemble. Fond de verre superbe sur l'encens et les épices douces. J'ai adoré ce vin.
Très Bien +/Excellent.
La Geynale 1996
Nez baroque avec un trait végétal marqué, de rafle qui signe le millésime. C'est frais et mentholé aussi.
La bouche possède un trait vert, elle est plus droite, moins dense aussi que les vins précédents mais par contre l'acidité que je trouvais excessive dans mes précédentes rencontres s'est parfaitement intégrée à la matière ce qui donne un vin juteux, élégant avec une belle délicatesse tactile jusque dans sa finale salivante. C'est vraiment une belle surprise. Fond de verre superbe sur la rose, la vendange entière, la groseille.
Très Bien.
La Geynale 1995
Le nez est profond et très mûr sur la menthe, le cacao, le nuoc mam, le thé. S'il est ouvert, il fait encore très jeune et du coup évolue peu à l'aération avec un côté bloc monolithique.
La bouche est large dès l'attaque, dense, salivante et fraiche aussi. Les tannins sont partiellement fondus mais le vins possède encore beaucoup d'énergie et une vraie gourmandise. La finale est très longue et salivante avec des tannins encore en nombre et sensibles qui signent sa jeunesse et son gros potentiel. Fond de verre animal, d'épices, floral aussi. Il sera surement grand dans 10 ans.
Très Bien +.
La Geynale 1994
Le nez est ouvert et évolué avec une touche de noix et surtout d'acétate d'éthyle, puis à l'aération dans le verre de fruits noirs (confiture de figue).
La bouche est suave, gourmande, salivante, toujours un peu marquée aromatiquement par cet acétate et une acidité perceptible dans un bon équilibre d'ensemble. La longue finale est salivante. Fond de verre très joli sur les épices orientales, l'encens, l'orange amère. Dommage que ce vin soit moins pur et marqué par cet acétate car il serait délicieux. Son avenir n'est pas fini car le fond de verre est très pur.
Très Bien.
La Geynale 1991
Dès le premier coup de nez on sait que l'on a affaire à un vin immense, une légende. La profondeur du nez se conjugue à une harmonie de senteurs florales, d'épices orientales, de cachou avec le petit trait vert qui rehausse l'ensemble.
La bouche est aussi fabuleuse, incrachable bien sûr. Elle possède une suavité inimaginable, tout n'est que douceur tactile alors même que le vin possède beaucoup d'énergie et un volume énorme. On salive sur des saveurs de rose jusque dans la très longue finale qui ne vous lâche pas et prolonge un immense plaisir. Le fond de verre est un pot pourri fabuleux. Une légende difficile à exprimer par écrit, quelle baffe!
Exceptionnel.
La Geynale 1990
Nez différent de noisette, de fruits secs, de pain grillé conjugué à un côté très mûr sans être confit avec à l'aération le menthol, le jus de viande.
La bouche est hyper suave également, juteuse, avec une densité équivalente au 91. La fraicheur est au rendez-vous, c'est d'un grand équilibre, assez puissant et très gras. La finale est très longue et plus sudiste que le 91 et les tannins se font là encore sentir. Il a aussi de longues années devant lui mais il a déjà été très difficile à cracher. Fond de verre fabuleux sur les épices douces, la figue. Un grand vin qui n'a eu comme défaut que de passer après la perfection faite vin du 91.
Excellent.
La Geynale 1989
Nez superbe de jus de viande, de coulis de fraise, de réglisse avec une touche de musc.
La bouche est bien fondue, fluide, très fraiche avec pas mal d'extrait sec qui impacte le palais. C'est très confortable, mûr, gourmand, ça se boit comme du p'tit lait et fait saliver en raison d'un équilibre sans défaut jusque dans la finale de longueur correcte. C'est un cran en dessous du 90 à mon goût mais vraiment très bon. Fond de verre pur sur les fruits noirs.
Très Bien +.
La Geynale 1986
Nez délicat sur le céleri, les épices douces, la menthe. A l'aération, beaucoup de fruits s'expriment encore pour un vin de cet âge comme la cerise ou la framboise.
La bouche est suave, avec toujours beaucoup de fraicheur sensible et un équilibre idéal. C'est peut-être un peu moins gras que le 89 mais l'équilibre est énergique, on salive beaucoup et le vin difficile à cracher reste longtemps en bouche sur des arômes très purs d'épices et floraux. Fond de verre d'encens, céleri, floral. Délicieux.
Très Bien +/Excellent.
La Geynale 1985
Le second millésime de la Geynale présente un nez plus terreux, poussiéreux bien qu'il reste aussi des aromes de fruits noirs et d'épices, il est moins pur que ses successeurs.
La bouche possède aussi cette note terreuse à l'attaque (moins qu'au nez), des tannins plus durs aussi. Malgré cela l'équilibre est parfait comme souvent sur cette cuvée, on salive; la fraicheur est au rendez-vous, mais sans la précision aromatique habituelle et bien que le vin fasse encore jeune jusque dans une finale de longueur correcte. Le fond de verre balsamique est plus net.
Bien ++.
Un grand merci à Robert Michel d'avoir enfanté de tels vins. J'invite tout amateur de syrah de ce style à passer un jour la porte du domaine non seulement pour rencontrer un vigneron humble, drôle et charmant, mais aussi pour gouter à ces véritables témoignages viniques du passé de Cornas que sont les vins de Robert Michel.