A la découverte des vins sud-africains – Deuxième partie
Après la partie culturelle, on passe à la pratique
.
Nous allons goûter un mousseux, un blanc sec, six rouges et le célèbre vin de Constance en liquoreux pour finir :
Rappel sur mes notations :
0 = raté 1 = médiocre 2 = correct 3 = bon 4 = très bon 5 = excellent
avec des demi points, des + et des – qui permettent d’affiner le jugement et de classer les vins entre eux
Nous commençons avec un vin qui a la particularité d’être produit à partir de 2 parcelles distinctes, l’une dans le district de Darling dans la Coastal Region, et l’autre dans le district de Robertson dans la région de la Breede River Valley.
Graham Beck, cuvée Clive 2015
Robe jaune pâle à reflets verdâtres. Bulle fine.
Nez ouvert, sur l’anis, la pomme verte, la brioche et le citron.
Attaque sur une bulle fine et souple, assez abondante. Belle fraicheur, petite amertume qui sied bien au côté anisé. Retro conforme au nez, avec en plus de la poire et une touche de miel en finale.
Belle longueur.
Bilan : mousseux très agréable, frais et élégant, qui a de la gnaque et une belle bulle.
3,5/5.
J’ai bien aimé mais la majorité des participants ont trouvé ce vin moyen, pas à la hauteur d’un champagne.
Voyons si le vin blanc plaira plus. Il s’agit d’un vin de Ken Forrester, le pape du chenin sud-africain. Nous avions très bien goûté cette cuvée FMC sur le millésime 2015, lors d’un match France-Afrique du sud sur le thème du chenin, dont le résultat avait calmé tout élan patriotique….
Ce vin vient du district de Stellenbosch, qui est le centre du commerce du vin en Afrique du sud et aussi une ville universitaire.
Stellenbosch, Ken Forrester FMC 2018
Robe jaune doré assez intense.
Nez ouvert, d’abord sur une petite réduction, puis riche, sur du grillé, pierre à fusil, citron, coing, pêche, fleurs blanches et vanille.
Attaque ample et ronde. Belle matière, ample, ronde, suave, bien équilibrée. Des SR se font sentir. Retro sur le grillé, le citron confit, le beurre, l’aubépine, la pâte de coing, et la pierre à fusil.
Belle longueur.
Bilan : bien fait, gourmand, dans un style rond bien élevé.
3,5/5.
Cependant à des lieues du 2015 bu il y a années lors du match chenin France-Afsud.
On passe maintenant aux vins rouges, en commençant par un vin du district de Wellington. Il provient de la plus vieille parcelle de cépage rouge en Afrique du Sud, plantée en 1900 en cinsault.
Wellington, Leeu Passant Old Vines Basson Cinsault 2017
Robe pourpre d’assez faible intensité.
Nez ouvert, fruité et floral à la fois, sur la ronce, l’écorce d’agrumes, du fumé, des fruits rouges.
Attaque souple et fraiche. Bouche très élégante, aérienne, avec des tanins très fins. Superbe texture, avec une belle fraicheur.
Retro sur les fruits noirs bien mûrs (mûre, cassis, myrtille), l’orange, la pivoine, des notes cendrées et du café, puis du poivron et des épices. C’est complexe à souhait, avec un trait végétal sur la ronce qui contribue à la fraicheur.
Finale fraiche, tout en élégance.
Très belle longueur.
Bilan : très beau vin, élégant, expressif et complexe. Enormément de plaisir avec ce vin loin du cliché « puissant et lourdaud » de certains vins du nouveau monde.
4,5/5.
Ca démarre fort avec les rouges ! Pourvu que ca dure !
On passe maintenant à une série de 3 syrah, parmi les plus réputées du pays.
La première bouteille est un millésime 2014. Sera-t-elle à point ?
Stellenbosch, Keermont topside Syrah 2014
Robe pourpre-brun, intense.
Nez assez ouvert sur les fruits confiturés, le fumé et le poivre.
Attaque ample et fraiche. Belle matière, énergique, ample, avec des tanins policés. Retro sur un fin lardé/cendré, le poivre, la violette, les fruits noirs confiturés et le graphite.
Finale sur les fruits cuits, le cuir et une touche d’encens, avec un côté alcooleux.
Très grosse longueur.
Bilan : une belle syrah, charnue, au caractère sombre, façon Cornas.
4/5. Ce vin est encore très jeune, et a probablement un gros potentiel d’amélioration avec de longues années de cave.
Le vin suivant est issu du très beau millésime 2017.
Stellenbosch, Reyneke Reserve red syrah 2017
Robe bordeaux-poupre, profonde.
Nez assez ouvert, sur les fruits noirs, un boisé agréable (tabac, fumé). Presque médocain.
Attaque ample et fraiche. Bouche puissante, tannique, plutôt virile. Ça se calme ensuite, pour livrer des beaux arômes de fruits rouges et noirs, finement poivrés et mentholés, avec aussi une touche plus froide (cendres, graphite).
Très long en bouche.
Bilan : très bon, dans un style puissant. Ca envoie !. Trop jeune et probable gros potentiel.
4/5.
La 3e syrah est également issue du millésime 2017 et provient du district du Swartland. Et si l’on en croit la description du site où je l’ai achetée, on va gouter la quintessence de ce qui existe en syrah : «
La puissance tellurique d'un grand Cornas, la complexité d'un grand Hermitage et l'intensité d'une grande Côte Rôtie. »
Swartland, Porseleinberg syrah 2017
Robe bordeaux-pourpre, profonde.
Nez ouvert, puissant, élégant, complexe sur les fruits noirs confiturés (cassis, mûre), le zan, le poivre, le café et une note camphrée.
Attaque ample et fraiche. Belle matière, ample, ronde, bien équilibrée, avec des tanins fins. Retro sur le cassis, le café, le fumé et les fruits noirs. La finale est plus portée sur le chocolat, la réglisse et les épices.
Très très long en bouche.
Bilan : très joli vin, bu dans l’enfance.
4+/5. Enorme potentiel. A revoir dans 10 ans minimum.
On quitte maintenant les syrah pour s’attaquer à un grand classique, le pinotage. Sur une bouteille qu’on espère à maturité, de l’excellent domaine Kanonkop.
Pour le premier groupe de dégustation, il s’agit du 2010. Pour le deuxième, ce sera le 2009 car il n’y avait plus qu’un exemplaire de 2010 à la vente.
Stellenbosch, Kanonkop Pinotage 2010
Robe pourpre-noire profonde.
Nez ouvert, sur les fruits cuits, le graphite, le tabac ; très bordelais.
Attaque souple et fraiche. Superbe bouche, expressive, aérienne, fondue, fraiche. Retro complexe sur les fruits cuits, les épices, le papier d’Arménie, le cuir, le graphite et un peu de pimenton en finale.
Très très long en bouche.
Bilan : juste superbe, à point.
Grand vin. 5/5
Ce vin a fait l’unanimité, il a provoqué de belles émotions chez tout le monde. Et pour moi c’est le plus beau vin de 2023 à date…
La barre est haute pour le millésime 2009 servi la semaine suivante avec le deuxième groupe…
Stellenbosch, Kanonkop Pinotage 2009
Nez ouvert, sur le fumé, le pruneau et le poivron rouge.
Attaque souple et fraiche. Belle matière, ample et fraiche, avec des tanins fondus. Retro sur le pruneau, l’humus, les fruits cuits, le fumé, avec une touche herbacée fraiche en finale.
Assez long en bouche.
Bilan : très bon, complexe, avec de belles notes tertiaires.
4-/5.
Mais il n’a clairement pas la magie du 2010
Pour finir la série des vins rouges, nous goûtons un vin que j’ai bien aimé sur des millésime antérieurs, à base de cabernet sauvignon, et qui présente souvent une note herbacée fraiche, qui a donné son nom à la cuvée : « The Mint » (la menthe).
Stellenbosch, Thelema The Mint 2014
Robe pourpre assez intense.
Nez ouvert, sur l’eucalyptus, le café et les fruits noirs.
Attaque souple et fraiche. Superbe bouche, souple et fraiche, élégante, avec des tanins fins. Retro sur les fruits noirs, l’eucalyptus, le menthol, le graphite, les épices douces et le poivron rouge.
Belle longueur.
Bilan : très bon à excellent, fin, expressif, élégant. Avec cette belle note herbacée et fraiche qui lui a donné son nom.
4,5-/5
Pour finir en beauté, nous goûtons le vin le plus célèbre d’Afrique du sud, le Vin de Constance, dans un millésime de prime jeunesse, le 2018.
Le ward de Constantia se trouve dans le district du Cape Peninsula, sur les pentes du Constantiaberg, une extension sud de la Montagne de la Table, et n'est qu'à 20 minutes du Cap.
Constantia, Klein Constantia, Vin de constance 2018
Robe jaune vieil or assez intense.
Nez ouvert, qui me fait immédiatement penser au biscuit Chamonix (gâteau à l’orange), puis viennent ensuite la rose, le litchi, le beurre, la mangue, l’abricot.
L’attaque est souple et ronde. La bouche est très fine, très élégante, avec une belle liqueur qui reste digeste (même si à mon goût un peu plus d’acidité serait bienvenu). On ne devine pas les 172 g/L de SR. Retro très complexe, sur la rose, l’orangette, le litchi, la mangue, la vanille.
Très belle longueur.
Bilan : très joli, unique dans son style, complexe, avec une énorme palette aromatique.
4,5/5. Gagnera évidemment en complexité avec l’âge.
Ce fut une bien belle séance (enfin, deux pour moi qui animait pour 2 groupes distincts à deux dates différentes
).
Le niveau de qualité des vins était élevé. Ces cuvées haut de gamme ont fait honneur à leur réputation.
La plupart des vins étaient encore trop jeunes, mais on peut quand même tirer quelques conclusions :
- Le supposé meilleur mousseux du pays ne fait pas d’ombre aux champagnes
- Les syrah, très bonnes et trop jeunes, ne sont pas les vins qui apportent le plus d’émotions.
- Les émotions ont été trouvées dans le cinsault issu de vignes centenaires, dans le pinotage, avec un 2010 magique, et dans le cabernet sauvignon de la cuvée The Mint, qui est frais et racé avec sa trame d’eucalyptus.
- Le vin de Constance est bien un des plus beaux liquoreux du monde, avec un style unique, complexe, et digeste.
Pour finir la séance, j’ai demandé à chacun des participants de me donner ses 2 vins préférés. Les résultats sont présentés dans le tableau ci-dessous :
Lors de la première séance, le Kanonkop pinotage 2010 a survolé les débats, avec 12 voix, devant le vin de Constance avec 5 voix.
Lors de la deuxième séance, il fait aussi partie des 2 vins préférés, avec 6 voix, a égalité avec le Cinsault.
Tous les vins ont eu au moins un adepte, ce qui montre le niveau homogène et élevé de la dégustation. A l’exception du mousseux, qui a fait un zéro pointé dans les deux séances.
On se quitte sur la classique photo de famille :
Bibi