l'étiquette n'est pas celle du Blanc de blancs (il existe aussi le tradition) mais celle du Prestige Blanc de Blancs.
Pour faire écho au témoignage de François Audouze, voici, presque miroir, un compte rendu que j'avais écrit en mars 2001 pour feu la liste iacchos. C'est amusant comme certains passages sont proches. Depuis, Jacques Diebolt m'a fait l'immense honneur d'ouvrir pour moi ou en ma présence une vingtaine de fois du 1953 et à chaque fois ce fut magnifique, tout comme les 1961 voire les vins issus de la cave de son beau-père, 1973, 1976, 1979, ...
Visite du 15 mars 2001 :
avec les beaux jours, voici revenue la période des ballades en Champagne, à la quête perpetuelle de nouveaux trésors...
Cette fois-ci, une étape qui s'annonce bien sympathique à Cramant, royaume du Chardonnay, au
Champagne Diebolt-Vallois, reçu par Jacques Diebolt et sa fille Isabelle.
Nous ne nous connaissons pas encore, hormis par téléphone, mais le courant semble bien passer dès le départ.
Quelques explications sur nos parcours respectifs et une présentation rapide du domaine : 9,75 hectares en exploitation dont 6 sur Cramant, en Chardonnay bien évidemment, le reste étant réparti sur le Sézannais, la Vallée de l'Ardre et un tout petit peu l'Aube. Les vignobles hors Cramant, servent à l'élaboration d'une cuvée Brut Tradition, assemblage des 3 cépages destinée principalement à la restauration et à l'export. Elle n'est pas disponible à la propriété ni chez les cavistes. Le reste de la gamme est 100% Chardonnay.
Vinification moitié cuves moitié fûts d'âge moyen 10 ans provenant de Meursault et Puligny-Montrachet. Fermentation malolactique souvent non effectuée afin de privilégier le support acide pour permettre un long vieillissement. Pas de passage au froid, pas de collage. Dosages faibles, 6g/l environ.
La plupart des cuvées ne sont pas millésimées car Jacques Diebolt préfère assembler, selon les cuvées, 2 ou 3 millésimes différents pour un équilibre des défauts et qualités de chaque vin. Les vins de réserve sont conservés en foudres, et sur les 3 foudres, on trouve généralement 1/3 de vins de 2 années antérieures à la dernière année disponible (actuellement donc, 1998) et 2/3 de vins de l'année précédente
à l'année disponible (soit donc 1999 actuellement).
Les cuvées sont composées d'une grande quantité de vins de réserve, le blanc de blancs et la cuvée Prestige qui vont être tirés seront composés globalement de 40% de vins de 2000 et 60% de vins de réserve avec une répartition 40% 1999 et 20% 1998.
La différence majeure entre les deux cuvées est l'origine des raisins, vignes plus vieilles pour le Prestige et la proportion de vins vinifiés sous bois, environ 50% pour le Prestige contre 1/3 environ pour le Blanc de Blancs.
La dernière cuvée de la gamme est millésimée : Fleur de Passion. 100% Chardonnay de Cramant de très vieilles vignes plantées en 1948 par l'oncle de Jacques Diebolt, entièrement vinifié sous bois, dosage à 7,5g/l, pas de passage au froid, pas de fermentation malolactique, pas de collage, pas de filtration, bref un élevage que Jacques Diebolt souhaite aussi proche que possible de celui que réalisait son grand-père ce qui, on le verra dans la suite, n'est pas rien.
Avec un accueil charmant et après un petit tour en cave et en cuverie, Jacques Diebolt m'invite à la dégustation de la gamme.
Nous faisons l'impasse sur le Brut Tradition qui n'est pas disponible, ne représente pas vraiment le style de la maison et ne présente pas un intérêt majeur (j'insiste sur le terme car sinon ce doit être un très bon vin).
Nous commençons donc avec le Blanc de Blancs :
Blanc de Blancs pur Cramant, vins des années 1995 (20%), 1996 (40%) et 1997 (40%). Un très joli blanc de blancs bien caractéristique du terroir de Cramant, souple, rond, gras, très en finesse. Petite parenthèse, Cramant est toujours un terroir à part, moins minéral, moins droit, moins austère que le Mesnil sur Oger et Oger, il est plus ample, rond et puissant qu'Avize, toujours reconnu pour son immense finesse. Un vin à la mousse très fine, crémeuse, un nez très fin sur les fleurs blanches, de légères notes d'agrumes et déjà quelques touches briochées.
Une bouche à l'attaque vive qui présente ensuite une belle rondeur, beaucoup de finesse et une belle complexité.
Nous poursuivons avec le
Prestige Blanc de Blancs : pur Cramant toujours avec un même principe d'assemblage mais un an plus ancien avec 20% de 1993/1994, 40% de 1995 et 40% de 1996. Vinification pour moitié des vins en fûts, conservation des vins de réserve en foudres jusqu'au tirage, raisins provenant de vignes plus âgées et de parcelles privilégiées. Un vin beaucoup plus ample, pus rond au nez plus complexe, plus marqué par des notes de fruits secs, de brioché sans laisser de côté une grande finesse. La bouche est également plus ample, plus ronde avec beaucoup de gras. Un vin qui peut sans souci s'imaginer à table, sur des poissons grillés ou en sauce, sur des crustacés par exemples.
Nous terminons cette déjà fort belle dégustation sur la cuvée spéciale de la maison :
Fleur de Passion 1996. Pur Cramant également mais issu des plus belles et vieilles vignes, vinification intégrale sous bois, pur 1996. Un vin de Champagne "à l'ancienne". Un vin destiné à vieillir... Une attaque très vive qui s'atténuera avec le temps et tout de suite après une seconde bouche très ample, ronde, grasse, longue, complexe. Un très grand vin de Champagne, un superbe modèle de Blanc de Blancs. Un nez encore un peu fermé, discret mais qui devrait se dévoiler peu à peu, subtilement. Un excellent souvenir...
Alors qu'un autre visiteur s'annonce, je me prépare à prendre congé de mon hôte mais à ma grande surprise, celui-ci "abandonne" le nouveau visiteur à sa fille et m'indique qu'il serait dommage que l'on se quitte comme cela. Il me propose une nouvelle descente en cave et, cette fois-ci arrêt à un niveau intermédiaire, privé. Mon hôte prélève 3 bouteilles envahies de moisissures, sans habillage biensûr, bouchées liége et agraffées. Manifestement, un vin non dégorgé, d'un certain âge... Dégorgement de la bouteille à la volée, Jacques Diebolt goûte car avec les bouchons il y a toujours un risque (raison pour laquelle il avait pris 3 bouteilles, pour être sûr d'en trouver une bonne). Cela semble le satisfaire et les verres se remplissent. Une robe jaune doré brillante, aucun côté cuivré qui pourrait faire penser à un vin ayant dépassé son apogée, une mousse très fine mais bien présente. Le premier nez est sur le sous bois mais après une minute, cette impression a disparu, remplacée par des fruits secs, torréfaction, grillé, toasté et beaucoup de fraîcheur. La bouche est très harmonieuse, riche, fraiche. Bref, un très grand vin de Champagne mûr mais en pleine forme. Un vin vinifié par son grand-père, pour lui un modèle. Il me demande un pronostic sur l'âge du vin avec un petit sourire amusé. Mes quelques expériences antérieures m'incitent à la prudence mais me font placer raisonnablement ce vin à la fin des années 60 ou début des années 70, 1969, 1970 ou 1971 voire 1973, soit tout de même un joli bébé d'une trentaine d'années. Mon pronostic est faux, j'aurais pu être plus gourmand : il s'agit d'un 1953, soit un vin qui va sur ses 50 ans, quel beau bébé. Un vin magnifique à l'ancienne, avec des rendements très faibles, une vinification sous bois, peu d'interventions oenologiques et un résultat superbe. Une grande bouteille. Je suis conscient du privilége car il n'en ouvre jamais plus de 5 par an... Il a fait un heureux.
Voilà pour ces 3 heures passée avec Jacques Diebolt, homme passionnant, curieux, prudent mais qui s'ouvre à qui lui montre qu'il aime ses vins. Encore une propriété qui fait honneur à la Champagne.