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Le Taillevent

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: Déjeuner de vins anciens au Taillevent

Luc,
En cette période de fin d'année je vais être d'accord avec toi.
Mon ami a dit : "il est plus Bâtard que Montrachet" et j'ai dit oui, car l'amitié n'a pas de prix.
Il s'était rendu célèbre par une autre phrase culte : "les 1926 ne m'ont jamais déçu"

Bruno,
En cette période de fin d'année je vais être d'accord avec toi.
J'ai cherché à changer de restaurant entre le déjeuner du 23 et du 30 et les autres où je peux apporter mes vins étaient fermés en cette période de fête.
Alors, j'ai dit : "pourquoi pas une nouvelle fois au Taillevent". Et Jean-Marie Ancher m'a accueilli en me disant : "alors, on ne se quitte plus"

Simon,
Comme je suis snob, cet avantage est étroitement lié à l'importance de ma personne ;) ;) ;)

Philippe,
dont catarrhe.... acte !


Cordialement,
François Audouze
31 Déc 2014 10:31 #151

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Réponse de Martinez sur le sujet Re: Déjeuner de vins anciens au Taillevent

Il reste environ une douzaine d'heures durant lesquelles F Audouze et Luc peuvent se mettre d'accord sur des sujets critiques comme l'impérieuse nécessité de déguster à l'aveugle...

Une fenêtre temporelle s'ouvre puis se fermera à jamais, c'est le moment ...vite à vos claviers :D

Jmm
31 Déc 2014 10:41 #152

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Réponse de jean-luc javaux sur le sujet Re: Déjeuner de vins anciens au Taillevent

dont catarrhe.... acte !

On sent plutôt une cathar...sis irrépressible... :)

jlj
31 Déc 2014 10:46 #153

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Réponse de BoiPaKeDeLo sur le sujet Re: Déjeuner de vins anciens au Taillevent

Pénible ce déchainement d'humour et d'amour bisounours. LPV revient !! Pfff, vivement l'année prochaine (:D:D;)

Olivier

.
.
Olivier
« Consommée avec modération, l’eau ne peut pas faire grand mal » (Marc Twain)
31 Déc 2014 11:05 #154

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Réponse de Luc Javaux sur le sujet Re: Déjeuner de vins anciens au Taillevent

D'autant plus que traiter de bâtard un vin qui ne possède pas tous les nobles attributs attribués au Montrachet, c'est non seulement snob, c'est aussi malpoli !
En plus de ça, on fait des classements alors qu'on n'est pas à l'aveugle et chacun place son propre vin en première position !
Si ce n'est pas une preuve supplémentaire de l'absolue nécessité de l'aveugle, je ne m'y connais pas !

Luc
31 Déc 2014 11:31 #155

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Réponse de enzo daviolo sur le sujet Re: Déjeuner de vins anciens au Taillevent

Mon ami a dit : "il est plus Bâtard que Montrachet" et j'ai dit oui, car l'amitié n'a pas de prix.

comme dans le vin, il y a différentes conceptions de l'amitié ;)
31 Déc 2014 11:38 #156

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: Déjeuner de vins anciens au Taillevent

tout ça, ça c'est bien vrai ! ....


Cordialement,
François Audouze
31 Déc 2014 12:27 #157

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Réponse de francois999 sur le sujet Re: Déjeuner de vins anciens au Taillevent

> D'autant plus que traiter de bâtard un vin qui ne possède pas tous les nobles attributs attribués au Montrachet, c'est non seulement snob, c'est aussi malpoli !

Alors qu'il aurait dit "bienvenue batard" cela aurait plus poli (:P)

Francois // chaque avis est subjectif et la somme des subjectivités fait une objectivité (F Mauss)
31 Déc 2014 13:19 #158

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Réponse de Martinez sur le sujet Re: Déjeuner de vins anciens au Taillevent

Vous pourriez vous montrer un peu plus chevaleresque et éviter toutes ces remarques !

De toute façon, je m'en moque, comme je suis jaloux et que je n'en boirai jamais, j'ai établi un corton sanitaire autour des CR sur les Montrachets et donc je ne les lis pas.

Ca y est, on a fait le tour :D
31 Déc 2014 13:37 #159

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Réponse de dorasien sur le sujet Re: Déjeuner de vins anciens au Taillevent

pas tout à fait : quand on déguste un Bâtard Montrachet, on crie au génie :D
31 Déc 2014 13:51 #160

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Réponse de François Audouze sur le sujet Re: Déjeuner de vins anciens au Taillevent

On peut ajouter :

Le Bâtard t'harasse !

Et quand on dit au vigneron qui a fait ce montrachet qu'il ressemble à un Bâtard, Amiot tique !
Et quand en plus on traite le pomerol de Sales, ça frise l'injure !


Cordialement,
François Audouze
31 Déc 2014 14:00 #161

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CR:
Il y a des moments d’éternité. J’imagine l’alpiniste qui plante son drapeau au sommet de l’Everest, le navigateur de la Vendée Globe qui arrive premier au port où des cris l’accueillent. A ce moment, le temps ne compte plus, le temps s’arrête, et la félicité crée une bulle de bonheur infini. Nous avons tutoyé un de ces moments magiques avec Tomo. Ça commence au téléphone. Moi : « veux-tu boire une grande bouteille ? ». Tomo : « difficile en ce moment, semaine prochaine dure ». Moi : « et pourquoi pas demain ? ». Tomo : « d’accord ». Nous ajustons nos apports, car l’alchimie et la compatibilité de nos facteurs rhésus est primordiale. Comme pour les navettes entre le Sénat et l’Assemblée, il faut ajuster les motions, et l’accord se fait.

A 13 heures nous sommes tous les deux au restaurant Taillevent et j’ouvre précautionneusement ma bouteille d’âge certain, sous les yeux curieux de la brigade. La bouteille de Tomo, plus jeune est ouverte par un sommelier.

Mon choix de menu est : langoustines des côtes bretonnes croustillantes, marmelade d’agrumes au thé vert / pigeon de Racan en croûte de sel.

Le Chevalier-Montrachet domaine d’Auvenay 2002 a un jaune déjà ambré. Le nez est puissant. En bouche, c’est l’opulence qui est frappante. Ce vin est plein, d’un botrytis sensible, qui lui donne une assise de fruits cuits. On nage dans l’opulence, la richesse, la structure présente. Mais si le vin est remarquablement fait, il ne dégage aucune émotion réelle. Il me fait penser à Bo Derek, dont son mari pensait qu’elle était la plus belle femme du monde, mais qui ne m’a jamais fait la moindre impression, avec un jeu d’actrice convenu. Le vin est bon, une bête à concours couronnée d’un 99/100 Parker, mais sans vibration réelle. Tomo est de mon avis.

Toutefois, la bête a du ressort, car avec les langoustines, elle crée un accord d’une rare justesse. Et Tomo vérifiera sur le ris de veau ce qu’il m’avait annoncé à savoir que ce Chevalier-Montrachet est le compagnon idéal du ris de veau, meilleur que le rouge. Le bon élève a bien tenu son rôle.

Le Chambertin Domaine Georges Roumier et ses Fils 1961 a un niveau assez bas, mais une couleur qui m’inspira quand je l’ai choisi en cave. A l’ouverture, le nez ne montrait aucun signe de torréfaction, ouf. Une légère acidité dans le parfum laissait penser qu’il faudrait du temps pour que le vin se mette en place, mais j’y croyais .

Au premier contact, je fais la grimace. Le nez est agréable, l’attaque est généreuse et prometteuse, puis ça se met à godiller, le vin manquant d’équilibre et de final. Déjà, je pense qu’il faudra que j’invite Tomo pour compenser mon apport, mais voilà que je mords dans le pigeon idéal, magique, le pigeon comme je l’aime, goûteux, incisif, tranchant et percutant. Et le miracle se produit en un instant. La troisième gorgée du chambertin, prise à la suite du contact avec le pigeon, illumine mon sourire. Je suis heureux car c’est gagné. Ce chambertin, en un temps de big-bang, devient « le » chambertin dans sa splendeur, follement bourguignon avec ce que ça comporte de râpe et d’amertume, mais d’une immense émotion. Et, cerise sur le gâteau, nous sommes totalement en phase Tomo et moi. Nous trouvons le blanc scolaire, grand mais aseptisé, alors que le chambertin, quels que soient ses défauts, représente le vin émouvant que nous souhaitons trouver.

L’année 1961 est impériale et le chambertin en a la gloire. Tomo ne retrouve pas le style Roumier. Je nage en plein dans le style chambertin que j’aime, fait de charme et de puissance. C’est un immense moment que nous vivons.

La langoustine est parfaite et croquante, de belle mâche. Un régal pour le vin car c’est un goût franc, comme le ris de veau, un peu trop cuit, qui s’accouple au blanc à merveille. Le pigeon est un idéal de pigeon rassurant, lisible, qui joue sa partition avec exactitude. Il n’y a rien à changer. Il a trouvé dans le 1961 un compagnon comme jamais il n’en pourrait rêver.

Jean-Marie Ancher, qui a suivi les rebondissements de cette aventure, nous dirige vers le « 70 de chocolat » dessert fait de 70% de chocolat à 70% de cacao. Pas de quoi faire une majorité cacaotière. Le dessert est lui aussi d’une précision biblique. Deux verres de vin nous sont apportés à déguster à l’aveugle. Sans sentir, juste en tournant le verre, je dis Pedro Ximenez, ce qui n’est pas compliqué car les traces grasses et vertes que laisse le vin sur le verre n’appartiennent qu’à ce vin. Le premier est un Rasteau Grenat domaine de Beaurenard 2012 vin doux naturel de la famille Coulon. Il est tout pruneau et colle au mieux dans sa belle fougue juvénile au chocolat. Il est léger comme un cœur.

Le Pedro Ximenez Montilla Moriles 1985 est lourd comme le plomb mais il finit par une fraîcheur mentholée qui le rend presque aussi léger que le précédent. Les deux vins forment un accord parfait avec le dessert.

Comme si Jean-Marie avait pour mission de nous envoyer au ciel sans passer par le septième, il nous fait verser à chacun un verre d’un Bas-Armagnac Château de Lassalle-Maupas, Baronne H. de Pampelonne 1946 de l’année de création du Taillevent, solide Armagnac et généreux qui met un point final à ce moment de rêve.

Que retenir de saillant ? Le retour à la vie d’un chambertin qui devient l’idéal du vin de Bourgogne dans une année de haute plénitude, le pigeon exceptionnel de pertinence, faisant exactement ce qu’il doit faire, le dessert et ses deux jolis accords, un service attentif, chaleureux, amical , qui nous donne l’impression que nous sommes chez nous et puis la grâce immatérielle d’un moment où tout s’assemble pour forger un moment d’éternité.

Lancé moins de vingt heures avant de se produire, ce repas fait partie des souvenirs d’une vie.


Cordialement,
François Audouze
07 Mai 2015 20:11 #162

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Il me fait penser à Bo Derek



:D

julien
07 Mai 2015 20:17 #163

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Il me fait penser à Bo Derek, dont son mari pensait qu’elle était la plus belle femme du monde, mais qui ne m’a jamais fait la moindre impression, avec un jeu d’actrice convenu

Maintenant, François, si tu as regardé les films avec Bo Derek pour son jeu d'actrice, je comprends ta désillusion... :(

Toutefois, la bête a du ressort...

Ah! Voilà!

jlj
07 Mai 2015 20:52 #164

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Conclusion : Tomo est vraiment le plus poli de tous les compagnons de table, bravo à lui ! :D

O.
07 Mai 2015 20:59 #165

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Conclusion : Tomo est vraiment le plus poli de tous les compagnons de table, bravo à lui ! :D

Il n'est pas poli, il est Japonais !

Michel
07 Mai 2015 21:01 #166

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Julien,
merci pour la vidéo (tu)


Cordialement,
François Audouze
07 Mai 2015 23:02 #167

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Chaque jour, je reçois une quinzaine de mails qui m’offrent des vins à vendre. Ma passion étant boulimique, je lutte pour acheter le moins possible. Mais ces correspondants connaissent les vins qui vont me tenter. Un mail offre deux vins mythiques : Dom Pérignon 1934 et Salon 1948. Des Dom Pérignon des années trente, il n’en existe quasiment pas à la vente, et le Salon 1948 est d’une année dont je n’ai jamais vu la moindre offre.

Dans le mail, les prix proposés placent ces champagnes au niveau tarifaire des Romanée Conti d’années moyennes. Comme les champagnes très anciens ont un gros facteur d’incertitude, ces prix sont inacceptables pour moi. Mais laisser passer ces bouteilles dont les photos sont belles, ce serait une erreur.

J’appelle mon ami Tomo et je lui propose que nous achetions ces deux bouteilles ensemble, avec l’idée que nous dînions tous les deux pour les partager. Tomo accepte. Le temps passe et, nous souvenant du repas avec Les Gaudichots 1929 du Domaine de la Romanée Conti où nous avions convié Aubert de Villaine, l’idée très naturelle est de demander à Richard Geoffroy de Dom Pérignon et à Didier Depond des Champagnes Salon Delamotte de se joindre à nous. Une date est trouvée qui convient à ces deux personnages aux agendas surchargés. Peter, un ami écossais qui n’avait pas pu venir au 196ème dîner à Veuve Clicquot souhaitait me revoir pour partager de grands champagnes et Florent, un ami lyonnais souhaite aussi partager de grands vins. Notre groupe de six se forme, et comme cela se passe souvent, la générosité tourne à l’excès au point que nous aurons neuf bouteilles plus trois magnums ce qui fait un équivalent de 15 bouteilles pour 6, soit 2,5 bouteilles par convive. C’est tout sauf rationnel, mais comment refuser ?

Délibérément je réduis la liste que je soumets à Jean-Marie Ancher du restaurant Taillevent où se tiendra le dîner, dans l’exquis salon chinois. Faire un menu pour un dîner de champagnes est chose peu aisée, et faire un ordre de service cohérent n’est pas simple. Le résultat se montrera probant.

Les trois premiers champagnes sont assez jeunes (tout est relatif) car nous aurons une huître et du caviar, qui s’entendent mieux avec des champagnes jeunes. Sur la sole, nous aurons les champagnes les plus vieux. Sur la volaille les deux vedettes qui sont à l’origine du dîner seront servies. Et le repas se continuera avec les autres ajouts. Les trois premiers champagnes sont ouverts à 18h30 et les autres sont ouverts au moment du service.

Une grève des étudiants et des cheminots nous fait craindre des défections, mais un ange veille sur ce repas. Les six sont présents et toutes les bouteilles sont servies à la température idéale.

Le menu composé par Alain Solivérès et Jean-Marie Ancher est : copeaux de jambon Bellota / amuse-bouche : huître Gillardeau en gelée d’eau de mer / cresson de fontaine et caviar / sole en filets, champignons de Paris / volaille fermière au foie gras et truffe noire / chaource, Brie de Meaux, Coulommiers / mangue, et sésame noir.

Nous sommes déjà trois à 19 heures aussi cédons-nous à la tentation du Champagne Delamotte Collection magnum 1970. Sa couleur est légèrement ambrée, le nez est discret mais de belle promesse. J’aime beaucoup l’image de Didier Depond qui dit que ce vin évoque les blés d’été, écrasés de soleil. Ce vin est fait de 50% chardonnay et 50% de pinot. Il a déjà passé la barrière des vins jeunes pour montrer une belle patine de vin « ancien ». Il est agréablement gastronomique.

Le Champagne Dom Pérignon P3 magnum 1975 a un nez tonitruant, tellement jeune qu’il sent le soufre ! Ce bambin de quarante ans est d’une jeunesse folle. Contrairement au P3 (qui signifie troisième plénitude) 1982 que nous avons bu récemment, il n’y a aucune marque laissée par le dosage et je retrouve avec un infini plaisir qu’un P3 sait, lui aussi, avoir le charme romantique d’un Dom Pérignon. Nous sommes pleinement face à un beau Dom Pérignon. Il est charmeur, un peu dosé mais pas trop et surtout sans trace. On est bien.

Le Champagne Salon 1988 nous offre ampleur, puissance et précision. Il est légèrement ambré avec des traces à peine sensibles d’évolution. Ce vin est un guerrier et se situe à l’opposé du Dom Pérignon. Le quel préférer ? Il faut aimer les deux. Ce Salon se place dans ma mémoire parmi les plus grands Salon 1988 que j’aie bus, venant directement de la cave de Salon.

Les goûts et préférences divergent autour de table. Pour moi le Salon 1988 crée la meilleure vibration avec l’huître délicieuse, dont la gelée crée le trait d’union, et c’est le Dom Pérignon qui s’accorde mieux au caviar bulgare de très grande qualité. Si la crème de cresson est délicieuse, elle a tendance à étouffer le caviar si l’on en prend trop.

Les trois vins anciens sont servis ensemble. Le Champagne Piper-Heidsieck Piper Brut 1921a une couleur beaucoup trop foncée et terreuse. Si nous n’avions que lui à boire, nous nous pencherions sur ses messages, qui existent. Mais le programme est si chargé que nous ne nous attardons pas.

Le Champagne Charles Heidsieck 1911 a lui aussi une couleur foncée mais un peu moins que celle du 1921. Et contrairement au vin précédent, le message est plus joyeux. Je vois des évocations d’agrumes fort sympathiques. Bien sûr le vin est fatigué, mais plaisant.

Nos sourires s’élargissent dès que nous voyons la couleur du Champagne Moët 1911 versé dans nos verres. Elle est claire comme celle d’un vin jeune. L’habillage de la bouteille nous donne l’impression d’avoir été réalisé dans les années 40. Il ne s’agirait donc pas d’un dégorgement d’origine, sauf si l’habillage s’était fait sans rebouchage. Le parfum est superbe et élégant et le vin est tout simplement divin. C’est une merveille d’accomplissement comme si toutes les complexités étaient assemblées par miracle. C’est un John Wayne, sûr de lui, serein, qui joue avec facilité. Ce vin est comme une évidence, à la persistance aromatique infinie.

Arrivent maintenant ensemble les deux points de départ de ce dîner. Richard Geoffroy nous signale que la cape qui recouvre le bouchon d’un plastique tiré, est cohérente avec ce millésime. Le Champagne Dom Pérignon 1934 est d’une jeunesse incroyable au point que Peter doute de son authenticité. Il suffit de lui montrer le bouchon pour qu’il constate qu’il est impossible d’avoir construit un faux avec un tel bouchon qui a vraiment 80 ans. Et Richard, plein d’humour dit : « c’est curieux que lorsqu’un vin est parfait, on dise qu’il s’agit d’un faux ». Ce Dom Pérignon a tout pour lui, le charme, la complexité et des notes florales ou fruitées qui partent dans toutes les directions. Ce vin incroyable me conforte dans ma préférence pour les champagnes au dégorgement d’origine, que je trouve beaucoup plus porteurs d’émotion que les récemment dégorgés, plus vifs et différents.

Didier Depond s’extasie devant la beauté de la bouteille de Champagne Salon 1948. Elle n’a pas d’étiquette, mais la couronne circulaire autour du bas de la cape donne les indications utiles. L’année est embossée dans la cape aux couleurs d’or devenu gris avec le temps. Didier n’a jamais vu une telle bouteille et n’a jamais bu de Salon 1948. Et maintenant arrive une surprise inouïe. La couleur du vin est très claire, comme celle du Dom Pérignon ce qui confirme que Tomo et moi avons fait un bel achat. Mais ce vin est incroyable de tension et de force y compris alcoolique. Comme il est impossible que cette bouteille soit fausse, Peter voit bien que malgré l’âge de plus de 65 ans, âge de la retraite, des champagnes peuvent avoir une vivacité exceptionnelle. Mais où est la surprise ? La surprise est que ce 1948 est beaucoup plus puissant que le Salon 1988 qui est pourtant d’une année guerrière. Alors, nous sommes médusés, d’autant plus que l’année 1948 n’a pas laissé une trace majeure dans l’histoire du champagne. On comprend alors pourquoi Salon, qui ne millésimait que les années exceptionnelles, ait choisi contre toute attente de faire ce 1948 éblouissant.

Voilà donc un bel achat avec un Dom Pérignon 1934 dans le charme et la complexité et un Salon 1948 dans la force brillante, la richesse et une tension exceptionnelle. Ce dîner est béni des dieux.

Le Champagne Moët & Chandon Grand Vintage Collection magnum 1962, contrairement à ce que je viens de déclarer ci-dessus, donne sa pleine justification aux dégorgements tardifs. Car ce vin dégorgé il y a moins de deux mois est d’une jeunesse folle. J’ai toujours adoré ce millésime que je considère comme un des plus grands. Et cette bouteille venant directement de la cave de Moët est l’idéal de ce que peut offrir Moët : un vin gouleyant, fluide, jeune, incroyablement jeune et de plaisir. Il est même particulièrement joyeux.

A partir de maintenant, nous allons faire du hors-piste par rapport au programme que j’avais mis au point avec Jean-Marie Ancher, car sont servis des vins ajoutés par les folles générosités.

Le Champagne Moët & Chandon Dry 1949 est une merveille. Il est bien sûr très dosé, mais ça ne se sent pas. Au contraire on est bien. Il nous fait sentir à quel point 1949 est une grande année.

Le Champagne Veuve Clicquot Ponsardin Brut 1929 est d’un habillage récent avec une contre-étiquette qui indique que le vin a été spécialement dégorgé pour une personne désignée et nommée, mais sans indication de date. On sent particulièrement le dosage de ce joli vin très doux, gracieux, qui comme le vin précédent fait sentir la noblesse de son année. Avec ces deux vins très dosés, nous sommes sur l’Olympe du champagne.

Le Grand Crémant Mesnil blanc de blancs A. Launois Père & Fils 1955 a un nom qui m’était totalement inconnu. Qu’est-ce qu’un « Grand Crémant » ? Je suis assez subjugué par la vivacité et l’incroyable caractère de vin inhabituel. Il est racé et s’exprime comme un coup de fouet. On ne lui rendra pas les honneurs qu’il mérite car il est déjà bien tard.

Que dire de cette folie ? La première remarque est la qualité exceptionnelle des vins que nous avons partagés car à part le Piper 1921 et la petite faiblesse du Charles Heidsieck 1911 tous les autres sont au sommet de leur art. Si je devais faire un classement ce serait : 1 – Moët 1911, 2 – Dom Pérignon 1934 ex-aequo avec Salon 1948, 4 – Moët 1962, 5 – Moët Dry 1949, 6 – Grand Cramant Launois 1955, 7 – Veuve Clicquot 1929.

Les quatre premiers sont au sommet de la hiérarchie des champagnes. Les deux vignerons, Didier et Richard, ont été impressionnés par la beauté des bouteilles et cela les fait réfléchir sur le fait que le design actuel des bouteilles n’a plus la même élégance.

Le menu a été superbement adapté. L’huître et le caviar étaient idéaux pour les plus jeunes, la sole parfaite pour les plus vieux. Le service du Taillevent est exceptionnel. Nous avons été accompagnés tout au long du repas par un service des vins irréprochable. Pour faire des dîners aussi complexes, c’est Taillevent qui s’impose.

A la fin du repas, nous étions tous sous le coup de cet événement rare, où tous les champagnes ont donné ce que l’on pouvait espérer de meilleur. C’était le Salon 1948 qui m’avait poussé à réaliser son achat avec Tomo. J’ai encore en mémoire l’incroyable énergie de ce champagne exceptionnel, qui restera à jamais gravée dans ma mémoire.


Cordialement,
François Audouze
11 Mar 2016 11:42 #168

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Superbe compte-rendu d'un François au douze champagnes !

Benjamin
11 Mar 2016 15:42 #169

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Sauf cela qui aurait pu facilement être évité :

Une grève des étudiants et des cheminots nous fait craindre des défections, mais un ange veille sur ce repas

Mais on ne va pas le changer notre François !

Michel
11 Mar 2016 15:52 #170

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Je comprend que vos interventions puissent parfois en agacer certains.... mais je passe toujours un excellent moment à vous lire et j'ai parfois l'impression d'être assis à vos côtés lors de vos repas tant vos CR sont romancés...
continuez comme ça Mr Audouze et merci !

michel
11 Mar 2016 16:01 #171

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Bonjour a tous

Jai mis le temps pour le lire ,Superbe CR (tu)
merci francois

a bientôt

didier

Mal-voyant depuis 31 ans et passionné de vins comme vous tous
11 Mar 2016 16:54 #172

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Merci Benjamin, Michel (Tarnasse, pas l'autre) et Didier pour ces mots aimables :)-D


Cordialement,
François Audouze
11 Mar 2016 17:28 #173

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Très beau CR François, heureux qu aucun des convives n ait fait grève des étudiants ce jour là !!

olivier
11 Mar 2016 18:16 #174

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Que de bulles (tu)

Je n'arrive pas à imaginer comment cette alchimie de la bulle peut se conserver si longtemps ::o

M.Audouze, bravo pour vos compte-rendus qui sont vraiment passionnants à lire,

Avez-vous une photo de ces magnifiques flacons à nous faire partager ?

LPVment,

Franck
11 Mar 2016 18:25 #175

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Je vais essayer de mettre quelques photos ce week-end dont notamment la sublime bouteille de Salon 1948.


Cordialement,
François Audouze
11 Mar 2016 18:59 #176

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11 Mar 2016 19:02 #177

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Belle série Francois.

Les champagnes anciens sont beaucoup plus dosés que les récents, cela explique sans doute leur tenue dans le temps. Quand s'est fait le changement de dosage?

Il est probable donc que les Nature ou Extra Brut actuels ne soient pas faits pour durer.
11 Mar 2016 19:13 #178

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'Une grève des étudiants et des cheminots nous fait craindre des défections, mais un ange veille sur ce repas. Les six sont présents et toutes les bouteilles sont servies à la température idéale.'

Mais enfin Michel, ce ne sont que des faits, uniquement un point concret et réel présent dans la narration de ce repas et cela sans aucun jugement de valeur...quel mauvais esprit tu me fais là ! Penser un seul instant que, dans l'esprit de F Audouze, la préoccupation d'une jeunesse face à la précarité sciemment organisée ou simplement posé pour faire tenir un système qui va dans le mur pouvait passer après la préoccupations de quelques dégustateurs à se réunir, franchement, quel procès d'intention tu lui fais !
Faut vraiment avoir plus de 10 000 messages à son compteur pour penser cela.... et moins de 500 pour penser le contraire :D

Jmm
11 Mar 2016 21:49 #179

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  • François Audouze
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on peut penser que le dosage aide au vieillissement mais je serais moins catégorique dans les hypothèses que tu donnes.
Le goût des amateurs pour le champagne a évolué progressivement et la baisse du dosage doit dater des années 60 car je me souviens que dans les années 50, on buvait des champagnes dosés fortement.
Je crois au vieillissement de la plupart des champagnes actuels.


Cordialement,
François Audouze
11 Mar 2016 21:52 #180

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