J'ai eu la chance de dîner au Bec au Cauchois, à la table dressée en cuisine, il y a dix jours. Exceptionnelle expérience que d'observer le travail du chef et de son équipe, durant plus de 4 heures. Ce qui marque est la concentration absolue et le silence dans lequel chaque geste est effectué. Chacun sait parfaitement ce qu’il y a à faire. Il n’y aura eu, au long de la soirée, que trois ou quatre recadrages, aucun éclat de voix, tout se fait dans la rigueur et la concentration. On est tellement absorbé par le spectacle, au bout des fourneaux (nos deux couverts étaient vraiment dressés en plein cœur de la cuisine), qu’on est presque surpris à chaque fois que quelqu’un nous amène un plat, un peu comme si un acteur sortait de l’écran au cinéma. Et pourtant, ayant pris le menu dégustation, c’est arrivé près d’une dizaine de fois…
La cuisine est remarquable, très peu de fausses notes tout au long d’un menu dégustation extrêmement varié. Pas vraiment le temps de faire un CR détaillé, mais je veux juste citer un plat véritablement enthousiasmant : un « carré d’agneau à la badiane fraîche du vietnam, bulbe fondant » (de fenouil, en l’occurrence). L’agneau, à la cuisson parfaite, est entouré d’une mousse, ou pommade - je ne sais comment la nommer - à la badiane fraîche, aux saveurs bien entendu anisées, mais aussi très florale, délicate. Les accompagnements déclinent des saveurs proches, autour du céleri et du fenouil. Grand plat. De superbes desserts, également, tout en légèreté. Mais le reste n’était pas mal non plus.
Par contre, l’observation montre bien l’implication totale que demande ce métier, à un tel niveau d’exigence : alors que tout a du être préparé avant le service, et qu’il vient de passer quatre heures de concentration totale, sans pause, lorsque le service est fini… le chef attrape des carcasses d’agneau pour en lever les filets, afin de lancer une cuisson à basse température de 12 heures pour le lendemain. Et il y a deux services par jour…
La carte des vins est en effet plutôt courte – c’est souvent la contrepartie dans les « jeunes » établissements étoilés. Elle est, cela dit, raisonnablement tarifée. Le Jacquesson 736 qui me faisait de l’œil à la carte était malheureusement épuisé. Ce fut, pour nous, un Chablis 2011 du domaine d’Elise, très honnête et qui présente l’avantage, dans le contexte d’un menu dégustation, d’être suffisamment flexible pour s’accorder avec de nombreux plats, plus un Crozes-Hermitage 2010 du domaine Pochon qui m’a surpris par sa puissance et par sa qualité, fournissant au passage un bel accord avec le plat d’agneau décrit ci-dessus.
Une adresse en tout cas très recommandable, et un jeune chef qui n’a sans doute pas fini de monter. Si vous y allez à deux, tentez la table en cuisine, cela vaut vraiment le coup.
Mathieu