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Les irréductibles luttent contre la mort froide.

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Les irréductibles luttent contre la mort froide. a été créé par Ilroulegalet

Le Moscou-Paris météorologique n'a pas seulement apporté un coup de froid bienvenu pour nous rappeler la saison et mettre en sommeil les vignes. Il a aussi figé puis envoyé dans le cimetière du Montparnasse les velléités de certains membres du groupe de dégustation de se réunir. Qui était affligé d'un virus, qui avait fait une mauvaise chute, un autre en pleines valises pour un voyage exotique. Qu'à cela ne tienne, Philippe, Nicolas et moi n'allions pas laisser le quorum nous empêcher de boire du vin et nous nous réunîmes donc chez moi. Partageant une passion commune pour le jeu vidéo Diablo II (de type action-RPG hack'n'slash) qui berça notre jeunesse et une tendresse pour le nécromancien, le CR va utiliser ce thème en toile de fond. Et comme un nécromancien ranime des corps décomposés qui ne sont que les tréfonds noirs et noueux des âmes civilisées de leur vivant, les irréductibles ont un penchant pour l'étrange et l'étranger alors que LPV Paris Nord-Est est puriste et patriote.

Ce dîner autour d'un poulet/morilles/crème (décapité il va de soi) a été ponctué de quatre bouteilles, autant d'étapes nécessaires pour réussir la nécromancie. La première est bien de prendre des forces !

Allemagne, Moselle (Sarre), Weingut Peter Lauer - Riesling Crémant Grande Réserve 1984
10.5°, dégorgement 01/22 après 37 ans sur lattes. Les raisins sont exclusivement issus des grands crus de la propriété. Normalement 0 dosage. Bue en Spiegelau Definition Universal comme le reste. Quoi de mieux de commencer avec ce vin "chat de Schrödinger", presque mort mais bien vivant?

La robe est dorée sans éclat et transparente, elle fait plutôt 12 ans d'âge. Le cordon est fin et délicat, s'estompera rapidement dans le verre. Le bouquet est similaire à la bouteille bue en juin : complexe et fondu, comme un bouillon éternel de restaurant de rue asiatique qui a assimilé au fil du temps un nombre incroyable de saveurs. On y trouve de la pierre frottée bien sûr, du miel, de la noix, du nougat, des arômes oxydatifs, mais également de la poire et de la pêche entre autres choses.
La bulle devenue presque invisible sert de stimulant des arômes là encore nombreux et fondus. Le jus a atteint une sorte d'apothéose zen qui apaise le dégustateur et provoque également une admiration devant le breuvage. Cela se fait en finesse, le vin étant en demi-corps, très étiré mais existant sur une impression globale de fraîcheur.

Après avoir fait ses réserves, le nécromancien doit convoquer les forces de l'Enfer pour initier le rituel.

Italie, Val d'Aoste, Coenfer (Coopérative de l'Enfer) DOC Clos de l'Enfer d'Arvier Supérieur 2019
14.5°. Le Val d'Aoste est francophone même si situé en Italie. La Coenfer gère le terroir du "Clos de l'Enfer", un amphithéâtre naturel exposé plein sud à 800m très ensoleillé et chaud sur lequel est planté le cépage autochtone "petit rouge". Celui-ci rentre a minima à 85% dans la composition du vin en fonction des caractéristiques du millésime.  Page du producteur.   

La robe est rouge foncé, sans transparence et aux reflets rubis. Le bouquet est assez floral et frais avec de la rose, une touche de violette, ainsi que de la fraise mais également un peu de pruneau. Le toucher de bouche est comme souvent sur les vins italiens réussi avec une attaque très soyeuse. C'est rond, enrobé sans perception d'alcool et sur le fruit rouge dans l'ensemble. Le bémol serait pour la finale qui se déroule sur un équilibre acide et amer un peu précaire.
Il n'y a pas de conflit sur le plat, la texture crémée permettant le lien avec l'enrobage du vin.

Le rituel de divination se déroule en chanson.

Condrieu, Domaine du Monteillet (Stéphane Montez) - Condrieu La Chanson 2020
14°, 100% viognier sur un terroir de granit à muscovite, 16 mois d'élevage en demi-muids.  Fiche du domaine.  C'est le grand condrieu sec du domaine issu du lieu-dit "Chanson" pour environ 2.5 ha de production.

La robe est dorée scintillante avec une viscosité plus importante que les vins précédents. Le nez est puissamment aromatique avec le duo abricot/violette qui transperce les arômes d'élevage (beurre, brioche). Le vin est en demi-corps, bien étiré avec le même message aromatique de poire, abricot, violette qui se transforme en sensation plus cristalline sur la finale de bonne longueur. C'est bien bon.
J'ai initialement pensé à un GW ou à un muscat sans exclure un viognier, la finesse du corps m'a détourné de Condrieu. Un peu comme la très belle côte-rôtie de Burgaud bue en décembre, la grande sapidité du vin ne correspondait pas à nos représentations de l'appellation.

A J+4, le fond de bouteille s'est minéralisé en perdant son arôme d'abricot et de violette et fait en quelque sorte riesling sur granit. Assez étonnant.

L'élevage du vin permet de s'associer à la crème du poulet et l'arôme d'abricot sort renforcé, l'abricot étant assez complémentaire du poulet, on y trouve indéniablement un petit bonus.

Enfin, l'armée levée par le rituel doit faire allégeance à son seigneur nécromancien.

Maximimn Grünhaus - Riesling Auslese Herrenberg 2015 (AP 10)
7°. Auslese régulier du domaine. 94 MFW (n°30). L'échelle indiquant "fruchtig" plutôt que "Edelsüss" laisse penser à un degré Oechsles inférieur à 100°. Le Herrenberg (colline du seigneur) est une partie un peu plus fraîche de la propriété, située en lisière de la forêt notamment sur vielles ardoises. Bue la 1/2 bouteille pour elle-même en tant que dessert dans des Riedel Definition universal.

La robe est d'or fin éclatant sans reflets verts, indiquant une première fenêtre de dégustation proche. Le bouquet ne laisse guère de doute sur le riesling allemand avec sa pierre mouillée très fraîche et les fruits croquants (poire, melon, un peu de pamplemousse) ainsi que les habituelles herbes aromatiques du domaine (menthe glaciale). Le palais est comblé avec cette attaque légèrement sucrée, un peu de miel, une texture crémeuse et légère suivi du cassis et de la menthe. La finale porte la signature du domaine avec cette sensation hédonique d'incroyable fraîcheur et saline, comme un sorbet de restaurant gastronomique. Le registre de l'Herrenberg est sur cette bouteille plus léger que l'Absterg bue le mois dernier.

Le vin présente toute la gourmandise d'un dessert associée à une sapidité géniale.

Merci de m'avoir lu.

PS : les CR sont "sérieux", le reste fait partie de la licence artistique pour réaliser l'exercice de style.

Sven. Curieux de tout, prédilection pour les vins blancs légers et européens.
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14 Jan 2024 00:30 #1

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