Quelques jours plus tard, après maintes appels téléphoniques qui m’ont fait désespérer de pouvoir visiter deux domaines plébiscités sur LPV, je suis parti à la rencontre de vignerons aussi attentifs et chaleureux que talentueux. Autre point commun, les vignes sont situées sur des coteaux vertigineux.
Après un passage par Tormery où les coteaux sont superbes, j’arrive sous un soleil de plomb dans le hameau Le Viviers à Chignin. Quelle jolie commune, je suis sous le charme de Chignin !
Gilles Berlioz m’accueille chaleureusement, nous nous installons dans la maison où il fait heureusement plus frais. Il vient de mettre en bouteille ses 2005. Sa mondeuse est d’ores et déjà réservée par son importateur britannique ; il ne possède à vrai dire que quelques ares de mondeuse (env. 5 ares de mémoire, sur un total de 3,5 ha de vignes réparties sur 3 îlots argilo-calcaires).
Avant la dégustation, les présentations sont faites, il connaît LPV. Je me sens immédiatement à l’aise ; j’aime déjà sa franchise, son côté « vigneron-paysan » dans le sens le plus noble du terme, qui marie un travail constant de la Terre, de ses vignes, et une recherche vers un travail toujours plus soigné, plus précis et plus propre à la vigne comme au chai. Pour ce faire, Gilles Berlioz a décidé récemment de convertir son vignoble en biodynamie, en utilisant la méthode Hérody (pour l’analyse des sols, si j’ai bien compris).
Il faut signaler aussi le courage et la clairvoyance de cet homme qui n’a pas hésité à réduire de moitié son domaine initial, créé en 1990, pour se concentrer sur les trois plus belles parcelles et pouvoir ainsi réaliser un travail d’orfèvre sur 3,5 ha. Apparemment, ce fut stupeur et incompréhension chez ses collègues. Pour moi, c’est une démarche qui me rappelle,
mutatis mutandis, celle de Richard Leroy : au-delà de 5 ha, il est impossible de travailler seul une vigne selon les règles de l’Art. Au-delà, il faut être à plusieurs et dès lors, on ne maîtrise plus complètement le processus, même si on a confiance en ses ouvriers et tant bien même qu’une discipline de fer est instaurée. L’exemple type est Chidaine : 30 ha, une équipe soudée, une démarche rigoureuse, mais une approche désormais plus « industrie de luxe » que véritablement « artisanale ». Cela n’enlève évidemment rien de l’admiration que j’éprouve pour François et Manuela Chidaine et l’amour que j’ai de leurs vins.
Revenons à
Gilles Berlioz, un homme attachant, que je sens prompt à toute amélioration possible. Outre la bio-d, Gilles s’impose une utilisation stricte du soufre et une vinification se voulant la moins interventionniste possible (mais soignée).
Le temps passe, et nous n’avons pas encore commencé à déguster : les vins sont servis un peu trop chauds, la canicule régnant en cette mi-juillet. Peu importe, ceci ne s’avère pas trop handicapant pour la dégustation.
1/
Chignin 2005 (100% jacquère)
Je n’apprécie que peu ce cépage en règle général. Celui-ci est issu d’un rendement de 70 hL/ha sur des vignes plantées à 8000 pieds/ha.
Robe pâle à reflets verts.
Nez guilleret sur les fleurs blanches et les fruits blancs. Intéressant.
Attaque sur l’acidité et perlante (CO2) qui apporte vivacité et fraîcheur. Impression de minéralité sur ce vin qui me séduit. Cela commence fort bien. Un vin pour l’apéro en accompagnement de crevettes.
2/
Roussette de Savoie 2005 (6,50 €)
J’avoue apprécié de plus en plus le cépage altesse, qui semble avoir un lien de parenté étroit avec un beau cépage de Hongrie, le furmint.
Robe jaune or.
Nez épicé, sur les fruits secs, possédant beaucoup de charme et de complexité, évoluant vers les fruits jaunes et une jolie note fumée.
Attaque citronnée, du citron mûr. Beau volume en bouche. A garder encore 2/3 ans je pense et plus certainement sans problème. J’aime.
3/
Chignin Bergeron 2004 (13,50 €)
Robe or.
Nez brioché, notes de pignon de pin, de noisette, de pêche et de fleurs. Très séduisant.
Attaque assez grasse, fraîcheur présente et soutenue par une belle minéralité. Un vin complet qui ne demande que quelques années de cave pour révéler son potentiel. Convaincant.
4/
Gamay 2004
Robe rubis peu dense.
Nez étonnant de noisette, de fruits secs. Peu fruité, contrairement à ce que j’en attendais.
Belle fraîcheur en bouche, densité moyenne, un vin de soif. Demande-t-on plus à un gamay savoisien ?
5/
Mondeuse 2003
Cuvée générique, élevée en cuve. Il existe aussi une version élevée en barriques.
Robe rubis pourpre.
Nez sur les fruits noirs mûrs, dont la myrtille, le cassis.
Joli volume en bouche, matière mûre. Les tanins sont assez soyeux, mais la finale assèche un tantinet sans que cela ne soit trop handicapant.
6/
Mondeuse 2004 (8 €)
Version élevée en cuve.
Robe pourpre violacée.
Nez de violette, de pivoine et de poivre. Séduisant.
Belle attaque, bonne tenue en bouche, seule la finale se ressert et confère un caractère un peu fluide au vin : le millésime fut difficile et cela semble se signer par cette finale un peu fluette.
Jolie dégustation, les vins de Gilles Berlioz m’ont plu, en particulier son Chignin Bergeron 2004, un vin de grand potentiel.
Le millésime 2004 semble réussi chez lui, il en est d’ailleurs très satisfait. Les 2005 dégustés sont bons. J’attends de regoûter ses cuvées dans de meilleures conditions, mais tout semble réuni pour que nous nous fassions plaisir.
Quant à 2006, ce millésime s’annonce d’ores et déjà difficile, avec des pluies intenses depuis juin qui ont déclenché des attaques importantes d’oïdium et de mildiou. Pas facile en bio-d, mais pas facile non plus pour ceux qui sont en conventionnel. Mais tant que le raisin n'est pas rentré, inutile de tirer des plans sur la comète !
Gilles Berlioz et sa femme ont restauré un chalet à Orelle, près de Saint-Michel de Maurienne (73) et y ont créé un gîte depuis décembre. Avis aux amateurs.
Contact : Le Viviers, 73800 CHIGNIN, 04 79 71 58 80 ou
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Joli village que Chignin, en particulier les coteaux sur Viviers et Tormery. Le temps était splendide, le Soleil irradie sur les vignes… Direction Arbin, les frères Trosset m’attendent… coteaux vertigineux… orage terrible qui dura plus d’un quart d’heure : je pris le parti de me cloîtrer dans ma voiture, le temps que l’orage se calme un peu. Le tonnerre résonnant dans la montagne est un spectacle terrifiant !
Ouf, les deux frères reviennent de la vigne, ils m’ont aperçu...
A suivre.