Eric,
Une fois de plus, je suis d'accord avec tout ce que tu écris mais ça ne correspond pas du tout à mon propos. Comme je ne connais pas bien Saint-Chinian, je vais illustrer mes propos sur le terroir de Côte-Rôtie dont la carte géologique est disponible
ici
et que je connais un peu mieux.
1) Mon propos est de te dire : regarde les terroirs de Côte-Brune, Chavaroche et Lancement; ils sont tous les trois recensés comme terrroirs de micaschistes et mon ami géologue me l'a confirmé. Or, d'après mes dégustations, je peux te dire que la Côte-Brune aura des arômes de rouille/chocolat/cerise noire, Chavaroche fait des vins très noirs, marqués par la pierre , avec des tannins serrés, presque durs alors que Lancement (dans sa partie du haut), ce sont des vins éthérés, aériens, avec des arômes de framboise sauvage, les Amoureuses de Côte-Rôtie comme j'aime à le dire.
C'est même plus vicieux que ça. Prends le Combard répertorié en Leucogneiss (comme Tupin); gustativement, les vins du Combard sont beaucoup plus proches de Lancement (répertorié en micaschistes) que Lancement n'est proche de la Côte-Brune ou la Viallière pourtant également répertoriés en miscaschistes!
Bilan : comme je l'affirmais, la carte géologique ne permet à elle seule pas d'expliquer les ***nuances*** qu'on perçoit à la dégustation d'un vin. Il est je pense possible à un dégustateur de différentier les terroirs à l'aveugle avec un peu d'entrainement alors que sur la carte que je te donne, leur géologie est identique : micaschistes, en vert sombre.
2) L'équivalent de tes propos sur Côte-Rôtie consiste à dire : les vins du secteur de Tupin (leucogneiss) sont différents du nord de l'appellation, de la Viallière par exemple, qui sont des micaschistes. Ça oui, mais c'est "bien connu", ce qui n'exclut pas de se tromper à l'aveugle!, les viticulteurs séparent bien les terroirs du nord, du sud et, dans le village, le Nord et le Sud du Reynard. (Ceci dit, on peut faicilement se tromper avec par exemple les vins de Montlys qui sont très tendres, moins structurés que la Viallière et m'ont déjà ramené vers Tupin à l'aveugle, ou vers des vins dans lesquels on suspecte plus de viognier qu'ils n'en ont). Moi je parlais de nuances fines à l'intérieur des micaschistes par exemple. Relis ma phrase de départ : il est assez vain d'espérer un lien entre géologie - qui ne représente qu'une composante d'un terroir - et goût du vin
aussi précis que toutes les nuances qu'un dégustateur sait déceler/décrire avec son seul palais entre les vins de plusieurs terroirs. Elle ne veut aucunement dire qu'il n'y a pas de lien entre la géologie et le goût du vin (tout le monde le sait) mais que, selon moi, d'une part ça ne suffit pas (à cause des autres caractéristiques du terroirs qui jouent sur le goût du vin) et d'autre part, on ne saura pas véritablement différentier les géologies de certains vins alors qu'on constatera une différence de goût entre les vins.
3) Tu amènes la discussion sur le thème de l'eau. Tes exemples sont très pédagogiques comme introduction à une dégustation, j'aime beaucoup. Mais on est dans la grosse différence, pas la nuance. D'autre part, parler d'eau me semble notablement différent du vin, même si le vin est constitué de 85-87% d'eau en volume. En effet, le goût d'une eau dépend uniquement de la géologie des couches qu'elle traverse donc, contrairement au vin, pas de l'altitude de la source, de l'orientation et de l'ensoleillement de la surface de la terre au dessus de la source, de la température extérieure de l'endroit (puisque la température à l'intérieur de la Terre mais proche de la surface est de l'ordre de 12°C, cf caves de Champagne). Donc oui, je pense qu'il y a une quasi-équivalence entre la géologie locale et le goût de l'eau qui permet :
- de prédire le goût d'une eau : je regarde la carte géologique de la faille de Vittel
ici
et lis que la source d'Hépar, au Nord, la plus minéralisée qui soit, 2,5g/L en tout, 549mg/L de calcium et 119mg/L de magnésium, 1530mg/L de sulfate!, acquiert sa très forte minéralité au contact des gypses et des dolomies constituant le réservoir tandis les captages réalisés au sud (Vittel) à minéralisation moyenne présentent des fortes concentrations en ions bicarbonates, sulfate et calcium acquis au contact des calcaires et des évaporités (terme général pour des roches riches en minéraux); tout ça peut se comprendre, c'est logique.
- réciproquement, on peut retrouver les terroirs calcaires dans le goût d'une eau (je distingue sans problème une Volvic faiblement minéralisée donc peu calcique (<10mg/L) d'une Vittel moyennement minéralisée mais calcique (240mg/L) qui m'empate la bouche et que je trouve imbuvable.
Mais ce n'est pas parce qu'on a cette équivalence goût <=> géologie pour l'eau qu'elle est vraie pour le vin qui dépend de beaucoup d'autres facteurs que la géologie! Cf mon contre-exemple en Côte-Rôtie.
Merci pour cette discussion intéressante en tout cas,
David.