Je ne suis pas souvent du côté de chez moi et je tâche d’en profiter quand j’y suis. Ce week-end là, en outre, un couple d’amis parisiens sont descendus tout exprès chez mes parents, faute d’avoir eu le temps de se voir sur la capitale. Comme ils sont amateurs de vins, c’est l’occasion de leur faire découvrir Sancerre sur site. Improvisé comme ça, un Samedi après-midi, les options intéressantes ne sont pas légion et il y a longtemps que je veux découvrir la gamme du domaine. Un email pour vérifier et boum, décidé, on ira faire un tour chez Fouassier. Nous ne goûterons pas tout, vu que l’on visite avant tout pour eux.
La dégustation n’était pas prévue à l’avance, donc nous débarquons dans la salle publique de dégustation. C’est assez joliment fait, sans plus. La jeune-fille qui guide la dégustation est compétente sans pour autant avoir la valeur ajoutée de l’échange avec le producteur. Ni la spontanéité. Elle est surtout particulièrement patiente avec moi
Ce jour-là, je suis en mode pénible pour un vigneron ou un commercial : je commente moi-même les vins, les techniques de vinification et les millésimes, sans pincettes et sans politiquement correct. Ca décape (un peu) mais c’est ce qu’attendaient les amis en question. De toute façon, cette façon de ne pas dire ou ne pas montrer les choses en dégustation a le don de m’agacer… encore récemment, visite chez Cordoniu (publique, pas pro) et on a zappé, évidemment, les chaînes d’embouteillages… alors que c’est une des choses les plus impressionnantes du domaine et que ça fait partie de la réalité, particulièrement, des pétillants.
Alors, embarquez, on commence ! (l’ordre des vins est choisi par la miss et c’est très bien passé comme ça).
CR:Clos de Bannon 2013
On commence donc par un parcellaire. Comme tous les vins « normaux », les couleurs sont jaune paille très clair avec reflets verts, mais les conditions d’éclairage ne sont pas géniales. Terroir de silex, donc (si je me fie à ce qu’elle m’a dit et j’ai vérifié : agile et silex), exposition sud-est. Un nez aux accents variétaux mais discrets et surtout équilibré par un joli côté exotique. La bouche possède un gras raisonnable et étonnant qui se termine sur une finale réglisse. C’est un joli vin, d’un très beau niveau, qui ne présente pas les limites que j’attends sur le millésime.
80-/100 (ouvert depuis 4 jours, comme la plupart des vins et ça aide, je pense)
CR:Clos Paradis 2013
Un vin que je connais bien et que j’ai rarement apprécié. On change de terroir, calcaire sur exposition sud.
Le nez est plus « rond », plus souple mais en même temps moins expressif que Bannon et plus variétal. La bouche est très (trop) tendue, variétale tendant vers le végétal (quand on suce une branche jeune cassée). Pomme verte et herbe fraîche avec une grande persistance sur le… poireau. Honnêtement, buvable mais bof.
70-/100 Un vin qui présente tous les traits de ce qui fait la limite de 2013 : c’est bien fait, mais ça ne transcende pas le milléisme.
CR:Sur le Fort 2013
On « descend en gamme », un vin réalisé sur des vignes plus jeunes, sur calcaire en plateau.
Fruit jaune au nez. Bouche exotique et légèrement poivrée. Bravo ! C’est un peu plus simple que Clos Paradis ou Clos de Bannon mais c’est rudement buvable. Loin de la description habituelle du vin mais quand même tout à fait honorable.
75-/100
CR:Les Romains 2013
Argile à silex, exposition Sud-Ouest.
On retrouve le trait exotique et épicé de Bannon, en plus large, peut-être. Le fruit est bien présent en bouche, rouge en finale. On retrouve aussi le buis à ce moment là. C’est très joli, niveau équivalent à Bannon (mais je préfère Bannon).
80-/100
CR:Les Chasseignes 2013
Ce vin est ouvert aujourd’hui. Calcaire sur plateau et coteaux exposés sud.
Bon, dommage, j’aurai préféré qu’elle ouvre un 2012 pour comparaison (mais pas folle la guêpe
). Très vert et droit au nez (l’ouverture récente n’aide pas sur ce point). La bouche livre un plaisant cocktail de pamplemousse et d’agrumes, avec une acidité assez verte quand même présente. C’est plutôt joli, mieux que Paradis.
75/100
CR:Mélodie Gustave Fouassier 2011
On change de chanson (c’est le cas de le dire). Argiles à silex + 20% Calcaire. Coteaux exposés sud.
Changement de millésime itou. Mais on reste dans une année difficile. La couleur est dorée. Le nez est de miel de rose… et d’asperge. La bouche est beurrée, toastée et large (comme un chardonnay). On trouve aussi de la noisette. C’est riche, c’est presque un peu « tannique ». En l’état c’est putassier et à mon avis le problème c’est que le jus de 2011, déjà très mûr et peu aromatique a complètement capitulé sous l’élevage. Plaisant a boire mais faiblard.
65+/100 Le bois dans le Sauvignon, c’est dur, mais autant je peux adhérer à des jus comme ceux de Bourgeois autant là, ça pêche. Ok pour faire un sauvignon qui n’a pas le goût de sauvignon, mais il faut un jus suffisamment tonique et mûr phénoliquement pour supporter le traitement. Ceci étant, il est possible d’aimer ce vin qui n’est pas, en soi, imbuvable.
CR:Tellus 2012
Ahhh, enfin un 2012. Pas d’info sur la provenance des raisins.
Caractéristique de cette cuvée : élevée en amphore (vinifiée ?).
Très aromatique, sur le rose et le litchi. La bouche a une rondeur stupéfiante, grasse et homogène. La finale est très exotique, sur l’ananas mûr et sucré. Beau vin, mais… le Sauvignon, il est où ? et surtout, ce millésime sublime, il est où aussi ???
80-/100
CR:Tellus 2013
Curieusement (ou pas), on retrouve le Sauvignon ici, nettement plus. Une note variétale en ouverture, qui donne complexité et profondeur à un bouquet autrement très exotique. La bouche est droite, plus tendue que le 2012 avec une belle énergie. Elle est mûre (aromatiquement) et épicée. C’est à mon avis supérieur à 2012…
80/100 Expérience intéressante. Je pense que l’amphore patine beaucoup les vins (surtout blanc) et donc la matière un peu rugueuse du 2013 s’est trouvée magnifiée par cet élevage alors que la matière équilibrée et délicate de 2012 en a souffert. Si je pouvais confirmer cette observation, ça permettrait de connaître une méthode intéressante pour bonifier (élever) les vins issus de millésimes plus verts.
CR:Iconoclaste 2013
Changement de registre, on passe rouge. Cuvée d’assemblage, calacaires et argiles à silex.
Poivré, hyper fruité au nez. La bouche est droite comme Artaban (je sais, c’est raide, l’expression, et c’est bien le but de l’allusion), mais avec un fruit et une buvabilité épatante. Seul bémol, un tannin un peu râpeux en finale (qui s’estompera sur un plat, donc). Un vin simple mais jouissif. Bien joué !
75/100
CR:Empreinte 2008
Pas la même plaisanterie (ni en vinif, ni au tarif). Plateau, sur marnes.
Nez superbe de cerise et framboise mais compressé par des arômes d’élevage excessifs (dommage !! mais à voir avec le temps car le vin est jeune). Bouche puissante et intense et très beau fond de verre mais manquant un peu de fondations.
75+/100. Ca s’améliorera sans doute car c’est très jeune. Le nez superbe ne résonne pas en bouche, qui, elle, déçoit. L’élevage est excessif, je pense. Un vin qui porte les stigmates du « too much » : à vouloir faire un grand Pinot, on se perd en route. C’est quand même très plaisant mais le tarif est prohibitif.
Voilà donc une bien jolie et intéressante dégustation. Les 2013, sans être grandioses sont suffisamment qualitatif. Cependant, je n’achèterais par grand chose cette année, Clos de Bannon et Romains sortent clairement du lot. Ce n’est pas sans intérêt car quelques jours plus tôt, sur un millésime peu mûr aussi, 2007, ce sont les Romains d’un autre domaine qui sont excellemment sortis. A croire que ce type de terroir valorise les millésimes difficiles. Intéressante expérience de dégustation sur les cuvées en amphores (qui me semble quand même un méthode gadget sur ces essais). Je retiens trois vins particulièrement de la dégustation : Clos de Bannon 2013, Les Romains 2013 et Iconoclaste 2013.
EDIT : En synthèse, j'ai trouvé tous les vins bon, et un ou deux à la limite du très bon. A attendre quelques années en bouteille pour confirmer ça. Un aveugle en parallèle de 2012 serait intéressante.