Petit salon des Blancs de France - Cactus Luxembourg - part 2
Bourgogne :
La Chablisienne, Chablis "Dame Nature" 2019
Est un bonheur absolu, une évidence Chablisienne immédiate, on soupire de plaisir et on se sent à la maison. La coquille d'huitre est en grande forme, accompagnée d'algue, de fruit mûr sur le citron vert et une touche plus exotique mais pas du tout trop mûre comme peuvent l'être certains 2019, et un équilibre acide idéal et à nouveau relativement rare sur le millésime. En l'état je préfère ce Chablis au Chablis 2019 de Droin par exemple, qui s'écarte beaucoup plus de ce qu'on attend du canon de l'appellation même s'il a ses propres mérites. Quand en plus le prix est doux, et que c'est du bio ... on se demande ce qu'on espère de plus. Quel niveau à nouveau pour cette coopérative !
Très bien / 16/20
La Chablisienne, Chablis Premier Cru "Fourneaux" 2017
Et hop, doublé gagnant, à nouveau quel plaisir avec ce PC d'un grand millésime qui se goute déjà bien, nez plus classe et plus fermé que le Chablis 2019, sur une petite réduction fumée, laissant place à une bouche d'une grande élégance, calcaire, élancée, fumée, minimaliste, sur le bigorneau, le journal mouillé et autres notes de bord de plage, très belle longueur et quelle finesse. J'achète, j'achète, j'achète.
Excellent - / 17/20
La Chablisienne, Chablis Grand Cru "Grenouilles" 2019
C'est bien entendu très bon, mais beaucoup trop jeune en l'état. De toute la gamme c'est le seul qui apparait de façon évidente engoncé dans son élevage bois, alors que la matière (dont la longueur témoigne) est bien présente, et ne subit par ailleurs pas de sur-maturité pataude comme certains 2019. Soyez patients ... et en attendant, régalez-vous avec le reste de la gamme.
À attendre et à revoir.
Domaine Rapet, Pernand-Vergelesses "Les Combottes" 2021
Pernand charmeur, fruité. 2021 pouvait faire craindre des problèmes de sous-maturité, le nez semble étonnamment suggérer le contraire, très ouvert, même variétal comme peuvent l'être certains Chardo du nouveau monde : banane, voire banane Haribo, poire, bubblegum. Un peu dérouté à ce stade mais la bouche ramène immédiatement en Côte de Beaune, sur le pop-corn avec ses fines touches vanillées et caramélisées : très classique ... mais très efficace. Un vin en deux temps qui repart mieux qu'il n'est arrivé.
Très bien / 16/20
Domaine Rapet, Pernand-Vergelesses Premier Cru "Sous Frétille" 2020
Ce premier cru, à fortiori de ce domaine, fait partie des porte-étendards de l'appellation en blanc. On comprend pourquoi. Contraste marqué avec Combottes 2021 : ici le nez est fermé, réduit. C'est en bouche que la promesse de ce grand millésime à blancs est confirmée, avec une matière jouissive, droite, aristocratique, sur le sable mouillé, le sésame grillé ultra classique, une assise saline conséquente, une acidité qui va loin et une mâche quasi tannique. Sacré potentiel mais quel plaisir déjà !
Excellent - / 17/20
Domaine Bernard Michelot, Meursault 2020
Première marche dans un triptyque de Meursault 2020 du domaine en dégustation rapide mais ça commence fort, nez classe et réduit avec quelques notes pétard et végétales qui vont bien, qui comme attendu amènent à une bouche parfaite, précise, déjà d'une grande finesse sur le simple Village, pralin, gros sel, pointe moutardée, la classe à Dallas. Plus qu'un effet d'annonce, 2020 s'annonce effectivement très bien en Bourgogne Blanc.
Excellent - / 17/20
Domaine Bernard Michelot, Mersault "Les Grands Charrons" 2020
Deuxième marche du triptyque Meursault 2020 du domaine, on prend encore un cran de qualité, et une petite claque dans la gueule accessoirement. Il se démarque de la filiation classique des deux autres (aromatique murisaltienne assez typique) : ici au contraire le nez est très ouvert et absolument dingue et surprenant sur des notes de homard au four et de jus de têtes. La bouche est d'une superbe fraîcheur, sur des notes de citron, de calcaire, et de céleri branche. Incroyable vin de gastronomie.
Excellent / 17.5/20
Domaine Bernard Michelot, Meursault Premier Cru "Charmes" 2020
On finit en beauté ce triptyque des Meursault 2020, ce premier cru pousse tous les curseurs du simple Village plus loin : le nez est encore plus réservé, ici carrément fermé pour l'heure, témoignant de la nécessité d'attendre une apogée encore lointaine. Mais la bouche vous fait déjà entrevoir sa superbe, elle "fait le plongeon" pour proposer une profondeur incroyable de pralin, sésame, coquille d'huître, eau de roche ... Le wow-effect est bien là, un trio vraiment solide.
Excellent / 17.5/20
Alsace :
Domaine Zind-Humbrecht, Riesling Grand Cru Rangen de Thann, "Clos Saint-Urbain" 2020
J'en attendais fatalement beaucoup, je suis grand amateur de Riesling et c'est mon premier Zind, autant dire que je commence pas avec leur plus petite cuvée.
Et pourtant, j'ai été relativement déçu en l'état. A moins d'aimer l'explosivité et les gros sabots, mon conseil : attendez. Très - pour ne pas dire trop - démonstratif, ce Rangen dans ses langes a des airs d'éléphant dans un magasin de porcelaine. L'aromatique est éclatante de fruit, comme attendu, sur la mangue et le fruit de la passion, intense et concentrée. J'aime bien. La finale possède les signes de son terroir de légende, sur une fraicheur rocheuse et pétaradante. J'aime bieeeen. Mais ... mais le milieu de bouche, joufflu, pèchu, sur-aromatique, ferait presque du pied au muscat, voire au vigonier.
Voilà sans doute un futur grand vin qui est, pour l'instant, clairement too much à mon goût au niveau de l'aromatique, tant qualitativement que quantitativement si vous voyez ce que je veux dire. La finesse et la complexité devront frayer leur chemin à travers les années ; ne les y cherchez pas pour l'instant.
En tout état de cause et pour rester objectif on ne peut que saluer le fait qu'après une quinzaine de vins dégustés, il n'a pour autant aucun problème à s'imposer dès le nez posé dans le verre.
Très bien / 16/20 mais potentiel d'amélioration très probable
Rhône :
Domaine Guigal, Condrieu "La Doriane" 2021
Certes, c'est impressionnant, mais ça ne me réconciliera pas avec les côtés trop exubérants du viognier 100%. On dit souvent que la Doriane est censé être un Condrieu relativement peu variétal, moins caricaturalement viognier que d'autres. Bon, ben sur ce millésime et à cet âge, je ne peux pas dire que la mission soit réussie. C'est un archétype flamboyant du viognier, un porte-étendard du cépage : pèche, abricot, yaourt aux fruits, épices douces, ça jaillit du verre, beaucoup de présence, de densité. Trop ? Trop.
Très bien - / 15.5/20 "objectivement" car il faut admettre que la concentration est un signe de qualité non-discutable, mais à réserver aux amateurs.
Et voilà qui est fait !
Que retenir d'un tel parcours ?
- Déguster autant de vins aussi différents en un laps de temps court (~18 vins en ~1h) et espérer retirer une impression fiable de chacun est une gageure, il faut assumer le fait que l'exercice sera toujours sub-optimal et ne permettra pas de déceler les subtilités que tel ou tel vin présentera à l'aération notamment.
- Pour autant, en adoptant une certaine rigueur et si on a la possibilité d'établir un ordre de passage en amont grâce à une listing connu, on peut éviter les obstacles et se faire une bonne idée.
- Quoi qu'on en dise et même chez les domaines réputés, il faut savoir se regarder dans la glace et assumer qu'il y a eu du végétal sur les Sauvignons ligériens 2021. Beaucoup veulent faire croire dans leur communication qu'il n'y en a pas et que "l'écueil a été évité" mais je pense qu'il faut arrêter de se leurrer. Le végétal n'est d'ailleurs pour moi pas un défaut en soi dans ces vins, à nouveau je le redis un Sancerre Blanc comme celui de François Crochet a des notes éminemment végétales dans son coeur de bouche et sa finale et pour autant c'est délicieux. Quand c'est bien fait. Mais arrêtons de vouloir fuir les évidences.
- Les Pessac Blancs 2019 sont dans une méchante phase de fermeture actuellement. En Bordeaux Blanc, Reynon constitue toujours un canon, mais il faut aimer le style.
- La Chablisienne est un modèle qualitatif pour une structure coopérative de grande taille, leurs rapports qualité-prix sont souvent bluffants si on admet qu'on ne sera pas surpris par un profil unique et "jamais vu autre part".
- 2020 s'annonce très bien en Bourgogne Blanc mais on sent déjà qu'il va falloir attendre, la plupart d'entre eux se présentant en effet par une dualité typique entre nez réduit et peu causant versus bouche de grande précision et profondeur.
- Et quand la Bourgogne est portée à un haut niveau ... elle n'a pas réellement d'équivalent. Aussi frustrant que ça puisse être. En témoigne notamment le niveau moyen très élevé proposé par les trois Meursault 2020 de Bernard Michelot, domaine pourtant fort peu connu il semblerait.
Enthousiasme à prendre avec du recul puisque je n'ai encore que très peu d'expérience de dégustation sur Meursault.