Bonjour,
Rappel de l'avancée de mon parcour: Après avoir demandé en avril la liquidation de l'astreinte et après avoir attendu après 3 reports les fameuses conclusions de l'avocat de 1855, il me paraît instructif de vous les faire partager sur ce forum:
" PLAISE A MADAME, MONSIEUR LE PRESIDENT
En 2007 et 2008, Monsieur Joël a passé commande auprès de la société 1855 de
diverses bouteilles de vins de primeurs 2006 pour un montant total de 778,60 euros à
savoir :
3 bouteilles de Château Pavie Macquin 2006
3 bouteilles de Château Haut Bailly 2006
8 bouteilles de Château Pontet Canet 2006
6 bouteilles de Château Calon Ségur 2006
Pour l'acquisition des vins en primeurs, le principe, dans la mesure où les vins, au
moment de la commande, ne sont pas en bouteilles mais «travaillent) et
« vieillissent)) en futs et barriques dans les différents châteaux, est que la 1ivraison
doit intervenir dans au cours du premier semestre suivant la deuxième année du
millésime concerné.
Ainsi, le 2004 est livrable au 1" semestre 2007, le 2005 au 1" semestre 2008, le 2006 au
1" semestre 2009 etc ....
La société 1855 a rencontré des difficultés pour livrer les bouteilles; lequel a fait alors
délivrer assignation devant le Tribunal d'Instance de Céans à la société 1855.
Par ordonnances en date du 28 juin 2011 et 4 octobre 2011, le Tribunal d'Instance de
Céans a condamné la société 1855, alors qu'elle n'était ni prèsente ni reprèsentée, à
livrer les 20 bouteilles sous astreinte de 10 euros par jour de retard et par bouteille.
Aucune Livraison n'étant intervenue, Monsieur Joël a, à nouveau, assigné la
société 1855 devant le Tribunal d'Instance de Céans par acte d'huissier en date du 17
avril 2012.
Monsieur Joël demande aujourd'hui de :
liquider l'astreinte à la somme de 45.400 euros;
condamner la société 1855 à payer la somme de 2000 euros sur le fondement
des dispositions de l'article 700 du Code de Procédure Civile.
Cest en l'état que L'affaire se présente devant vous.
DISCUSSION
a) Sur le principe de la liquidation de l'astreinte
La loi n° 91-650 du 9 juillet 1991 relatve aux procédures civiles d'exécution (qui fait
actuellement l'objet d'une question prioritaire de constitutionnalité pendante devant
la Cour de Cassation), et son décret d'application n° 92-755 du 31 juillet 1992 (modifié
par le décret nO 96-1]30 du 18 décembre 19%) ont apporté des modifications
sensibles au régime de l'astreinte.
Il convient de remarquer que la loi du 9 juillet 1991 n'a pas abrogé les textes
antérieurs qui ont institué des régimes particuliers d'astreinte. n en est ainsi
notamment de la loi nO 49-972 du 21 juillet 1949 relative aux astreintes fixées par les
tribunaux en matière d'expulsion.
Cette loi, qui déroge sensiblement au dro it commun de l'astreinte, d'une part parce
que les astreintes prononcées pour obliger l'occupant d'un local à quitter les lieux
«ont toujours un caractère comminatoire)) (elles sont donc provisoires) et doivent être
révisées et liquidées par le juge une fois la décision d'expulsion exécutée, d'autre part
parce que le montant de l'astreinte liquidée ne peut excéder la somme compensatrice
du préjudice effectivement causé, est donc toujours en vigueur.
Pour autant, l'astreinte, qui a pour but d'assurer l'exécution des décisions de justice
par le prononcé d'une condamnation pécuniaire accessoire et éventuelle. n'est pas
une modalité de l'exécution forcée des jugements (Civ. 2, 16 juillet 1992, Bull. n° 207,
p. 103), et les dispositions qui la régissent conservent leur autonomie au sein de la loi
du 9 juillet 1991.
Voici deux illustrations de cette autonomie:
puisque le juge de l'exécution tient de la loi des compétences particulières en
matière de prononcé et de liquidation d'astreinte, il peut être saisi à cette fin en
dehors de toute procédure d'exécution engagée. Etant observé au surplus qu'avant sa
liquidation aucune astreinte ne peut donner lieu à une mesure d'exécution forcée
(article 53 du décret du 31 juillet 1992), la délimitation ratione temporis de la
compétence du juge de llexécution, telle qu'ellee a été énoncée par I'avis rendu par la
Cour de cassation le 16 juin 1995 (n• 9, p. 6) confinné ultérieurement par des arrêts de
la deuxième Chambre civile (11 juin 1997, Bull. n• 183; 9 juillet 1997, Bull. n• 226),
n'est évidemment ici pas applicable;
- la décision qui liquide l'astreinte est exécutoire de plein droit par provision (article
37 de la loi), et on sait qu'en cas d'appel, le premier président n'a pas le pouvoir
d'arrêter l'exécution d'une décision exécutoire de droit.
Sous le bénéfice de ce rappel, on doit souligner que la loi du 9 juillet 1991 a
consacré le pouvoir d'appréciation du juge appelé à liquider l'astreinte.
Ainsi, llastreinte, qu'elle soit provisoire ou définitive, est supprimée en tout ou en
partie si l'inexécution ou le retard dans l'exécution provient, en tout ou en partie,
d'une cause étrangère. Cette notion de cause étrangère semble plus large que les
seuls force majeure et cas fortuit mentionnés à l'article 8 de la loi de 1972, car elle
pourrait être consid~réc comme englobant le fait du tiers et le fait du créancier.
Sous l'empire de la législation antérieure, la troisième Chambre civile (7 novembre
1990, Bull. n• 217, p. 125; Rev. Trim. dr. civ. 1991, p. 535, note Mestre) avait retenu la
cause exonératoirc tirée d'une «situation d'impossibilité d'exécution» causée par un
agissement imputable au débiteur de l'obligation.
Et si la décision du juge assortie de l'astreinte a été exécutée, il n'y a pas lieu à
liquidation (Civ. 2, 9 juillet 1997, n• 954 D; Rev. «Procêdures», oct. 1997, p. 6).
En outre, si la loi de 1972 autorisait le juge à modérer ou à supprimer l'astreinte
provisoire, même en cas d'inexécution constatée, l'article 36 de la loi de 1991 oblige
désonnais le juge qui liquide le montant de l'astreinte provisoire à tenir compte «du
comportement de celui à qui l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a
rencontrées pour l'exécuter».
Cette obligation, à laquelle est ainsi sownis le juge de tenir compte de la faute du
débiteur de l'obligation, doit le conduire à motiver sa décisÎon, si bien que la
deuxième Chambre civile considère désormais, en ce qui concerne l'étendue de son
contrôle, que la fixation du montant de l'astreinte ne relève plus d'un pouvoir
discrétionnaire du juge qui le dispensait de motivationl comme il était admis
jusqu'alors (Civ. 3, 9 novembre 1983, Bull. n• 219, p. 167; 1ère Civ. 22 novembre 1988,
Bull. n• 323, p. 219; Soc. 25 septembre 1990, Bull. n• 378, p. 227; Civ. 2, 20 février
1991, BuH. n° 58, p. 31), mais dlun pouvoir souverajn, que la deuxième Chambre a
étendu à l'appréciation de la cause étrangère (25 juin 1997, Bull. n° 202, p. 118).
Ce pouvoir souverain, affirmé notamment par des arrêts du 27 mars 1996 (nO 332 D),
3 juillet 1996 (Bull. II, n° 193, p. 118, D. 1997, 231, note L. Boré), 25 juin 1997 (n° 904 D)
et du 8 octobre 1997 (M. 95-18.491 Guilbert) se distingue du pouvoir discrétionnaire
en ce sens que la décision doit comporter des motifs dont l'existence, mais non la
valeur, est vérifiée par la Cour de cassation.
Si le juge peut décider comme il l'entend dans le cadre des critères d'appréciation
fixl!s par la loi, encore faut~il que les motUs de sa décision soient en rapport avec ces
crilères.
On rappellera à cet effet que le juge peut conserver le taux multiplicateur (Cass.civ,
1ère, 22 nov.1998, Bull.Civ, l, n0323), le diminuer jusqu'à l'anéantir (Cass.Civ, 3èO"le, 18
mars 1987, Gaz.PaI, 2, Pan.147).
Une astreinte peut même être liquidée à l'euro symbolique (Cass.com, 8 déc.1998,
Jcp G 1999, IV, 1169).
En l'espèce, l'exécution est impossible dans la mesure où les rêférences sont
indisponibles 1 (pièce n01)
Faisant application des principes susvisés, et donc de ses pouvoirs d'appréciation
comme d'interprétation (Civ. 2, 11 juillet 1994, nO 877 D), il plaira au Tribunal de
liquider à de plus justes proportions l'astreinte.
b) Sur le montant de l'astreinte
Ainsi qu'il a été expliqué et développé ci-avanl, il y a assurément place, dans les
circonstances de l'espèce, pour une réduction significative du montant de l'astreinte
dans la mesure où toutes les bouteilles sont indisponibles, et que le montant initial de
la commande est de 778,60 euros.
Au demeurant, dans des circonstances assez analogues, le juge a statué en ce sens :
Ainsi :
- par jugement en date du 23 janvier 2012 (pièce n'2), le Juge de l'Exècution du
Tribunal de Grande Instance de PARlS a estimé que:
« Aux lennes des articles 33 li 37 de la loi du 9 juillet 1991, l'astreinte est en principe
liquidée par le juge de l'exécution qui tient compte du comportement de celui à qui
l'injonction a été adressée et des difficultés qu'il a rencontrées pour 1'exécuter. Ainsi,
l'astreinte est une menace de condamnation pécuninire virtuelle qui ne se concrétise qu'en cas
d'inexécutio1l ou d'exécution tardive d'une décision de justice exécutoire puisque sa finalité
est précisément d'obtenir l'exécution de cetle décision.
Par définition dissuasive ou comminatoire, l'astreinte n'est pas Jonction du préjudice subi par
le créancier mais de la capacité de résistallce du débiteur. lA liquidntion de l'astreinte,
c'est-à-dire l'évaluation du montant dû par le débileur récalcitrant, qui néoessite une oouvelle
saisine du juge, ne consiste 1!.as à sim1!.lement 1!.rocéder à un calcul mathl!mati!lue en
multil!,liant son taux I!.ar le nombre d'infj'actions constatées ou de jours sans
exécution mais à al!J!.récier les circonstances !lui ont entouré l'inexécution,
notamment la bonne ou la mauvaise volonté du débiteur.
( ... )
Il résulte des déclarations concordantes des parties que l'ensemble des bouteilles ont été livrées
à M.CHUNG à l'exception des 24 bouteilles de Carruades deLafite Rothschild 2007.
U, SA 1855 fait valoir qu'elle est dans la mesure où ell"s sont indisponibles.
Et, compte tenu de ces éléments~ le juge a condamné la société 1855 à verser à
Monsieur CHUNG une somme de 1.500 euros en lieu et p:lace du montant
théorique de l'astreinte fixé à 45.000 euros.
- par jugement en date du 15 mai 2012 (pièce n'3), le Tribunal d'Instance du 1~
arrondissement de PARIS. liguidé une .streinte théorigue de 18.000 euros à 1.500
euros.
En outre, il convient de souligner que la société 1855 ne peut se procurer lesdites
bouteilles chez les sites internet concurrents.
En effet. selon les conditions générales de vente des sites marchands concurrents
{Rièce n04)~ les offres sont excJusivement réservées à la clientèle p:articulière( ~
l'exception des revendeurs professionnels.
Ainsi, l855 société p:rofessionnelle ne peut acheter les marchandises présentées
chez ses concurrents.
En considération des éléments susvisés, le montant -théorique de l'astreinte - s'élève
dans les dernières écritures de Monsieur Joël à la somme de 45.400 euros, soit
une somme représentant plus de 58 fois le montant de la commande initiale.
Toutefois, ainsi qu'il a été expliqué et développé ci-avant, il y a assurément place,
dans les circonstances de l'espèce, pour une réduction significative du montant de
l'astreinte.
Par ailleurs, on ne peut s'interdire de raisonner par analogie avec les solutions
dégagées en matière de clause pénale, quand bien même, il est vrai, une astreinte
n'est pas juridiquement une clause pénale.
Toutefois, si la clause pénale doit être exécutée telle qu'elle a été voulue par les
parties, l'article 1152 al 2 du Code civil dispose que «Néanmoins, le juge peut, même
d'office, modérer ou augmenter la peine qui avait été convenue, si elle est manifestement
excessive ou dérisoire. Toute stipulation contraire sera réputée non-écrite lt.
Assurément le Président considèrera que liquider une astreinte à un montant de
45.400 euros, ne répond pas aux exigences posées par la doctrine et la Cour de
Cassation.
Faisant droit à cette position, le Président pourrait ainsi liquider l'astreinte à de plus
justes proportions.
27 / 09 2012 17:53 FAX
Vu la loi du 9 juillet 1991,
Vu les pièces,
PAR CES MOTIFS
CONSTATER que les bouteiUes de vins sont indisponibles chez 1855
~0009 / 0031
CONSTATER que la société 1855 ne peut se procurer les références litigieuses chez
ses concurrents
LIQUIDER le montant théorique de l'astreinte à de plus justes proportions
STATUER ce que de droit quant à l'article 700 du Code de Procédure Civile en
ramenant la demande à de plus justes proportions
STATUER ce que de droit quant aux dépens.
PIECES COMMUNIQUEES
Pièce n01 : captures d'écran
Piéoe n"2 : JEX PARIS, 23 janvier 2012
Pièce nOJ: TI 1er arrondissement de PARIS, 15 mai 2012
Pièce n04 : conditions générales de vente wineandco, vinatÎ5, millesima"
FIN DES CONCLUSIONS
Le tribunal devait rendre son jugement ce mardi mais il a prolongé son délibéré. WAIT AND SEE .....