Riesling 2007
4.3 La parole aux dégustateurs
Plutôt que de demander à chacun un avis global sur cette dégustation, j’ai préféré orienter la discussion sur des thématiques précises, tout en laissant une dernière question défouloir. A vous de juger, à travers la dialectique de chacun, ce qu’il y a lieu de retirer de cette dégustation.
Comment avez-vous trouvé globalement les vins de ce millésime ?
Laurent Labouré (Lab) : Très structurés mais néanmoins équilibrés car, quand il y avait des sucres résiduels, les vins n'avaient généralement pas un côté "sucraillon". Un très beau millésime, au potentiel de garde certain.
Luc Javaux : Le niveau m'a semblé globalement très élevé, avec des vins portés par une très belle acidité sans que je ressente la moindre immaturité. Dégustation difficile en l'état, mais que de promesses pour l'avenir !
Pierre Krier (Peterka) : Sur les 32 vins dégustés, seuls 3 ou 4 pourraient être qualifiés de moins intéressants (subjectif bien sûr mais..) : C’est déjà un premier signe de la qualité des vins du millésime à mes yeux.
Ce sont des vins qui tiennent bien sur leurs jambes, concentrés, avec une colonne vertébrale imposante sans jamais être rigide (sauf rare exception). Les acidités sont bien couvertes, mûres.
Dans bien des cas les SR jouent un rôle déterminants : 8 à 10 gr permettent (j’irais même jusqu’à dire : sont indispensables) aux vins pour donner un volume de bouche et équilibrer les acidités.
Les taux d’alcool plutôt élevés ne se sentent pas.
Sur ces deux points, exemple étonnant avec le Rangen et ses 15° d’alcool pour 22 gr de sucres. Je m’attendais à un vin opulent, j’ai goûté un des vins les plus verticaux et élancés de la série.
Pratiquement aucune touche de surmaturité ou de botrytis, ce qui, à mes yeux, permet d’obtenir des vins secs plus droits et plus élégants.
Ils sont aujourd’hui sur la structure et assez réservés au niveau aromatique mais avec une promesse de belle évolution vu les matières présentes.
En gros, je dirais que l’équilibre acidité, sucres, alcool est optimal.
Marc De Wolf : Ce qui m'a surpris le plus est le niveau ou le plateau de qualité en général. Et surtout le plaisir éprouvé lors de ce marathon, avec beaucoup vins en grand équilibre. Tant pour les vins avec des sucres résiduels que pour les vins secs.
Marc Lotin (hédoniste) : La réputation du millésime est à la hauteur de ce qu'il y a dans les bouteilles.
Didier Dupont (DidierD) : Très haut niveau qualitatif global.
Jef Heering : Ce qui m'a surpris, c'est que sur 32 vins, aucun n'était en dessous de la moyenne. Un très bon niveau dû surement également à la très belle sélection que tu nous avais préparée. On sent bien ici ta connaissance de l'Alsace.
Sur le millésime en particulier, des vins très jeunes (un peu trop) dont on pourra mieux estimer le potentiel d'ici quelques mois, même si celui-ci semble déjà très important.
Patrick Böttcher : Globalement, les vins ont présentés une image très positive du millésime structuré autour de l’acidité, colonne vertébrale d’une belle matière. Aucun des vins n’a montré de faiblesse majeure et en plus de la structure, on retiendra aussi la grande précision de la très grande majorité d’entre eux, de même, à aucun moment, il n’a été fait mention d’amertume et très rarement d’alcool, deux gages supplémentaires de qualité.
Pour la recherche pure du plaisir, il faut admettre qu’on se situe un poil trop tôt, attendre un an aurait été préférable (ce sera le cas avec les 2008). Il n’en reste pas moins que la buvabilité de ces vins est étonnante, observation déjà faite lors d’une dégustation comparable du millésime 2007, en septembre, organisée par Thierry Meyer. Une remarque sur les acidités : Celles-ci sont clairement tartriques et en aucun cas maliques, donc clairement très nobles, elles s’intègreront doucement aux vins, c’est indéniable. Ce sera d’ailleurs mon seul regret, c’est que certains dégustateurs, probablement par manque d’habitude, ont envisagé cette acidité de manière globale et ont été un peu perturbés ont point de ne pas tenter d’aller voir « over the rainbow ».
Sur les vins dégustés, ce millésime mérite-il sa réputation ?
Laurent Labouré (Lab) : Je crois même qu'il est au dessus de sa très bonne réputation (dans la mesure (très limitée) de mes connaissances).
Luc Javaux : Assurément !
Pierre Krier (Peterka) : Incontestablement
Marc De Wolf : Je trouve que 2007 en Alsace - sur les vins qu'on a goûté - a le mérite d'être surtout un millésime de plaisir et d'équilibre.
A mon avis, C’est toujours un bon signe qui annonce un très bon voire un tout grand millésime. Il faudra encore un peu de temps pour voir comment les vins vont évoluer pour dire "grandiose". Le potentiel est certainement là. Il y avait des vins avec13,5% à 15% alcool et on ne le sentait pas…. tour de force dans le vignoble.
Marc Lotin (hédoniste) : Je trouve que c'est un beau millésime avec de belles acidités et de belles maturités.
Didier Dupont (DidierD) : Absolument, mais tu ne nous a fait goûter que le nec plus ultra ...
Jef Heering : Il me semble. Pas beaucoup de recul sur les millésimes plus anciens pour juger de toute pièce.
Patrick Böttcher : Oui, certainement au niveau qualitatif. 2007 sera peut-être un peu « moins » que 2008 en ce qui concerne la puissance et la concentration, mais probablement plus plaisant, plus harmonieux que son frère cadet de rang.
Avez-vous retrouvé les caractéristiques variétales ou de terroir sur cette dégustation ?
Laurent Labouré (Lab) : Très rarement et, lorsque cela "pétrolait", cela n'était pas "envahissant". Les caractéristiques des différents terroirs étaient inversement évidentes (il faut ajouter que la séquence des vins était très judicieuse, merci Patrick!).
Luc Javaux : J'ai été étonné de trouver très peu de caractère variétal à la plupart des vins dégustés. A tel point que je suis certain que je me serais trompé plus d'une fois sur le cépage à l'aveugle...
Certains terroirs marquent assez fort les vins, même dans leur prime jeunesse (le paroxysme étant atteint avec le Rangen), mais à ce stade, je dirais qu'on retrouve plus facilement la patte du vigneron/vinificateur que celle du terroir.
Pierre Krier (Peterka) : Je ne sais pas trop ce qu’il faut entendre par caractéristiques variétales sur le riesling tellement le cépage est multiple en fonction des terroirs.
Pas de notes pétrolées, pas d’amertume en fin de bouche, pas de notes végétales.
Bien sûr le profil gustatif global est bien celui du cépage mais je répondrais non.
En ce qui concerne les terroirs, cela m’a semblé plus évident sur le Bas Rhin que sur le Haut Rhin. J’ai trouve que le millésime imposait parfois sa marque pour le moment (exemple : beaucoup de vins des terroirs granitiques se présentaient un peu plus abrupts que d’habitude). Néanmoins, les différences restent relativement sensibles et en ligne avec les attentes. A noter que, jamais, je n’ai eu l’impression de répétition, donc pas d’ennui.
Marc De Wolf : Oui, en regardant mes points/appréciations. Pas trop de pétrole ;o) et plus sur des fruits rouges et blancs. Les différences de terroir sont les plus lisibles chez ZH. Et j'aime bien le Brand. Tout en acidité et équilibre!
Marc Lotin (hédoniste) : Aucune caractéristiques variétales sauf peut-être des aromes citrique en bouche sur quelques vins mais on est loin des aromes terpéniques...
Par contre pour moi, le terroir s'exprime bien sur ce millésime (voir Rangen, Windsbuhl, ...)
Didier Dupont (DidierD) : Étonnamment, très peu de variétal et beaucoup de vins très caractérisés.
Alfonso : J’ai trouvé que chaque vin avait des atouts à faire valoir ! Et qui plus est, la touche terroir se fait énormément ressentir!
J’ai noté quelques évolutions de style significatif entre le Bas et Haut Rhin surtout sur les acidités plus prononcés amha sur le Haut-Rhin.
En relisant mes notes, j’ai trouvé que même si la majorité des vins présenté assez bien de S.R, on a dans la majorité des cas des acidités assez tranchante mais aussi majoritairement de beaux équilibre.
Jef Heering : Variétales très peu, même si beaucoup de vins partageaient une même note de fruits blancs. Au niveau du terroir, des caractéristiques se dégagent, même si celles-ci doivent être combinée à celles du vigneron. Intéressant dans ce sens les deux rieslings du wineck schlossberg et les mêmes touches sur les vins d'ostertag entre son riesling présent à loa dégustation et le sylvaner de la dégustation ad-hoc.
Patrick Böttcher : A l’exception de deux ou trois vins où les caractéristiques variétales étaient perceptibles (et encore, il fallait aller les chercher), en aucun cas, sur cette sélection, il y a lieu de parler de variétal. De là, à dire que le terroir s’exprime pleinement, il y a une marge. Les vins sont trop jeunes, encore trop dominés par l’acidité pour exprimer pleinement leurs nobles origines. C’est dans 10 ans que tout cela devrait parler pleinement…. Quand aux sucres résiduels, il semblent s’intégrer extrêmement vite !
En fonction de ce que vous avez goûté, quelle garde moyenne conseilleriez-vous pour les rieslings 2007?
Laurent Labouré (Lab) : Grande garde (5-10 ans) en général, avec un minimum de trois ans pour les vins déjà ouverts (comme par exemple le n°25 qui est déjà superbe mais a un bel avenir) et beaucoup plus pour les n°1 et 32 (20 ans ?).
Cela dit, cela confirme que mes estimations de garde relatives aux 2006 doivent être revues a la baisse .Cela confirme aussi que je ne m'y connais pas vraiment en vin d'Alsace....
Frank Van den Bulcke (fvdb) : Pour la garde, je pense qu'une dizaine d'années semble être le minimum, mais c'est aussi du cas par cas ; pour le Rangen, par exemple, là c'est une autre catégorie.
Luc Javaux : Je pense qu'il ne faut pas toucher aux meilleurs avant au moins cinq ans, voire dix ans, et qu'ils sont partis pour une vingtaine d'années au moins.
Pierre Krier (Peterka) : Sauf exception, optimum dans 8 à 10 ans et garde du double.
Marc De Wolf : Tout dépend de la bouteille en question. Mais en général, tous les vins que j'ai noté au dessus de 16,5: iront sans problème sur 12 à 15 ans.
Les autres: 6 à 10 ans. On aura peut être quelques belles surprises avec les vins contenant un plus de sucre.
Marc Lotin (hédoniste) : Garde moyenne, cela varie de quasi pas de garde pour un ou deux vins à 30 ans pour le dernier Rangen. Mais les acidités et la concentration de certains vins peuvent les emmener loin en matière de garde.
Didier Dupont (DidierD) : Majoritairement, je trouve ces vins déjà très buvables. Mais nul doute qu'ils sont armés pour une grande à très grande garde, jusqu'à 20 ans et plus pour certains.
Alfonso : Soyons honnêtes, cette dégustation vient beaucoup trop tôt ! Mais elle nous en dit long sur l’évolution future de ces vins qui, j’imagine, ne pourra être que de longue durée.
Jef Heering : Question difficile, à voir d'ici 5 ans
Patrick Böttcher : Il faudra attendre 5 ans, encore pour que les 25 meilleurs vins s’expriment pleinement et ils devraient le faire durant une dizaine d’année pour la majorité, tout en allant chercher plusieurs décades pour des « monstres » comme le Rangen. Ceux qui cherchent une bouteille pour honorer leur descendance sont prévenus…
Avez-vous un autre commentaire à donner ?
Laurent Labouré (Lab) : J'attends la dégustation des rieslings 2008 avec impatience car celle des 2007 m'a déjà permis de relativiser celle des 2006. Le millésime semble "monstrueux", de surcroît, ce qui permettra de mieux relativiser la dégustation d'hier soir.
Frank Van den Bulcke (fvdb) : Tout d'abord merci et bravo pour cette belle soirée de dégustation, riche sur tous les plans et notamment l'apprentissage de la dégustation et le rythme (32 vins!!), pas facile. J'ai vraiment essayé d'être le plus juste dans l'attribution de mes cotes car je sais que derrière une bouteille il y a le travail de toute une année. Je pense quand-même que les premiers vins ont toujours tendance à être cotés un peu sévèrement.
Une fois n'est pas coutume, j'ai (à partir du 16-17ème vin) ressenti le besoin et une préférence pour les vins présentant un peu plus de SR car l'acidité des vins plus tranchants commençait à "m'agresser" le palais.
Dans l'ensemble et sans vouloir trop généraliser, on est incontestablement en face d'un grand millésime, car sur cette sélection (on pouvait difficilement faire mieux !), les vins sont complets et d'un superbe équilibre puissance-matière-fruit mûr et...acidité assez élevée, gage d'un long vieillissement.
Cette belle maturité a permis de proposer de grands vins très peu marqués par le cépage, ce qui permettra après une longue attente, une bonne expression des terroirs.
Voilà un peu mes sensations brutes.
Ce que j'ai retenu particulièrement, c'est que la série des Brand m'a énormément plus, et ce, à un moment ou je commençais à peiner.
Aussi les différents styles et la "patte" des vignerons qui différenciaient les vins issus pourtant du même terroir (mais pas les mêmes rendements)
Luc Javaux : J'ai mal aux dents...
Marc De Wolf : Surpris par le retour en force - par l'équilibre et le plaisir - des vins de Weinbach et de Sipp.
Surpris par la simplicité un peu trop extrême au Clos Saint Landelin. Il faut dire aussi que les vins en biodynamie se portent bien. Ainsi que les vins de Zind-Humbrecht qui étaient vraiment bien équilibrés sans caricature de volume.
Un très très grand merci pour l'organisation de ce Grand Tasting du Riesling Alsacien 2007.
Mais personnellement c'était très dur de rester concentré avec tous ces vins. La fatigue tapait après 15 vins. Il vaut mieux faire ça sur un après midi/soir avec une pause de 45 minutes. Ou bien réduire le nombre de vins à déguster.
En général, j'étais très séduit par la qualité et le plaisir des vins. Tous les deux étaient au rendez-vous !
Les Alsaciens 2007 étaient aussi bons que les Allemands 2007! Oups j'ai fait une gaffe... Oui vraiment ???
Marc Lotin (hédoniste) : Au cours de cette dégustation, nous avons, je pense fait un beau survol de ce qui se fait de mieux en Riesling en
Alsace. Les meilleurs producteurs y sont. Ce qui m'inspire deux choses : les rieslings sont de bien beaux vins et peuvent rivaliser sans rougir avec les autres régions de France.
Et deuxièmement, pendant la dégustation, j'avais souvent envie d'accompagner mon verre avec des plats. Ce qui pour moi est un gage de qualité.
Didier Dupont (DidierD) : Même si j'ai eu moins de mal à encaisser le nombre de bouteilles que lors de la dégustation des vins de Bizeul, je trouve que la quantité était excessive et qu'il est dommage d'avoir de telles merveilles dans son verre et de ne pas pouvoir en profiter sur un temps un peu plus long.
Alfonso : J’ai fait quelques belles découvertes comme le GC Eichberg d’Emile Beyer ainsi que les vins de Stoeffler. Des confirmations aussi: Sipp, surtout le Kirchberg que j’adore et des re-re-confirmations avec les ZH pour ne citer qu’eux !
À propos de ZH, j’ai remarqué que, souvent au nez, on avait des senteurs de champignons voir de truffes (marques du terroir ou patte du vigneron ?)
Mais aussi de petites déceptions, Kreydenweiss, Seppi Landman ainsi Bernhard surtout sur son Scholssberg.(Des vins à revoir assurément)
Bref, une bien belle dégustation orchestrée de main de maître par le « Maestro » Patrizio.
Que je tiens encore une fois à remercier !
Jef Heering : Un grand intreêt de cette dégustation était également de pouvoir analyser l'équilibre des vins blancs entre moelleux et acidité. L'un venant équilibrer l'autre, l'équilibre pouvant se faire à des niveaux différents. Avec des impressions de sucrosité différentes et pas toujours liée à un niveau de SR.
Patrick Böttcher : Concernant les vins eux-mêmes, je pense que beaucoup a été dit, mais je voudrais revenir sur la dégustation et les réactions du groupe. Il est un fait évident que 32 bouteilles paraîtront aux yeux de beaucoup, excessifs. Fallait-il pour autant se priver d’une telle série quand on la possède ? Je ne pense pas d’autant plus que de nombreux vins placés en fin de dégustation ont plu énormément. Quant à la subjectivité du groupe, elle est incontournable, la dégustation à l’aveugle ne change pas l’influence des voisins ni le fait que certains vins, comme ils se présentent aujourd’hui peuvent être plus ou moins à leur avantage par rapport à d’autres, je pense ici au Kastelberg. De même, il semble y avoir une attente d’une suite toujours plus heureuse qui a nettement desservi les premiers vins. Il n’y a rien de malhonnête là-dedans, c’est tout simplement humain et la série des Brand puis le Rangen, placés logiquement en fonction de leurs sucres, en fin de dégustation, vont évidemment conforter cet état d’esprit. Il n’en reste pas moins (je commence à connaître le groupe) que les moyennes générales sont extrêmement élevées et que ceux qui se trouve en bas de classement (hic en nunc) n’ont pas à rougir, tout au contraire. Idem pour ceux qui chercheraient à se satisfaire d’une place plus haute que son voisin, les moyennes affichées sont le plus souvent plus que proches, finalement, imperceptiblement différentes en fonction de la subjectivité de nos papilles.
Il n’en reste pas moins que ce soir, nous avons rencontré des géants, dont le Rangen d’Humbrecht, et que les lecteurs diront probablement que les grands domaines les plus médiatisés placent leurs vins au sommet. Peut-on leur donner tort, non, en fait, il est quelquefois rassurant de voir une hiérarchie ainsi respectée. Et puis, je ne peux m’empêcher en dehors du Rangen, coté au sommet pour sa matière de dégager quatre coups de cœur en la personne des Windsbuhl, Muenchberg, Kirchberg de Ribeauvillé et Sommerberg rencontrés ce jour, pour moi des perles de droiture, de précision et de fraicheur.