Le moment, le millésime, la liqueur étaient ceux d'une vie. Venus conforter un ami désormais veuf, il nous a présenté deux verres de ce flacon (Vouvray 1921) . Celui-ci lui a été offert à l'occasion des vendanges d'un domaine vouvrillon (Boistard). Le vin arbore une couleur unie proche du thé, exhale un nez profond de litchi et de fruits exotiques qui dénote le chenin. La bouche d'abricot concentrée à l'extrême, toute en exubérance, se révèle transcendentale : la persistance, la profondeur de la liqueur, son onctuosité la distinguent d'un Haut-Lieu 1947 bâti sur un équilibre entre une trame acide et un botritys intense. Ici, le botrytis domine, parcourt le palais sans discontinuer ni le saturer.

Le deuxième flacon ouvert (Vouvray 1955) présente un profil plus classique des chenins âgés qui ont mangé leurs sucres. Le charme du nez mutin tout en parcours floral et exotique contraste avec une bouche acidulée en demi-corps qui s'étire avec moins de langueur que de vigueur. Là où le 1921 exprimait la chatoyance du chenin à son acmé dans un millésime hors normes, le 1955 pianote une tout autre partition, plus conforme dans son expression au Huet, Le Mont, demi-sec, 1952 du réveillon, avec un surcroît de netteté et d'incisivité, la présentation impeccable aidant (niveau et bouchon).

Le reste appartient à l'intime.