Petit dîner avec les amis pour un très bon moment passé ensemble. Une fois n'est pas coutume, ma sélection n'a concerné que des vins français - moi le caudataire, le thuriféraire, le zélateur du vin étranger   . 

 

Vin n°1 : Jura, Crémant du Jura, Domaine des Marnes Blanches - Réserve NM
C'est le crémant haut de gammme du domaine avec un temps de repos sur latte prolongé. Malheureusement, je n'ai pas réussi à trouver d'autres informations techniques sur la cuvée (Laroutedesblancs indique que le crémant de base passe déjà au moins 20 moins sur latte). Servie pour l'apéro, pas de recherche d'accord particulier avec le bol de tomate cerise et la ventrêche de thon germon fumé sur radis vert.

Si la critique est enthousiaste, pour ne pas dire dithyrambique à propos de ce domaine repris et relancé en 2006 et turbine à pleine possesion de ses moyens maintenant, cette bouteille m'a malheureusement paru un peu courte par rapport à ses intentions : il n'y a certes pas de doute sur le caractère jurassien du jus avec ses arômes nets de fruits à coque et cette amertume un peu rêche en finale mais j'ai trouvé la bulle trop grossière et éphémère ainsi qu'un manque de complexité (pas de présence d'arômes d'autolyse) et de volume général pour justifier le prix affiché et la qualité prétendue.
Au moins il n'y avait pas de présence d'arômes de vin nature funky et les arômes étaient nets et propre. Je ne reconnais pas pour autant les quelques commentaires de la cuvée glanés sur internet.

Vin n°2 : Corse - Clos Canarelli rouge 2020
L'entrée de gamme du domaine star du sud de la corse. Assemblage de syrah et niellucciu sur un sol argilo-calcaire. En accompagnement d'un poulpe aubergine à la sauce "chinoise" (soja aux champignon/vinaigre de Chine/sauce pimentée/sauce huître). La sauce penchait clairement du côté pimenté et le vin a été un peu envoyé au casse-pipe.

Pour lui même, le vin a un nez de maquis ou de garrigue qui évoque indéniablement la Méditerranée. En bouche, peu de tanins sont perceptibles mais ils sont fondus et la matiière est suffisamment dense pour que le vin ne paraisse pas alcooleux. Il y a de la finesse et de l'élégance pour donner un vin digeste avec une finale légèrement épicée et sur la fraîcheur d'herbes aromatique. Longueur correcte.
La sauce pimentée occulte tout de même le vin et s'il n'y a pas mésalliance, rien de magique ne se passe pour autant.

J'ai trouvé le vin très bon, à la fois digeste et non dénué de nuance c'est une chouette carte de visite.

Vin n°3 :  Jura - Côtes-du-Jura - Domaine Macle 2017 (Assemblage)
L'assemblage chardonnay/savagnin avec un élevage sous voile de 3 ans environ par la référence du Jura dans son style le plus traditionnel. Macle est une coqueluche LPV dont je pense que le ratio d'écher est parmi le plus faible du site. A accompagné un rôti de veau Orloff bien fromager et ses oignons & courgettes pour l'accompagnement. Ouverture 6h à l'avance. Merci à Julien Marron (alias @Zapata) de Vignalis pour la bouteille.

Le vin avait l'aspect de voile prédominant à l'ouverture (noix, morille, crème fraiche fermentée) qui s'est bien estompé au moment du service où un fruit d'orange confite légèrement amère constitue la trame du vin. Les arômes du voile apportent une complexité étonnante et surprenante/traumatisante pour les néophyte qui donne un talent gastronomique incroyable à la cuvée. In fine, le vin est aussi simplement qu'évidemment délicieux pour toute la tablée. La classe de Macle a encore frappé. Le vin est clairement dominé par le savagnin pour l'aspect fruit (l'orange confite est évidente dans les savagnins ouillé et la plupart des chardonnay ouillés n'ont pas cette rondeur fruitée dans le Jura).

L'accord avec le rôti Orloff a très bien fonctionné comme on pouvait s'y attendre via le fromage et l'aspect fumé du bacon. C'est le succès de la soirée comme prévu.

Vin n°4 :  Alsace, Domaine Zind-Humbrecht, Heimbourg Gewurztraminer SGN 1989
Pas d'informations sur oeno alsace. 13,8° et suffisamment de sucres 34 ans après pour supposer au moins 18° d'alcool potentiel. Trouvée aux enchères il y a deux ans.

Le nez est révélateur du cépage (rose, litchi) sur un fond de rôti du botrytis. La bouche trouve un pot-pourri de fruits eoxtique confit traversé par une jolie tension et une attaque sucrée mais intégré et digeste. Seule la longueur est un peu courte mais les néophytes ont pu se rendre compte que ça restait une production dans l'absolu exceptionnelle.

L'accord avec la jolie tarte aux fraise fonctionne bien.

Ilroulegalet écrit:

Une fois n'est pas coutume, ma sélection n'a concerné que des vins français - 



 

Il y avait tout de même un vin corse ! (pardon Marc)

Blague à part, belle sélection hors des sentiers (re)battus

mgtusi écrit:

Ilroulegalet écrit:

Une fois n'est pas coutume, ma sélection n'a concerné que des vins français - 




 

Il y avait tout de même un vin corse ! (pardon Marc)

Blague à part, belle sélection hors des sentiers (re)battus

Merci Michel.

Les régions sont peut-être peu connues mais les producteurs sont des valeurs archi-confirmées tout de même. La seule véritable originalité est d'avoir placé un vin de voile sur le plat principal alors que mes camarades n'étaient pas particulièrement gastronomes. La classe de Macle a fait le reste.

Ce week-end de 3 jours aura été encadré par deux dîners chez moi. Cette fois-ci, ce sont les vins étrangers qui furent mis à l'honneur.

C'est un champagne qui aura lancé les hostilités : 

Champagne, Laherte Frères - Les Vignes d'Autrefois - 2018
100% Pinot Meunier, pas de FML. Dégorgement 11/2021, 2g/L de dosage. Sourcé sur la Route des Blancs.

Nez très expressif de fruits mûrs alternant entre fruits rouges (fraise écrasée, framboise) et pêches/prunes septentrionales (mirabelle, reine-claude) avec une pointe de pomme. S'y glisse un petit parfum de forêt à l'automne. C'est un joli nez qui respire la maturité du fruit mais avec de la profondeur et une structure sous-jacente. La bulle crépite finement.
En bouche, la mousse est onctueuse et dynamise un jus gorgé de soleil qui n'oublie néanmoins pas d'imprimer une impression de sol sur la langue via des sensations épicées d'anis et de... fenouil.
Le vin me rappelle le 100% Meunier d'Egly-Ouriet (Les Vignes de Vrigny) par cette générosité bien équilibrée et gourmande.

En conclusion, un bien joli champagne dont la générosité est à l'antipode de la mode des champagnes non-dosés et susceptible de rallier tout le monde avec plus de complexité qu'un BSA de maison.

Allemagne, Palatinat, Weingut Müller-Catoir - Riesling Haardter Bürgergarten « Im Breumel » GG 2008
Toutes les données techniques sont sur le site du domaine.  Le millésime 2008 titre 14.5° et a été trouvé sur IDW. C'est l'un de mes premiers riesling palatin dont la réputation est excellente mais le style est très très différent des rieslings mosellans. Pierre a posté des CR des 2018 et 2015 les estimant à attendre avec un excellent potentiel. Si le style a changé entre temps (les niveaux d'alcools ont baissé), ma bouteille tendrait à valider ce constat. En accompagnement d'un ceviche de bar aux agrumes.

Le nez présente des arômes de fruits jaunes et à noyau très mûrs (mangue, fruits de la passion, pêches), tant et si bien que ça passerait pour un coteaux du Layon. En revanche, la bouche est sèche avec un bel équilibre où la structure acide et minérale apporte un solide contrepoint à la maturité du fruit. Il semblerait que le vin a atteint son plateau de maturité et il m'a semblé être bien solide encore pour quelques temps. La longueur en bouche est excellente et agréable.

L'accord avec le ceviche était top, le fait que le vin ne soit pas trop acide a permis au plat de pleinement s'exprimer.

Suisse, Valais, Christophe Abbet - Cornalin 2019
Cépage autochtone du Valais qui a la particularité (il me semble) de produire une année sur deux. Le producteur a une petite surface qu'il bichonne et fait partie des grands vignerons valaisans. Son style est singulier et ses cuvées non filtrés (gros dépôts à décanter dans ses bouteilles). En accompagnement d'un boeuf bourguignon.

La robe est trouble et dense. Le nez est réservé à l'ouverture puis développe des arômes de cacao et de confiture de fruits noirs. La bouche présente un volume d'une grande finesse qui n'empêche de faire passer ses arômes de fruits noirs, chocolat ainsi qu'une impression de roche noire (hédonique). C'est joli, fin & digeste (12,7°) mais peut-être un peu monocorde. J'ai un meilleur souvenir de l'humagne 2016 qui avait un trait de végétal noble d'excellent effet pour accompagner le gibier.

Il y a accord sur la palette aromatique mais le vin manque un peu de puissance et de diversité pour accompagner le boeuf bourguignon.

Allemagne, Nahe, Weingut Dönnhoff - Niederhauser Hermannshölle Auslese 2018 (37,5 cl)
Non prévue à l'origine, mes hôtes ont réclamé une bouteille supplémentaire pour accompagner une magnifique tarte tatin faite maison. L'un de mes producteurs favoris et c'est son Prädikat maximum de la gamme régulière, sur le plus grand terroir de la région de surcroît. A ma grande surprise, pas eu besoin d'aération pour être superbe.

C'est du typique Dönnhoff avec cet équilibre génial où toutes les composantes sont exactement là où elles doivent être pour que ce soit délicieux. Il y a plus de liqueur que dans les Spätlese évidemment mais paradoxalement l'éclat cristallin en deuxième partie de bouche n'a jamais été aussi net (par exemple, comparé au Felsenberg Spätlese VST 2013).

Par-dessus le marché, l'accord fonctionne très bien avec la tarte tatin qui n'est pas trop sucrée.

Merci de m'avoir lu. 
 

"Cette fois-ci, ce sont les vins étrangers qui furent mis à l'honneur."

Merci Sven pour les CR de ces deux repas.
Dans ce second, je note donc que le Champagne n'est pas du vin... ou n'est pas français 

jlj

pêches septentrionales (mirabelle, reine-claude)

Prunes plutôt 

Un nouveau repas a eu lieu chez moi autour d'un filet mignon en croûte (fondue d'oignons rouge dans la pâte), avec sa sauce forestière, patates et betterave (qui s'est bien accordée à ma surprise). Des vins étranges et étrangers ont encore été mis à l'honneur et servis à l'aveugle à mes hôtes épicuriens (et novices en vin). Comme toujours les bouteilles sont épaulées plusieurs heures avant et l'évolution est décrite le cas échéant. Verre C&S Open'up grand.

Luxembourg AOP Moselle Luxembourgeoise - Crémant de Luxembourg, Domaine Laurent & Rita Kox (L&R) Kox, Cuvée Blanc de Noirs Brut 2018
12,5°.  Fiche du domaine.  Méthode traditionnelle incluant pour l'essentiel du cépage "Saint-Laurent" (le même que celui de la cuvée Vom Steim d'Umathum) replanté à partir de 2004 ainsi que du PN. Pas vu de date de dégorgement sur la bouteille. Ne trouvant pas le cahier des charges précis (la source Wikipedia étant un lien mort), il n'y a pas d'obligations trop restrictives, notamment sur les rendements, la liqueur de dosage, les vins de réserves et les élevages.

Robe transparente à reflets saumonés (classique). Fin cordon qui s'évanouira rapidement visuellement. Nez de brioche aux fruits confits façon stollen. En bouche, les arômes sont d'une lisibilité transparente et accessible : abricot, pêche, groseille etc... Bref c'est vineux fruité et ces arômes se fondent dans une saveur de bonbon arlequin lors de la finale. La petite bulle apporte la touche stimulante de fraîcheur. La densité est en revanche faible, à mettre probablement en relation avec les jusqu'à 115 hl/ha autorisés par le cahier des charges. C'est sapide, digeste et accompagne parfaitement l'apéro.

Une vrai bulle sans prise de tête, agréable et rafraîchissante sur le fruit et qui offre une prestation dans sa catégorie analogue au riesling trocken de Dönnhoff : simple, direct, facile et réjouissant pour un tarif acceptable.

Allemagne, Baden, Weingut Martin Wassmer - Schlatter Spätburgunder SW 2014
13,5°.  Fiche du domaine.  Le domaine ne faisant pas partie du VDP n'est pas tenu d'appliquer ces réglements mais cette cuvée serait une entrée supérieure dans la gamme "Ortswein" en équivalent VDP. Il semblerait que ce soit les barriques déclassées du " Maltersergarten" à Schlatt, estimable cru sur sol calcaire et de loess entre Rhin et Forêt-Noire.

Robe qui commence à tuiler sur les bords et assez transparente qui envoie rapidement vers le pinot. Le nez se développera le long de la soirée avec le fruit rouge et noir de plus en plus présent au côté du boisé (caramel, chocolat) présent mais intégré. En bouche, l'amertume assez forte que je suppose être liée à la réduction disparaitra au bout de 30 min et le vin développera de plus de plus de gourmandise sur un support boisé généreux mais qui m'a semblé équilibré par rapport à la matière.
Les arômes de confitures de fruits noirs sont présents aux côté d'arômes plus tertiaires (humus et champignons) ainsi que du caramel salé.

La tablée identifie rapidement le PN, prend du plaisir et suppose que c'est un côte-de-nuits. Personnellement, j'y trouve un style différent et qui semble avoir trouvé là un équilibre plaisant pour un millésime estimé ardu dans la région.

La sauce forestière est une très belle interface entre le filet mignon en croûte et le vin, nous nous régalons.

Jura, Arbois, Domaine des Notes Bleues - Savagnin ouillé 24 mois d'élevage
12,5°. Merci à Zapata de Vignalis qui m'a fournit la bouteille ainsi que les  détails  de la cuvée. L'intégralité des fiches techniques se trouve également  ici.  Viticulture bio, assemblage de parcelles de savagnin et élevage prolongé en barriques et fûts entre 225 L et 500 L. Vin ouillé.

La robe est turbide. A l'ouverture se manifestent réduction au nez et amertume en bouche. Ceci se rééquilibre à l'air et on trouve effectivement un vin fort plaisant : le toucher et la texture de bouche soyeuses m'évoquent dans une (légère) mesure Les Vignes de Mon père de Ganevat bue en décembre. Les arômes floraux et fruités (coing, fleurs blanche, prune et orange mûres) ainsi que le gras enrobant peuvent suggérer un vin à sucre résiduel, ce qui n'est pas le cas puisque la colonne vertébrale acide se manifeste fermement en deuxième partie de bouche tout en demeurant enrobée dans le gras.
L'expérience est tout à fait très jolie et généreuse. La cuvée Traminer de Tissot présente moins d'enrobage pour comparer. Ma tablée a également beaucoup aimé.

Allemagne, Rheinhessen, Weingut Hemer - Silvaner Eiswein 2016
8°.  La Bioweingut  Hemer me semble être d'après mes recherches un producteur certifié bio qui vise l'entrée de gamme (aucune bouteille à plus de 16€ sur wine-searcher). La contre-étiquette de ma 1/2 d'ailleurs précise "vertrieben durch XXX" (commercialisé par...), et ça me semble similaire au business de la MDD des supermarchés dans le principe. Le fait de ne pas avoir de commercialisation directe renforce également cette supposition.
Cela dit cette bouteille est un Prädikat et présente un numéro d'AP, ce qui certifie que le process a été respecté, sans chaptalisation ni manipulation (raisin cueillis et pressés par en dessous de -8°). C'était un cadeau d'un ami allemand reçu précédemment.

La robe est de la couleur d'un abricot très mûr et éclatant sans être fluo, le liquide est évidemment visqueux ne laissant guère de doute qu'il y aura du sucre. Le nez est vraiment celui d'un sylvaner dans sa version la plus simple et "contestable" : l'abricot à la cassonnade domine nettement.
En bouche, c'est là aussi l'abricot à la cassonnade qui s'arroge le devant de la scène mais l'acidité du style annihile le sucre, la longueur importante rend l'expérience tout à fait plaisante. Mes camarades sont très enthousiastes et apprécient la découverte du style de vin même si personnellement j'y trouve un gouffre avec les eisweins des enchères issus de riesling que j'ai pu déguster (le Grünhaus Herrenberg cette année, Dr. Crusius traiser 2007) auparavant sur quasiment tous les plans. 
Bon, le ratio de prix doit être entre 7 et 20 aussi (et je me suis bien gardé d'expliquer tout ça à mes hôtes, le plaisir qu'ils ont pris étant trop évident et sincère pour faire le "jamais-content").