2021 par Vincent Dancer et des assemblages inédits
J2, première dégustation de la journée. Direction Chassagne-Montrachet pour un vigneron que nous retrouvons toujours avec plaisir tant ses francs échanges nous ont toujours apporté une perspective complémentaire et ses vins régulièrement séduits.
- Monsieur Dancer bonjour. Depuis notre arrivée sur la région le sol semble plutôt sec.
- Bonjour. Il n'y a pas beaucoup d'eau effectivement. Il a fait chaud et sec, surtout sec.
- Les températures ont bien augmenté ces derniers jours. Le cycle a dû s'accélérer.
- La plante s'adapte mais pas aussi vite.
- La sécheresse actuelle diffère de 2021 où il a beaucoup plu. En Loire, il pleuvait jusqu'à mi-fin Juillet.
- La pluie, il y en a eu mais pas plus que sur la moyenne décennale Bourguignonne. Ca a duré jusqu'à Juillet, pas plus, heureusement. Ce n'est pas une année exceptionnelle en terme de pluviométrie donc. L'hiver Bourguignon a ensuite été déficitaire. Allons goûter 2021.
Bourgogne
Un léger amer en entame. Le bas de bouche est très sec, vif et bien délimité. Des notes de fougère et une pointe saline. Du plus bel effet pour un vin qui commence notre journée. Et je vois camarade Paul hausser ses deux sourcils et hocher de la tête en guise de satisfaction.
AB+/B
Agir contre le gel?
Chassagne-Montrachet
Une petite réduction aux nasaux. Sur les papilles, le noyau est presque confit, sur la prune jaune et le citron confit. L'enveloppe du vin n'en est pas moins dynamique, au contraire, elle tend un filin bien vertical. Le 3ème temps révèle un fond sur des notes de tilleul. Un Chassagne tendu, net, avec une belle constitution.
B+
- Quel est votre niveau de pertes sur 2021?
- -70%. On a fait un peu d'achat de raisins.
- Aïe. Même sur les rouges, le pinot est souvent plus tardif?
- Il a un peu moins gelé mais Pommard et Beaune ont été bien touchés. Les jeunes vignes étaient déjà dans leur bourgeon d'hiver et les bourgeons des vieilles vignes déjà dans leur coton.
- Et il a gelé de nouveau début Mai.
- On ne l'a pas vraiment vu car il n'y avait plus de feuille
.
- Avez-vous adapté des choses pour diminuer les risques au gel? Une taille plus tardive?
- Effectivement, c'est d'ailleurs pour cela que la mise des 2020 ne se fera pas tout de suite. Nous sommes occupés dans les rangs.
- N'existe-t-il pas d'autres moyens pour lutter?
- On peut asperger les vignes mais il faut beaucoup d'eau. On peut remuer l'air mais si la masse au dessus est trop froide, c'est inutile. On pourrait également mettre des fils chauffants mais il faut un groupe électrogène. Il y a plein de moyens mais il faut avoir une vraie réflexion en amont. Si c'est pour polluer ou gâcher des ressources, cela ne m'intéresse pas. Il faut 400 bougies par ha. Outre le coût financier, il existe le coût écologique. Est-ce qu'on accepterait qu'une grosse entreprise nous rejette toute sa fumée noire? A la limite, dans des endroits où il n'y a pas de circulation d'air, on peut mettre très ponctuellement une éolienne ou des bougie pour faire de la convection. Mais cette mise en place est très compliquée. On ne sait que 1 ou 2 jours à l'avance quand il va geler et de quelle sorte de gel il s'agit. Si c'est comme 2021, ce n'est pas la peine de se lever. Et si on déploit toutes ces mesures systématiquement, ce n'est pas viable.
- Il y a eu les feux de paille.
- Les scientifiques ont dit que ce n'était pas utile. Ca a été interdit. Après, c'est dans la nature de l'homme de vouloir faire quelque chose pour lutter. Au moins il a essayé.
Meursault les Corbins
Un nez plus expressif sur les écorces d'agrumes vert, le lys et l'oeillet. L'attaque est moins végétale, sur un citron acidulé qui remonte doucement mais sûrement du bas de bouche. De l'écorce de coco apparaît ensuite au même moment que le grip tanique s'exprime.
B+/TB
- Vous avez peut-être chaptalisé sur 2021?
- Ah non, cela fait longtemps qu'il n'y a plus d'intrant, pas de sucre, pas d'acidifiant et de moins en moins de soufre. Lorsqu'on choisit d'aller vendanger, ce n'est pas pour ajouter du sucre ou de l'acidité ensuite. C'est facile de faire un vin "minéral", vous mettez plein de SO2 et c'est fini. Mais ce n'est plus l'expression du terroir ni de l'année.
Le fruit des plantations à Nantoux
- Toutes les malo sont faites?
- Oui, dans la foulée des vendanges et de la première fermentation.
- Vous aviez déjà eu une année où les sucres mettaient du temps à se finir.
- On en a moins sur 2021. Tout les sucres ont terminé leurs degrés. A la manipulation, les raisins étaient moins accrochants que sur une année solaire.
- Avec un tel décalage de saison, comment vous êtes-vous organisés?
- On a eu le temps début Septembre de faire ce que l'on faisait dernièrement début Août.
Meursault les Grands Charrons
Un nez plus ouvert également. On odore un léger arrondi de brioche lié à l'élevage. En bouche c'est hautement précis et hautement placé. De l'ananas frais, de la droiture et de la verticalité avec la pulpe et le zeste de kumquat. Une fine et consistante matière à la fois. Et en final un ressort, une virgule végétale qui achève de chorégraphier ce vin.
TB c'est décidément très régulièrement à notre goût, peu importe le millésime.
- Avec le gel, entre les plants qui ont résisté et ceux qui ont été touchés, vous avez dû avoir des grandes différences de maturités?
- C'est le cas même lorsqu'il ne gèle pas. L'année dernière, ce n'était pas un gel qui n'a impacté que le haut ou le bas. Tout a été touché. Pas de différence de maturité donc.
- En 2016, ce fut le cas.
- Oui et il a ensuite fait chaud et sec. Mais en caricaturant, ce n'était peut-être pas si mal de mélanger des raisins solaires avec le reste.
Bourgogne n°2
- Pourquoi un autre Bourgogne?
- Il est issu des vignes que nous avons plantées sur Nantoux en 2019. L'endroit est une pelouse calcaire, sur de la roche fissurée. C'est la première année que nous en faisons.
L'enveloppe est plus douceureuse mais il existe une sacrée nervure centrale sur le citron vert qui procure de la précision. Prometteur
B-.
- Sur Nantoux, vous ne vouliez pas planter de la Syrah à un moment?
- Il est difficile de bousculer les règles mais au regard de l'évolution climatique, il faudra bien s'adapter.
La nouvelle génération
- Quels sont vos projets actuels?
- Je fais un peu de négoce avec le fiston. C'est bien il est prévoyant et débrouillard, il a déjà monté sa structure. Je ne l'aurais probablement pas fait au même âge
. Nous faisons des achats de Savagnin, de Pinot Gris, de Gamay et de Gringet, uniquement chez des vignerons qui ont la même façon de travailler que nous.
- C'est élevé dans la partie de la cave par laquelle nous sommes entrés? à côté?
- Oui, dans l'oeuf en grès il y a un assemblage Gringet + Marsanne + Roussane.
- Votre fils est définitivement revenu du coup?
- Oui, il travaille ici désormais. Il a passé 2 années chez Trévallon et il est ici depuis Mai/Juin 2021.
- Votre épouse et vous devez être contents de son retour?
- J'imagine oui
Au moins on n'aura pas donné une mauvaise immage du métier.
Chassagne-Montrachet, 1er cru Morgeot
De l'eau d'ananas, de la main de bouddha, de petites perles de citron caviar. La netteté et la concentration sont comparativement un peu moins précis que sur les Charrons.
B+/TB
- Ce sont vos vignes en haute densité.
- 20 000 pieds par ha.
- En êtes-vous satisfait?
- Les constats sont différents. Cela pose davantage problème lorsqu'il y a du stress hydrique. Il y a peu à boire pour beaucoup plus de monde. Et les pieds sont individuellement plus fins et moins rigoureux. Il y a un équilibre à avoir. La logique reste bien d'aller trouver +, d'avoir une partie végétale plus concentrée pour des fruits plus concentrés.
Un Meurssagne 1er cru?
Chardonnay sans nom
"Le vin n'est pas tout à fait fini."
Une robe un peu trouble. Un nez réduit mais une bouche qui impose d'emblée une pleine stature, dès les premières millisecondes. C'est salivant, un volume XXL. C'est à la fois confortable en entame, pierreux et armé d'une vive relance en haut de bouche. La périphérie est très salivante sur la peau de kumquat et yuzu.
Exc
- C'est très très bon. Qu'est-ce?
- Je ne sais pas encore comment l'appeler
C'est un travail d'assemblage des nos premiers crus et notre Grand Cru.
- Perrières, Chevalier, Tête du Clos et Romanée?
- Exact.
- C'est sur 2 villages, donc pas la possibilité de l'appeler Chassagne ou Meursault 1er cru. Un Meurssagne?
- Hermitage de Chardonnay
. Je verrai.
- Nous espérons que vous n'en aurez pas souvent. Vous n'avez pas été tenté de les garder séparer même avec de faibles volumes?
- Les raisins étaient jolis mais je n'aime pas travailler Chevalier dans un feuillet ou Perrières dans un demi-tonneau. Et c'est compliqué à presser. Avant le pneumatique, pour de si petits volumes il fallait un pressoir à cliquet, ce que personne n'avait. Sur les Vaslins, les plateaux sont prévus pour se rapprocher mais pas pour rentrer en contact. Une partie de fruits n'est donc pas pressées lorsque les quantités sont faibles. Avec les pneumatiques, la membrane permet de presser seulement 100 kg si on le souhaite, mais ça n'a pas d'intérêt.
Les températures
Beaune, 1er cru les Montrevenots
Une robe transparente. Un bouquet floral, sur la pivoine. En bouche, les tanins sont très fins. On croque un bonbon à la pivoine et à la framboise.
B+/TB
- Vous avez changé quelque chose peut-être en 2021? Plus d'extraction?
- Non, non. On a fait comme d'habitude. Le début, la mise en cuve s'est faite sans couleur. On a vinifié sans remontage et peu de pigeages pour ne pas extraire ce que l'on ne souhaite pas. Et il n'y a pas eu de jeu de température.
- Pas de chapta si j'ai bien suivi.
- Non, zéro depuis 2007.
- Lorsque vous dîtes peu de pigeages...
- 3 maximum au pic de fermentation lorsque le chapeau est sec. Sans SO2. La fermentation démarre vite ainsi. En 3-5 jours c'était fait.
- Pouvez-vous nous clarifier l'absence de jeu de température?
- La vinification doit se faire dans le respect de la température du fruit. Si vous allez vendanger en plein Août à 16h00, c'est sûr, vous allez ramener des fruits bouillants. Il faut donc déjà bien choisir l'heure. Ensuite dans les chais, la témpérature pose moins de problème car il y a de quoi avoir une meilleure hygiène des lieux et des installations aujourd'hui. Et pour la température des jus enfin, une fois le pic d'activité de fermentation passé, elle ne peut que baisser, pas besoin de refroidir, il n'y a plus de sucre.
Hautes-Côtes de Beaune
- Egalement plantés en 2019 sur Nantoux.
- Le type de terrain est similaire à celui du Chardonnay?
- Oui, ils sont côte à côte.
- C'est floral, ça semble plus concentré. Ca s'arrête peut-être un peu avant mais le volume est plus important en bouche.
NDLR: CR en direct au vigneron mais sans la note re- B-.
- C'est la même découverte pour nous. On se laisse le temps de voir si ça correspond à ce qu'on voit là-bas. Nous continuons d'y planter. Il faut d'ailleurs un tracteur avec chisel pour broyer le sol sur 30-40 cm et ensuite pouvoir planter.
Pommard village
Un toucher plus caillouteux, une once de noirceur en bas de bouche. Une longueur supérieure. L'ensemble reste très floral/gourmand, comme des pétales de rose cristalisées par le sucre.
B+
Pommard, 1er cru les Pézerolles
Lorsque les 3 vins précédents penchaient sur la fleur, celui-ci met les 2 pieds dans les fruits rouges vifs: de la frambroise, de la mûre, de la groseille, de l'airelle. Des notes de poivre gris et de pivoine relèvent le tout. C'est d'une élégance supérieure.
B+/TB
Si 2021 ne sera pas bon partout, nous savons déjà chez qui nous tenterons d'en avoir
Des blancs lumineux dotés d'un potentiel de garde et des rouges déjà très accessibles. Je crois d'ailleurs que Paul s'en pourlèche encore les babines. Nos remerciements réitérés à Vincent Dancer qui nous aura une nouvelle fois éclairé les choix et les gestes des vignerons d'une précieuse distance critique, jusqu'à son portail : "Ca n'a plus sens, le carbone, ce n'est pas l'air qui en a besoin. Et toute cette matière qui pourrait être réutilisée ailleurs." nous dit-il lorsqu'il aperçoit des ouvriers brûler des sarments sur des parcelles à proximité
. Le domaine, on ne risque pas de le lâcher, ni les vins, ni leur géniteur
.