Depuis l’enfance, j’ai tissé une relation particulière avec la ville de Pau et les images rapportées ou imaginées de cette région du Sud-ouest.
Petit, ce lieu où mon père se transportait pour des raisons professionnelles me paraissait le bout du monde.
Comme de retour de Rouen où il nous offrait des épis enrubannés de sucre d’orge, Il ramenait des plaisirs gastronomiques de la cité paloise et de la ville de Gan, alors étrangers à la culture et aux habitudes familiales. Des gigantesques tommes de brebis au goût puissant, des jambons improbables et peut-être déjà une de ces bouteilles aux reflets dorés dont le contenu avait inspiré Colette plus que ce bon roi Henri IV.
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J’ai rêvé de Pau, des gaves de montagnes, de pentes enneigées, d’être grand.
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En sa compagnie, je n’ai pu partager qu’une fois le bonheur d’un court séjour familial en Béarn. Je n’en garde qu’un singulier souvenir d’auberge et la dégustation cruelle d’une truite au bleu qui jusqu'à mon arrivée nageait dépressive et tranquille dans son aquarium.
Plus tard, je me suis imaginé le très célèbre boulevard des Pyrénées à Pau et ce noble et historique piémont pyrénéen.
Jamais cependant ma créativité n’a approché la réalité des paysages et la joie éprouvée la première fois où je me suis retrouvé en haut des renversants coteaux Jurançonnais ; avant même d’être submergé d’émotions à la vue de la double vague triomphale du Pic du Midi d’Ossau et de tressaillir face à l’éperon majestueux du pic du Midi. « Selon les caprices des heures, sur leurs crêtes se jouent les gammes fluides des teintes les plus riches et les plus nuancées ».
Le vrai choc, les instants d’éternité et de communion avec la nature environnante, je les ai ressentis au milieu des vignobles de bout du monde d’Irène Guilhendou ou de Patrice Limousin.
Voila comment, en Béarn, une somptueuse palette s’offre au regard ébahi des gens du pays autant qu’à celui du voyageur de passage et ce que j’ai vécu lors de ma première visite du vignoble au printemps pluvieux de 2004 et dans le mois ensoleillé d’un été indien en septembre dernier.
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LA DEGUSTATION :
L’appellation née en 1975 est jeune et le niveau qualitatif d’ensemble est encore hétérogène.
L’appellation Jurançon sec souffre d’un manque de notoriété et la quasi-totalité de la production s’écoule en territoire local et au mieux en territoire national.
Par ailleurs, à ses débuts l’appellation a souffert de mauvaises pratiques :
vignes chargées, hauts rendements, raisins pas mûrs, moyennes ou mauvaises parcelles.
Certains vignerons se sont mis à raisonner en sec en adoptant des pratiques d’œnologie telles que la chaptalisation, la désacidification, la filtration à l’excès et l’utilisation massive du souffre.
Là-dessus sont arrivées les techniques modernes et notamment la macération pelliculaire qui n’améliore pas les vins lorsque la matière de départ est indigne.
L’appellation Jurançon sec a souffert ainsi d’une image plutôt négative, sur un marché très concurrentiel.
Depuis les années 90, une réflexion importante a été menée sur les vins blancs secs avec l’ensemble des vignerons de l’appellation.
En premier, il a fallu adopter de meilleures pratiques culturales et notamment mieux maîtriser les rendements et limiter les apports d’intrants chimiques
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Le deuxième effort se porte au niveau de la cave : Concernant l’élevage, les vignerons tendent à élaborer le blanc sec autour de sa structure acide, avec encore quelques résistances aux changements en particulier sur le secteur de Monein. D’autre part, le fût lorsqu’il est utilisé est considéré d’avantage comme un outil d’oxygénation.
La dégustation s’est faite en respectant la zonation mise en évidence par Jean Delfaud. Les terroirs se distinguent par la nature des sols et les microclimats.
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A l’est, le terroir de Chapelle de Rousse, Saint Faust et Aubertin se caractérise par le fameux poudingue calcaire de Jurançon, « un ciment carbonaté avec des galets calcaires ».
Les vins sont minéraux, fins, bâtis autour de leur acidité. Austères dans leur jeunesse, ils évoluent au vieillissement en libérant un fruit précis d’agrumes et plus tard exhalent parfois des notes de truffe blanche.
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- A l’ouest, le terroir de Monein présente différentes natures de sol. Les plus mauvaises parcelles sont situées en bas de coteaux sur des sols parfois plus aptes à la culture céréalière qu’à la vigne. C’est donc la nature des sols et leurs propriétés drainantes, la pente, son exposition qui déterminent en amont la qualité des vins.
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Globalement, les vins de Monein sont plus riches, plus puissants, d’emblée plus fruités et flatteurs mais en raison d’un déficit d’acidité et de la chaleur de l’alcool, ils sont parfois sur des équilibres ténus.
Il faut retenir que c'est le secteur le plus précoce en matière de maturité des raisins, avec des vendanges qui ont en général 15 jours d'avance sur la Zone de Chapelle de Rousse.
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Au sud, tout proche des Pyrénées, se situe le terroir de Lasseube. Les sols sont constitués d’une barre de calcaire et de flysch. Les sols y sont pauvres mais bien drainés, ils en résultent des vins fruités avec une acidité tranchante. C’est la zone la plus exposée au gel, à la maturité la plus tardive qui redoute les millésimes difficiles mais qui tire son épingle du jeu climatique en année solaire.
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C’est pourquoi, les vins du secteur de Monein ont formé un premier groupe ensuite les vins de Chapelle de Rousse, de Gan et Lasseube ont été répartis dans le second groupe.
le 22 /09/2011, 18 échantillons de Jurançon sec 2010 ont été dégustés à l'aveugle juste après la mise, certains tirés du fût. Puis 8 vins de millésimes anciens principalement des 2001, un 2002et un 2004.
Les grands absents de cette dégustation en 2010 :
Domaine Latapy (en élevage), les jardins de babylone, Domaine de Cabarrouy, Domaine Bellegarde, Domaine Bousquet.
MES VINS PREFERES EN 2010:
Domaine Anne-Marie BARRERE, Clos de la vierge, 64150 Lahourcade
Belle robe jaune à reflets or
Très beau nez expressif, net, précis, premier registre floral (fleurs de verger). Puis sur les fruits mûrs à confits, les agrumes, le miel sec.
Le vin se montre rond, gras, doté d’une matière riche et traitée sans fard. L’équilibre est déjà là, fidèle au secteur, le vin s’exprime d’avantage sur la puissance que sur la finesse. Mais ici l’acidité tonique structure le vin et supporte des arômes de grande intensité. Le vin a beaucoup de réserve, ce qui lui assure une garde certaine. Grand vin de gastronomie. B+
Clos Benguère, Thierry BOUSQUET, 64360 Cuqueron
Nez singulier, très original, peut-être pas encore tout à fait en place avec une pointe de volatile mais très belle expression florale et de réglisse. Puis apparaissent des notes de fruits confits, de caramel, de fumé-rôti dans un registre qui peut paraitre oxydatif tant les arômes révèlent une matière mûre.
Sur ce vin, il y a un vrai changement de style par rapport à la moyenne des vins du secteur de Monein. La matière est riche, l’acidité présente confère au vin une vraie tension et du dynamisme en même temps qu’un fruit magistral en bouche. Le vin est terriblement vivant et naturel, très rond tout en restant droit. La finale est longue, puissante, sapide sans rien concéder à une certaine finesse. Attendre que le feu s’apaise au niveau de l’équilibre, mais le vin à un réel potentiel de garde. Vin de gastronomie qui appelle un met.
B+
Clos Uroulat, Charles HOURS, cuvée Marie, quartier Trouilh, 64360 Monein
Nez encore retenu, sur les fruits blancs, le miel sec, puis des notes d’agrumes et de sous bois. Très belle évolution à l’aération, apparaissent des notes fumées et épicées.
Belle bouche, dotée d’une assez belle matière. Le vin est d’avantage construit autour d’une trame végétale amère et une réelle minéralité. Il y a ici une recherche d’élégance et de finesse d’avantage que de puissance qui se traduit dans une agréable balance entre l’acidité, l’amertume, le fruit sans sensation de chaleur en finale. Beau potentiel pour ce vin en devenir.
B
Domaine Bordenave-Coustarret, Sébastien BORDENAVE-COUSTARRET, renaissance sec, 80% PM 20% Courbu, 64290 Lasseube.
Vin tiré de cuve.
Nez retenu puis expressif à l’aération laissant apparaitre des notes mûres de fruits blancs et d’agrumes, (citron, cédrat).
En bouche, dés l’attaque, le vin protégé par une pointe de CO2 se montre vif et nerveux. La matière est belle et bien traitée sans être massive. Acidité et amertume de bon aloi s’équilibrent bien. Belle finale à la fois suave, sapide et saline donnant une excitante sensation de sucré-salé qui ouvre l’appétit. B+
Domaine de Souch, Jurançon sec, 64110 Larouin.
Robe jaune, or pale.
Nez net, pur, délicat et fin, encore dans la retenu à ce stade mais de plus en plus expressif à l’aération. Notes de fleurs blanches, de beaux fruits à noyaux avec une franche expression minérale au nez.
En bouche, le vin possède une matière très pure traitée au plus près du jus avec un grand naturel. Dés l’attaque, c’est vif et extrêmement dynamique. Bâti sur la minéralité et l’acidité, le vin est droit, tendu tout en rectitude. La rétro-olfaction nous conforte dans ces sensations où l’on retrouve des notes rafraichissantes de citron, de rôti et de truffe blanche. L’équilibre est ici superlatif et un parfait compromis entre puissance et finesse. Très grand vin. A
Camin Larredya, Jean-Marc GRUSSAUTE, part d'avant, Chapelle de Rousse, à Jurançon.
Robe or jaune
Nez très expressif sur la poire, les agrumes, oranges amères et ananas, les fruits exotiques. Très beau fruit.
En bouche, le touché séduit immédiatement, la texture est d’une folle délicatesse. Le vin se montre extrêmement minéral et signe le terroir de Chapelle de Rousse. L’acidité se révèle très dynamique et mordante, (citron vert). Un vin de trapéziste, avec un équilibre très juste mais sur le fil du rasoir entre l’acidité, la minéralité et un beau végétal amer en fin de bouche. B+/A
Hors catégorie en VdT
Domaine de Montesquiou, Fabrice et Sébastien BORDENAVE-MONTESQUIEU, Vin de Table ½ sec, 12g de résiduel, quartier Ucha, Monein.
Robe or jaune.
Nez expressif, riche et massif sur les fruits à noyaux mûrs à confits, le miel, des notes fumées et épicées (curcuma, safran) qui traduisent le rôti de la matière.
En bouche on ressent une matière riche et noble extrêmement respectée dans le traitement. Le vin présente beaucoup de gras et de rondeur. Il est tout en volume, en largeur avec une grande amplitude. La finale est longue, suave avec un sucre perceptible qui ne l’alourdit aucunement. Une réponse à la richesse excessive des mouts sur le secteur de Monein pouvant produire des vins à l’équilibre difficile entre alcool et acidité. Hélas, hors du cahier des charges et des contraintes fixées par l’appellation. B+
DEGUSTATION JURANCON SECS 2002
Domaine Nomboly Traydou, Albert NOMBOLY et Pierre SAMSON, jurançon sec 2002, quartier Serrot, Monein.
Le nez est expressif voire exubérant, parfumé, séducteur, sur les fruits mûrs exotiques, l’orange sanguine. Puis apparaissent des notes tertiaires et épicés.
En bouche, la matière est fluide et digeste. Le vin surprend par sa qualité minérale. D’assez belle longueur, il finit sur de beaux amers avec un beau retour de fruit. Là encore, ce jurançon gagne énormément à l’aération. Un vin à boire quand même sans trop attendre.
B
DEGUSTATION JURANCON SECS 2001
Domaine Castera, Christian LIHOUR, jurançon 2001, quartier Ucha, Monein.
Robe or.
Nez expressif, mûr à rôti, encore étonnamment floral et frais. Puis apparaissent des notes d’agrumes (citron, cédrat) et miellé. Le nez parait jeune et évoque un moelleux.
Attaque suave quasi sucrée plus que vive et nerveuse. La bouche est ronde, grasse, large, dans l’esprit d’un demi-sec sans aucun sucre résiduel perceptible. Beau support acide portant bien le fruit en bouche. Finale riche, plus puissante qu’élégante. Un Assez beau vin fidèle au terroir de Monein.
B
Domaine Bru-Baché, Claude LOUSTALOT, cuvée des casterrasses 2001, Monein.
Robe jaune or lingot.
Nez pur, net et précis avec d’abord un franc registre de fruits rôtis et de fruits secs torréfiés. Puis apparaissent de belles notes d’orange, d’amande et de cacao avec une belle expression minérale et tertiaire (champignon, truffe). Le 1er nez est pâtissier puis se complexifie et se précise sur des notes d’agrumes, grillées, épicées et fumées.
La bouche est pure, extrêmement équilibrée, et fraîche. Le vin, construit autour d’une vraie trame minérale et une acidité mordante, se présente tout en élégance et finit sur de très beaux amers nobles. Une boisson digeste par la qualité et la richesse de sa matière, fluide par son acidité filante et minérale qui exprime la quintessence du secteur de Monein. B+/A
Clos Lapeyre, Jean-Bernard LARRIEU, vitatge vielh 2001, GM/ PM et Courbu, Chapelle de Rousse à Jurançon.
Robe jaune or pâle.
Nez expressif et précis, encore retenu dans l’expression mais très frais. Beaux fruits à noyaux, abricot, pêche blanche, de miel et melon.
La bouche est vive avec une vraie acidité qu’il faut « s’enquiller » et une finale amère très noble. La bouche se montre tendue, stricte, effilée comme une lame de rasoir, quasi austère et singulièrement minérale.
Un vin d’initié, de puriste et d’esthète qui signe le terroir de Chapelle de Rousse mais qui n’est pas « facile » et ne peut plaire à tous. Certains lui reprocheront aussi un manque de liberté. Cela demeure un grand vin qui exprime les capacités de Jurançon en vin blanc sec. B+/A
Domaine Latapy, Irène Guilhendou, jurançon sec 2001, chemin Berdoulou, 64290 Gan.
Beau nez expressif qui évoque un vin moelleux. Au 1er nez, pointe d’acidité volatile qui disparait pour laisser place aux agrumes, (cédrat, ananas) et à la mangue. Puis des notes de miel, d’encaustique, de cire à bois. Enfin, le nez se fixe sur un registre empyreumatique, (amandes grillées), des notes épicées fumées et de champignons, de truffe.
La bouche est vive, nerveuse, dynamique, extrêmement minérale. Le vin est stricte, tendu, et en dépit de la force de l’alcool, il est équilibré entre la puissance d’une matière riche, l’élégance et la minéralité. Le support acide est magistral et soutient des aromes à titre d’oranges amères et d’ananas victoria. Finale longue, suave avec une agréable sensation de sucrosité qui finit sur une belle expression minérale et une amertume de grande noblesse. Grand vin traité avec franchise et naturel. A/B+