N'oublions pas qu'il n'y a pas que le fût neuf ou la cuve inox. Les vieux foudres de chêne servent également à l'élevage de pas mal de grands vins, sans apporter la moindre note de boisé au nez. La plupart des Châteauneuf-du-Pape ne sont pas élevés en fûts neufs (Rayas, Vieux Télégraphe et Beaucastel en sont les trois meilleurs exemples, et on ne peut pas dire qu'ils ne font pas partie des plus grands rouges français), certains hermitages, dont celui de Jean-Louis Chave (sans doute le meilleur d'entre eux), ne voient quasiment pas le fût neuf (max 10 %). La grosse majorité des vins blancs, si on excepte les grands chardonnays, est élevée en cuves ou en foudres (il n'y a pas beaucoup de fûts neufs en Alsace par exemple).
L'élevage en 100 % fûts neufs est finalement une exception, qui devrait être réservée aux très grands vins de garde, élaborés à partir de cépages tanniques (comme le cabernet sauvignon), afin que l'oxygénation ménagée par ce type d'élevage adoucisse légèrement leur côté rugueux. Cela permet de boire ce genre de vins plus jeunes qu'auparavant, et en même temps de les soutenir au long vieillissement, car les tannins apportés par le bois ne disparaissent normalement pas, au contraire de ceux apportés par le raisin. A noter que ces grands vins, malgré leur élevage, ne sont que très rarement dominés par les arômes du bois, sauf dans les petites années, où la matière n'est pas suffisante. Pontet-Canet 1995 par exemple, dans sa prime jeunesse, ne laissait pas paraître du tout les arômes boisés, tant le fruit dominait.
Le problème vient du fait que l'élevage en fûts neufs peut apporter des arômes de type vanillés, grillés, finalement très agréables et que les consommateurs se sont habitués à ces notes qui leur rappelle leur enfance, et que d'un effet secondaire, elles sont devenues dans certains vins l'unique effet recherché, car signe, dans la tête des gens de la qualité du vin. Si bien que le fût a colonisé toutes les autres régions de France et du monde, nous donnant des vins stéréotypés, uniformisés et finalement très ennuyeux. Le responsable en est finalement l'acheteur, qui continue à privilégier ce type de vins, outrageusement maquillés pour combler leur manque d'intérêt.
Luc