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Dégustation de (très) vieux Madères

  • Roger Soif
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Dégustation de (très) vieux Madères a été créé par Roger Soif

Notre club avait organisé il y a quelques semaines une dégustation de vieux Madères millésimés. Il s'agit tous de "Frasqueria", c'est-à-dire des vins provenant d'une seule année (type vintage), par opposition aux Colheita.
Ces vins mutés ont passé au moins 20 ans en barriques et ont été chauffés pendant de longues semaines (les fût sont placés sous les toits). Après un traitement pareil, il en résulte évidemment des vins qui résiste de façon exceptionnelle au temps - ils sont quasi éternels.
Nous avons commencé par les plus secs (Sercial), pour aller vers les plus doux (Verdelho, puis Boal et Malvazia) et enfin terminer par quelques vins du 19ième siècle.
Les vins sont tous issus de 2 domaines (Barbeito et Oliveira) qui comptent parmi les meilleurs producteurs (auxquels il faut ajouter Henriques&Henriques, que nous n'avons pas dégusté).

Sercial
1. Sercial Barbeito 1978 : œil et nez de vieux cognac, avec des notes d'abricot. En bouche, il se montre salin, avec un côté iodé et est très rafraichissant grâce à une acidité bien marquée. Excellent (17,5/20)
2. Sercial Oliveira 1928 : de la volatile au nez, il sent la thérébentine (une caractéristique que l'on retrouvera dans plusieurs vins). Arôme de pêche écrasée. Plus sur l'alcool que le précédent, une note de tabac. Très bon (16/20)
Verdelho
3. Verdelho Barbeito 1981 : un millier de bouteilles produites... le nez est sur les épices (cannelle). Une belle acidité en bouche, une note assez étonnante de pamplemousse, très long. Excellent (17/20)
4. Verdelho Oliveira 1966: à nouveau ce nez de thérébentine. Très long lui aussi, on retrouve la gamme aromatique du Verdelho Barbeito, avec une petite complexité supplémentaire. 17,5/20
Boal
5. Boal Barbeitao 1978 : un nez très marqué sur le tabac et le cognac xo, et en bouche une note de mandarine napoléon. Un peu moins complexe que les précédents malgré tout. Vin produit à 618 exemplaires... 16,5/20
6. Boal Oliveira 1908 : Le vin de la soirée pour moi. Toujours ce nez de thérébentine, mais aussi de café, de crème brûlée, et de mandarine à nouveau. En bouche, il est immense, avec par dessus tout une petit note amère qui me régale. 19/20
Malvazia
7. Malvazia Barbeito 1979 : le caractère plus doux de la malvoisie me séduit moins, le vins semble plus simple. Peut-être a-t-il souffert de passer après le magnifique Boal. Cela reste très très bon malgré tout...16/20
8. Malvazia Oliveira 1907 : une étape est clairement franchie par rapport au précédent. Beaucoup plus riche, mais remarquablement équilbré par l'acidité et surtout par son côté salin. Remarquable. 17,5/20
Vins du 19ième siècle
9. Terrantez Oliveira 1880 : le Terrantez avait quasiment disparu entre 1880 et 1970, et il renaît aujourd'hui. Lors de la précédente dégustation de Madère de notre club (il y a une bonne dizaine d'années), nous avions dégusté un Terrantez 1795, qui reste encore aujourd'hui un de mes meilleurs souvenirs de dégustation. Je me souviens d'un vin d'une jeunesse affolante malgré son âge. Par contre, ce 1880 semble avoir souffert du siècle passé en barriques. Le nez est sauvage, giboyeux, de champignon, cour de ferme. La bouche est plus agréable et longue. Peut-être un problème de bouteille. Difficile à noter, 14/20 ?
10. Verdelho Oliveira 1850 : le vin est très foncé, la couleur est presque noire, bien plus que tous les autres. Toujours ce nez de thérébentine. Magnifique bouche, très équilibrée, avec une belle note de vinaigre balsamique. C'est très très long. 17,5/20
11. Malvazia Barbeito 1834 : un vin assez unique puisque seule une centaine de bouteilles furent produites. Le nez est sur la figue sèchée, est très épicée (certains y retrouvent du gingembre). Assez alcoolisé en bouche, il est soutenu par une acidité très marquée. Très long. 18/20

En conclusion, une très belle série de vins qui disposent d'une complexité et d'une longévité hors du commun. C'en est presque le seul bémol : la différence entre un vin de 50 ans et de 150 ans est si tenue qu'on se demande si c'est bien la peine d'attendre autant...
09 Jui 2014 16:01 #1

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  • Thierry Debaisieux
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Réponse de Thierry Debaisieux sur le sujet Re: Dégustation de (très) vieux Madères

Merci pour ce beau commentaire d'une dégustation rare.
09 Jui 2014 16:29 #2

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Réponse de sly14 sur le sujet Re: Dégustation de (très) vieux Madères

Tout à fait d'accord!

Sylvain
09 Jui 2014 16:44 #3

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Réponse de Jean-Christophe sur le sujet Re: Dégustation de (très) vieux Madères

Salut, juste une question: ces vins proviennent-ils d'une collection privée, ou bien sont-ils vendus actuellement par les domaines en question?

Mon caviste propose de nombreux Madeire des maisons Barbeito et Oliveira, notamment. J'ai l'habitude de boire un "Madeire Old Reserve 10 ans" de chez Barbeito (verdelho ou boal): je présume qu'il s'agit d'assemblages de plusieurs millésimes? Le caviste propose également une sélection de "Colheita": ces derniers portent tous l'indication d'une année. Je déduis de ton commentaire ci-dessus qu'il ne s'agit pas du millésime de la récolte, mais alors, de quoi s'agit-il?

Merci d'avance pour tes éclaircissements sur ces vins que j'apprécie sans vraiment les connaître!
JC

Jean-Christophe
Liège, Belgique
09 Jui 2014 17:06 #4

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Réponse de Eric B sur le sujet Re: Dégustation de (très) vieux Madères

Comme le dit "Roger" au début de son CR ces bouteilles proviennent d'une seule frasqueira (scellées) et donc d'un seul millésime (celui indiqué)

Eric
Mon blog
09 Jui 2014 17:14 #5

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Réponse de Roger Soif sur le sujet Re: Dégustation de (très) vieux Madères

La plupart (tous ?) de ces vins ne sont plus en vente au domaine. Nous les avons achetés auprès d'un caviste spécialisé en Belgique, qui en a accumulé une quantité impressionnante au cours des ans et qui les écoule au fil de l'eau.
Ce sont en effet des Frasqueira, le millésime indiqué est celui de la récolte. A l'instar des Portos, les Colheita sont des mélanges de différents millésimes, qui peuvent porter une mention d'âge (10 ans par ex.) ou d'une année spécifique.
09 Jui 2014 17:30 #6

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Réponse de totolouga sur le sujet Re: Dégustation de (très) vieux Madères

Belle dégustation et rare !

Mais combien de temps de futs ont ces madères ? Le Madère continue-t-il à évoluer une fois mis en bouteille ?
09 Jui 2014 17:53 #7

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Réponse de Roger Soif sur le sujet Re: Dégustation de (très) vieux Madères

Ces Madères ont tous été mis en bouteilles au cours des 10 à 20 dernières années. Cela veut dire qu'ils sont restés entre 20 et 150 ans en fûts...
Je doute fort qu'ils évoluent encore significativement en bouteilles, quand on voit la lenteur avec laquelle ils ont évolué en fûts... Peut-être après 150 nouvelles années...
09 Jui 2014 18:01 #8

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Réponse de Eric B sur le sujet Re: Dégustation de (très) vieux Madères

Ces deux maisons estimant que le vin s'améliorent plus en frasqueira qu'en bouteille, ne font la mise que lorsque le stock de bouteille est proche du zero. Ca dépend donc de la vitesse à laquelle part un millésime.

Eric
Mon blog
09 Jui 2014 18:05 #9

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Réponse de totolouga sur le sujet Re: Dégustation de (très) vieux Madères

Cela veut dire qu'ils sont restés entre 20 et 150 ans en fûts...

Ouch.... et point de vue prix ca donne quoi ?
09 Jui 2014 18:26 #10

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Réponse de uglyamerican sur le sujet Re: Dégustation de (très) vieux Madères

Je ne suis pas super-fort en madères, mais je crois que c'est la solera qui provient de plusieurs millésimes. Les frasqueiras et les colheitas sont les deux d'un seul millésime, mais les frasqueiras ont passé plus de 20 ans en fût. :S

Thomas Demergian
09 Jui 2014 18:30 #11

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Réponse de Roger Soif sur le sujet Re: Dégustation de (très) vieux Madères

Je ne suis pas super-fort en madères, mais je crois que c'est la solera qui provient de plusieurs millésimes. Les frasqueiras et les colheitas sont les deux d'un seul millésime, mais les frasqueiras ont passé plus de 20 ans en fût. confused smiley

Je viens de faire une petite recherche, et je crois que c'est toi qui a raison ! Au temps pour moi...

Question prix, la rareté fait qu'ils sont évidemment très chers... Je peux te donner les prix que nous avons payés par mp, si tu veux.
09 Jui 2014 19:06 #12

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Réponse de Jean-Christophe sur le sujet Re: Dégustation de (très) vieux Madères

Eric B écrivait:
> Comme le dit "Roger" au début de son CR ces
> bouteilles proviennent d'une seule frasqueira
> (scellées) et donc d'un seul millésime (celui
> indiqué)

Marrant, j'avais compris le contraire: que les frasqueira sont des cuvées d'un seul millésime, par opposition aux colheita.
Mais je pense que Thomas a apporté la réponse.

Merci
JC

Jean-Christophe
Liège, Belgique
09 Jui 2014 20:26 #13

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Réponse de mgtusi sur le sujet Re: Dégustation de (très) vieux Madères

Notre club avait organisé il y a quelques semaines une dégustation de vieux Madères millésimés. Il s'agit tous de "Frasqueria", c'est-à-dire des vins provenant d'une seule année (type vintage), par opposition aux Colheita.

Colheita est différente entre Madère et Porto ? Les colheitas ne proviennent que d'un seul millésime.

Pardon, la réponse a été donnée plus haut.

Michel
09 Jui 2014 20:31 #14

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Réponse de Capitaine Haddock sur le sujet Re: Dégustation de (très) vieux Madères

Il est dommage que le bon madère soit si peu exporté, même si d'un autre côté cela maintient les prix abordables. Pour ma part, j'ai un faible pour le boal, de loin mon type de madère préféré. Un vieux boal, de 30, 40 ans ou plus, fait toujours mon enchantement. Je recommande particulièrement la maison ABSL (Artur de Barros e Sousa)
20 Aoû 2014 15:38 #15

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Des sommeliers, dont deux meilleurs sommeliers du monde, se sont constitués en un groupe amical pour faire des visites sérieuses de régions viticoles et aussi pour être moins sérieux et profiter de leur amitié. Avec un petit clin d'œil aux Masters of Wine, ils se sont appelés Mad Wine Waiters, MWW. Joao, l'un d'entre eux, habite à Londres et est originaire de Lisbonne. Je l'avais rencontré au fabuleux déjeuner au siège du champagne Salon où avait été ouvert Salon 1943, vin de mon année.

C'était un tel cadeau dont j'avais une responsabilité indirecte, puisque j'avais la chance d'être né une année où Salon a été produit (je n'avais qu'une chance sur trois), Joao, pour me remercier, m'a proposé de me joindre à son groupe MWW pour une visite des vins de Madère. Une telle proposition ne se refuse pas.
Me voilà partant sur TAP vers Funchal, la ville principale de Madère, via Lisbonne. Il est bien agréable de constater qu'Air Portugal conserve la beauté comme critère de sélection de ses hôtesses. Sur les deux vols Paris Lisbonne et Lisbonne Funchal, la promotion de la beauté portugaise a fonctionné à plein. Et l'amabilité aussi.

Les vents qui lèchent cette île volcanique ont secoué l'avion à l'arrivée, ce qui m'a fait penser à l'arrivée sur l'île de Pâques, elle aussi volcanique, avec des reliefs de même nature. L'urbanisation est débridée et anarchique mais cette île est à taille humaine. A peine débarqués, et sans avoir eu le temps de défaire nos valises, nous partons à l'institut des vins de Madère, IVBAM, Instituto do Vinho do Bordado e do Artesanato da Madeira.
Au seuil de l'institut on nous dit : "vite, vite, vite, la télévision veut interviewer Joao et Olivier Poussier", meilleur sommelier du monde 2000, présent dans notre groupe. Notre dégustation sera filmée.

Nous avons devant nous quinze vins qui exhalent des parfums extraordinaires. La directrice de l'institut présente les missions de l'institut. Rubina, charmante et jolie experte de l'institut nous parle des vins de Madère et des réglementations qui dirigent les appellations. C'est extrêmement intéressant. Du niveau de la mer et jusqu'à 200 mètres d'altitude, on cultive surtout la banane. De 200 mètres à 700 mètres, c'est le domaine de la vigne qui pousse en pergola, en espalier ou à ras du sol. Lorsque la vigne est en pergola, il y a d'autres cultures au sol, à l'ombre de la vigne. Et lorsque la vigne est en espalier, on peut cultiver dans les allées de la pomme de terre.

Rubina précise les cépages qui interviennent dans l'appellation, l'usage de chaque cépage dans les vins à dénomination spécifique. Elle rappelle ce que sont les Colheita, Frasqueira, Vintage et selon quelles règles se font les soleiras. Chaque étape du processus de vinification est détaillé et c'est passionnant. Elle définit les dry, medium dry, medium sweet et sweet.

Elle explique la phase cruciale "estufagem" qui veut que le madère soit chauffé entre 45 et 50° pendant au moins trois mois.

Mais les papilles s'impatientent, car nous avons devant nous quinze vins dont quatre du 19ème siècle qui sont de redoutables tentations.

Nous sommes sept sous la bannière de Mad Wine Waiters, MWW. Les membres viennent de Grande Bretagne, d'Allemagne, de Belgique, du Portugal et de France. Ils ont tous un passé de sommelier et exercent divers métiers du vin. Un belge est vigneron au Portugal.
Mes notes sont prises à la volée. Je n'ai pas la compétence de mes amis, et mes jugements différeront parfois de ceux d'Olivier Poussier. Il donnent mes impressions de voyage.

Madère Colheita Tinta Negra 1995. Tinta Negra est le cépage dominant sur l'île de Madère avec environ 250 hectares sur les 450 hectares de l'appellation. Ce vin a une couleur foncée. Le nez est d'alcool et lacté. Il convient de dire que les vins nous ont été servis beaucoup trop chauds, avec au moins dix degrés de trop, ce qui veut dire que dans ces notes, l'alcool sera souvent cité, qui efface beaucoup des subtilités des vins du fait de la chaleur. Le vin, comme tous les madères, a une belle acidité. Il a un bel équilibre et une fraîcheur de zeste d'orange. S'il y a du lacté, le zeste domine dans le final.

Madère Boal 1984. Dans le nez, il y a de la crème caramel, mais aussi une évocation de fraise tagada. Belle acidité, du gras, plus prononcé que dans le 1995. Pruneau et impressions lactées. Le final est frais.

Madère Malvasia 1989 nez beaucoup plus doux car le vin est medium dry. Il est floral, vineux, raisin de Corinthe, pruneau. Il est séduisant, le plus féminin des trois.

Madère Terrantez 1976 nez discret avec un peu de poussière. Un peu de fruit rose frais en bouche, attaque fraîche, léger caramel. La structure ne me paraît pas très précise mais le final est plus structuré, voire séduisant. Il y a du pruneau frais.

Madère Sercial 1969. L'alcool est fort. Le nez est très pur. L'attaque est claire, le vin est bien dessiné. En bouche, ce n'est que du bonheur. Le vin est fluide, l'alcool est équilibré. Le final est merveilleux.

Madère Boal 1958. Le nez est à la fois discret et intense, c'est-à-dire complexe. Il y a du caramel et la bouche est influencée par la chaleur. Le vin est lacté, avec des notes de thé. Il est très sec. Le final est fruité, de fruits de toutes les couleurs. Le final est de pomelos et pruneaux.

Madère Sercial 1940 nez de lilas, de fleurs. La bouche est lactée, caramel, roudoudou, amande grillée. Le final est distingué, écorce d'orange et peau de pomme. Ce vin rebondit comme un ricochet, sa longueur est infinie.

Madère Malvasia 1933. Le nez est incroyable, presque mentholé. En bouche le vin est très civilisé et doux, pâte de fruits et caramel. On retrouve la menthe et le fenouil dans le final. Ce vin est magistral.

Madère Bastardo 1927. Le nez est discret et ne fait pas apparaître l'alcool. Il évoque la pierre mouillée par un torrent. La bouche est lactée, d'une distinction rare. Le final est noble et racé. Il est enchanteur. On pense à une pêche de vigne ou un fruit baignant dans l'alcool. Avec le 1933, ils sont les plus grands à ce stade.

Madère Verdelho 1912. Le nez est discret. Le vin est lacté et racé mais il a un peu moins de personnalité et de typicité. Il a de la fraîcheur et des évocations de pomelos dans le final.

Madère Boal 1903. Le nez est très racé, la bouche voluptueuse, complètement intégrée. Il y a de la pâte de fruit, de la noix, du bois. Le final évoque café, caramel. Ce vin est terriblement séduisant et de plaisir.

Après ces onze vins, c'est le grand moment d'émotion, car les quatre vins sur la table sont du 19ème siècle.
Madère Verdelho 1890. Le nez est raffiné, élégant, l'alcool semble mesuré. La bouche est d'une noblesse rare, le vin est très cohérent entre les tendances fruits, noix, pâtes de fruits, épices. Le final est très fort, en fanfare. C'est un vin noble, très grand.

Madère Moscatel 1875. L'alcool est présent au nez mais le vin en bouche est frais. L'attaque est très caramel, fruits confits. Le vin a de la puissance. On ressent un immense sentiment de plaisir car tout est cohérent. Ce vin est très grand.

Madère Sercial 1862. Le nez est discret. Ce vin fait plus léger et plus calme mais il a de la cohérence et de l'élégance. Thé, épices, bois des îles sont présents. Le final est plus court et moins gratifiant que les autres.

Madère verdelho 1850. Le nez est indéfini. La bouche est peu précise et amère. Il n'a pas trop de typicité mais il apporte du plaisir. On en ferait bien son ordinaire !

A l'issue de cette fascinante dégustation, ce qui me frappe, c'est l'incroyable diversité des vins de Madère. Il n'y en a pas deux qui se ressemblent. Ce qui veut dire qu'on ne peut jamais dire que madère, on connaît ! La richesse aromatique des vins est extrême.
Mon classement sera : 1 - Malvasia 1933, 2 - Verdelho 1890, 3 - Bastardo 1927, 4 - Boal 1903. Ce qui est à remarquer, c'est que dans mon classement, je retiens quatre cépages différents. Et si j'ajoutais un cinquième, ce serait le Moscatel 1875, ce qui fait une variété de plus. Il est à noter qu'étant à l'institut du vin de Madère, les noms des domaines n'ont pas été cités sur nos feuilles de dégustation.

A ce propos, il y a environ 2000 viticulteurs dont la parcelle moyenne ne dépasse pas 3.000 mètres carrés qui vendent leurs raisins à huit grands groupes dont certains n'ont pas de vignes en propre. Il faut dire que les vignes sont tellement difficiles d'accès, sur des pentes inimaginables, que la cueillette ne peut se faire que dans un cadre familial où l'on ne compte pas son temps. Dans un groupe, les coûts de vendange seraient astronomiques.

Ebloui par cette dégustation, je suis sur un petit nuage. Le programme étant dense, j'ai à peine le temps de défaire ma valise lorsque nous faisons un crochet par notre hôtel. Nous partons à l'hôtel Choupana Hills où nous allons dîner, invités par l'institut IVBAM.
L'hôtel est de construction récente, très audacieuse et s'adressant à une clientèle internationale qui recherche le luxe. La vue sur la mer est grandiose. Le restaurant Xôpana est joliment décoré.

Le Madère Henriquès & Henriquès Dry 5 years a un nez unidirectionnel. L'alcool est lacté, avec des noisettes. L'attaque est belle et franche, le vin s'installe, confortable avec du lacté et de l'alcool. Le final rebondit mais le vin est un peu limité en complexité. Une superbe sardine réveille le vin, mais il est trop simple.

Le Madère Verdelho 10 years a un nez frais car le vin est frais. Enfin des températures de service correctes. L'alcool se ressent avec la pondération qui convient. Le vin est très sucré, a une belle attaque. Il a beaucoup de charme et de douceur. Olivier Poussier qui est capable de trouver des évocations que mon imagination n'est pas capable d'envisager parle de sésame grillé. Le final du vin est un peu court et un peu ingrat. L'accord ne fonctionne pas du tout avec le poisson cru flanqué de coquilles Saint-Jacques, car le final est trop doux.

Nous buvons ensuite un vin tranquille titrant 11,5° qui est un Verdelho 2013. Il a un nez de vin jeune, très clair. Sa couleur est tellement claire qu'on dirait de l'eau. Il est assez astringent, il mange les joues ! vin de soif, aussi amer qu'un citron pressé sans eau. Sur des gambas bien cuites, c'est-à-dire peu, avec une soupe, ce n'est pas ce vin qui marche, mais le Verdelho 10 years. En fait, il aurait fallu échanger les deux vins pour avoir des accords justifiés sur ces deux plats.
Vient ensuite un vin rouge titrant 13° dont je n'ai pas noté le nom, qui évoque le clou de girofle. Je le trouve très adapté à une bavette délicieuse. Le vin glisse bien en bouche, évoquant un fruit noir mariné au vin. Sa longueur est assez agréable.

Le Madère Boal 10 years a un nez intense et raffiné, car servi à la température idéale. Il est doux, beaucoup plus fumé que ce que nous avons bu jusqu'alors. Il a un beau fruit confit. Son final a une belle palette de complexités. Olivier Poussier ne l'aime pas car il estime que l'ajoute de caramel dans le vin, pratique qui est autorisée, détruit son originalité.

Le Madère Terrantez 20 years de l'institut IVBAM a un nez que je ne trouve pas très cohérent entre l'alcool et le fruit. Il n'est pas très complexe et n'est pas aidé par le dessert au chocolat. Son final est très dry.

Nous avons discuté avec la directrice générale de l'institut et avec Rubina, la technicienne qui nous avait fait le brillant exposé de présentation du vin de Madère. Ce dîner se voulait démonstratif de la capacité des madères à être gastronomique. Il faudrait travailler cet exercice, car certaines audaces se sont révélées contraires au but recherché.

Après cette journée très remplie, il ne fut pas difficile de tomber dans les bras de Morphée.


Cordialement,
François Audouze
05 Oct 2014 13:36 #16

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François Audouze écrit: Il est bien agréable de constater qu'Air Portugal conserve la beauté comme critère de sélection de ses hôtesses.


Visiblement, ils conservent aussi la beaufitude comme critère de sélection de leurs clients.
05 Oct 2014 14:56 #17

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Gilles,
Voilà un commentaire qui va te rendre définitivement célèbre sur LPV.
Bravo !


Cordialement,
François Audouze
05 Oct 2014 15:12 #18

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