Nous nous retrouvions chez l'ami Mayeul ce samedi pour une petite confrontation entre les vins du Rhône méridional et du Languedoc qui, diantre, semblent avoir des caractéristiques quand-même très comparables : encépagement, Soleil, euh... Bref, la question est posée : peut-on établir des caractéristiques organoleptiques permettant de distinguer sans équivoque les vins provenant de ces deux régions ?
Pour ce faire, au vu de la grande taille de notre groupe, notre hôte du soir nous a concocté un super programme de deux (+1) paires à la grande puissance statistique. Sans attendre, voici d'ores et déjà nos conclusions générales, issues d'une analyse fine de nos ressentis :
1. le Languedoc produit beaucoup plus de vin que le Rhône méridional (d'après notre échantillon représentatif, 3 fois plus de rouges et infiniment plus de blancs, ce qui est compatible avec les chiffres donnés ici :
fr.wikipedia.org/wik...
).
2. les vins rhôdaniens sont systèmatiquement mis en bouteille bourguignonne, tandis que sauf exception (~40%) les languedociens sont en bouteille bordelaise.
3. ces régions produisent toutes deux de très bons vins.
On voit bien qu'en appliquant les critères 1 et 2, et grâce au point 3 qui permet d'évacuer un critère non significatif, on peut certainement distinguer les vins de ces deux régions avec un taux de succès >50% (sauf pirate, n'exagérons pas). Objectif rempli à 100% !
Mais passons aux détails, enfin plus exactement à mes quelques notes !
Une paire déstructurée de blancs pour commencer.
Vin #1
Robe or clair. Du grillé / fumé (un peu pétard) qui peuvent évoquer certains natures, puis le fruit jaune arrive. En bouche, c'est plutôt rond, un tout petit peu gras mais on note un creux en milieu de bouche (pour moi, même l'attaque n'est pas très vivace). Sympa mais un peu dilué, dommage. Les fruits jaunes, la rondeur peuvent orienter vers la présence de viognier (éventuellement marsanne / roussanne pour ma part sinon). Etonnamment le vin prend un peu de corps en mangeant.
Il s'agit d'un
Faugères blanc 2017 du Mas d'Alezon, 100% clairette.
Vin #2
La robe est plus foncée. Au nez, après un premier arôme étonnant de jambon sec vient un côté bonbon acidulé au fruit (pomme pour moi). Le vin est beaucoup plus dynamique en bouche que le précédent : du peps en attaque, à la fois acidulée et riche aromatiquement, puis le vin est à la fois droit et large, sur une trame où l'alcool est présent mais jamais à l'excès.
Il s'agit d'un
Château Simone, Palette blanc 2019. Le pont est fait avec le vin #1 par l'assemblage qui comporte une majorité de clairette.
Entrons maintenant dans le vif du sujet avec deux paires de rouge.
Vin #3
Robe claire, un peu brique. Un tout petit côté jus de viande au premier nez que je ne retrouverai plus par la suite. Sinon on a des fleurs séchées, du fruit rouge (cerise ? ... fraise écrasée ??). On ne ressent pas une matière tannique très épaisse, même s'il y a une petite accroche sur le palais. La trame est kirchée, laissant là encore l'alcool s'exprimer mais cela reste pradoxalement assez élancé. Très bon.
Vin #4
Robe sur un rouge carrément plus sombre et moins orangé. Plus "sombre" au nez aussi, avec du fruit noir type myrtille, du végétal (ronce ou myrte), un très léger cuir. Les tanins sont beaucoup plus marqués dès l'attaque, mais au final le vin reste plutôt fin et élancé en bouche aussi malgré cette première impression (quoiqu'avec plus de matière que son com-paire). Finale sur le laurier.
On pronostique un Rhône sud en #3 pour son côté plus juteux, fruit rouge, fleurs, que nous avons tous plus souvent rencontré sur des Côtes du Rhône, tandis que l'aromatique et la matière en #4 nous portent plus vers un Languedoc avec du carignan et / ou du mourvèdre. On se dit même de plus en plus que le #3 fait très très Reynaud. Et de fait, il s'agit d'un
Château des Tours, Côtes du Rhône 2016, tandis que le #4 est un
Caminarem 2013 du Mas des Chimères en Terrasses du Larzac.
Vin #5
La robe est sombre, rouge aux reflets violets. Beau fruit très avenant, sirop de cassis, mâtiné d'une volatile importante. En bouche, on a un équilibre très haut, beaucoup de tanin, du fruit très pur et encore cette volatile, les trois s'équilibrant, sur une ligne de crête peut-être, mais en parfaite harmonie. C'est très très bon !
Vin #6
Robe très sombre, violacée. Le nez est (encore, après 12h d'épaule et un passage en carafe avant le service) assez discret, mais laisse à présent échapper des notes de toffee, ainsi que de pâte de fruits (myrtille). Le tanin est très présent là encore, grosse matière au final assez équilibrée même si elle gagnera sans doute à se fondre. Jolie persistance réglissée. On sent un gros potentiel mais cela manque un peu d'expression à ce stade.
En se basant sur le critère n°2 ci-dessus, on pronostique un Rhône sud en #5 et un Languedoc en #6 (aussi parce que je sais que #6 est mon apport ^^). Puisqu'on est en Rhône sud pour le #5, et que tout de même cela ne ressemble à aucune de nos expériences gustatives en Châteauneuf par exemple, je me dis que ça me rappelle une Mémé de Gramenon rencontrée il y a quelques années, très sombre et à l'équilibre assez haut. Et bien non, c'est un
Faugères Jadis 2017 de Léon Barral. Cela prouve la subtilité du critère n°2. Tiens, Barral, on en parlait justement la minute d'avant mais ça ne nous est pas venu à l'esprit, à aucun moment ! (forcément puisqu'on était en Rhône sud) Le vin #6 est quant à lui un
Terrasses du Larzac, Terres de Jonquières 2017 du Mas Cal Demoura, dont l'apogée semble encore loin, ce qu'un dénommé Hyllos ne contredira sûrement pas.
Dégustation d'un très bon niveau en ce qui concerne les rouges, avec un petit bémol pour le Cal Demoura sûrement bien trop jeune, et un grand coup de coeur général pour le Barral, qui a un peu effacé le fait que les deux premiers étaient délicieux aussi. Très intéressant aussi de constater 4 styles vraiment différents (et tous appréciables !) sur les 4 rouges, même si évidemment il est difficile de tirer de réelles conclusions sur le thème initial de la soirée.
Côtés blancs, pas trop marqué par le Mas d'Alezon, j'ai trouvé le Simone bon voire très bon, mais très très loin de l'idée (et l'envie) que j'avais de ce vin, sûrement aussi par péché de jeunesse tant il est écrit par ici qu'il change de dimension après 10 voire 15 ans de bouteille...
Joseph