Alléluia! Enfin, après plusieurs rendez-vous manqués, je retrouve les copains Lpviens, et, pour ne rien gâcher, cela se passe au restaurant
l'Equilibre
à Balma, où nous avons déjà mangé quelques fois et eu l'occasion de constater que la promesse du nom est largement tenue.
Un gastronomique qui lorgne vers des classiques du bistrot, en les bousculant avec intelligence et respect, le tout mâtiné d'une grande maîtrise technique. Les plats sont beaux, au bas mot, mais jamais dans l'esbroufe ou au détriment de la gourmandise. Le genre de table dont on ferait volontiers sa cantine... si l'été et le dégel du point d'indice ne commençaient pas en novembre cette année !
On commence de suite par une bulle, c'est ce qui arrive au B.A.C. quand on triche... Là, ça "tuste" sévère, façon livre sur les genoux pour les plus anciens : ce champagne n'est pas servi à l'aveugle.
Je lui trouve une jolie vinosité, et une belle robe rose dorée. Il y a du pinot dedans ? La lecture de l'étiquette le confirme puisque c'est un blanc de noirs de Gremillet. Très bien pour entamer la soirée et les conversations...
La purée de pois cassés aux épices torréfiées (cumin, fenugrec notamment) et citron confit servie avec des tuiles de pain (probablement une pâte au levain vu la complexité aromatique) est délicieuse.
Sur la mise en bouche qui marie carottes et chorizo (ariégeois !) avec beaucoup de délicatesse, on ouvre mon premier apport qui m'a fait gamberger pas mal car prévu pour accompagner une entrée pas évidente à accorder.
J'ai d'ailleurs sollicité une aide de dernière minute qui sera retranscrite dans un fil dédié...
Il s'agit d'un
riesling Osterberg 2017 de Louis Sipp.
Pas la peine d'être Derrick pour déduire de ces effluves d'hydrocarbures que nous sommes en Alsace, la tablée est unanime... Riesling! Bravo, même si trop facile pour mes commensaux... Celui-ci m'apparaît bien fait, plutôt vertical que large, pas exubérant, sérieux.
Bien sur la mise en bouche comme sur l'entrée, une salade de bœuf mariné, mayonnaise au soja, caviar d'aubergines, menthe, basilic, soja et chips d'aubergines.
L'accord fonctionne gentiment (3/5 sur l'échelle de Jean-Loup), mais je pense que le vin aurait pu mieux s'exprimer sur un autre plat. La prochaine se frottera à un gravlax, ou des fruits de mer un peu épicés...
Christophe dégaine alors son premier apport, dont la robe grenadine et translucide est spectaculaire.
Le nez se balade entre fraise et cerise. Bouche fluide à l'avenant, avec un côté sudiste qui m'envoie sur Tavel, chez Pfifferling ou Le Bars. Anglore? Effectivement, il s'agit du
Tavel 2020 de l'Anglore.
Accord avec le plat intéressant mais pas totalement abouti (2/5).
Je sors alors mon joker, un apport supplémentaire âprement négocié, pour effectuer une transition entre entrée et poisson, un bar de ligne de Saint-Jean-de-Luz, déclinaison autour du fenouil, sauce aux herbes et suprêmes de citron.
Belle robe, dorée, intense. Nez complexe et gourmand, citron, noisette, un peu de pétrole. Ça envoie!
Direction l'Alsace pour les copains, de jolis terroirs sont évoqués. Je me régale, d'abord en voyant Christophe, Jérôme et Raphaël se creuser les méninges, puis surtout en lampant ce magnifique vin, qui se marie bien à l'entrée (4/5) et est évident sur le poisson qui arrive (4,5/5) !
Superbe
Carco 2008 d'Antoine Arena, qui a bien fini par (bien) pétroler.
Une manière de rendre hommage aux vignerons de
Patrimonio
...
C'était ma dernière 2008, ma patience a été récompensée. Un grand blanc de méditerranée, qui ravit tout le monde et marque les esprits... Il reste des petites sœurs, ouf, et les billets sont réservés pour cet été, re-ouf! La Corse à son sommet (pour moi).
Ça enchaîne avec les blancs de Jérôme et Raphaël, servis en même temps. Celui de Jérôme est plus intense en couleur, avec des touches oxydatives. Celui de Raphaël, d'un or plus clair, mais relativement soutenu quand même, offre un nez hyper complexe, entre fruits épicés et boisé.
Je pars en Espagne, direction la Rioja. Tondonia ou Gravonia ? C'est un
Rioja Gravonia 2012...
Très joli, superbe à table sur le poisson !
Le
Clos Saint-Joseph 2017 en côtes de Provence apporté par Jérôme offre également une jolie complexité mais ses notes oxydatives à cet âge nous interrogent. Un début de premox ? Cela se boit avec plaisir en l'état, mais ça chauffe un peu en finale, ce qui me fera proposer un Coteaux du Languedoc blanc, peut-être Mas Jullien, sur un millésime chaud... Raté!
On passe aux rouges, et au plat, une épaule de veau des Pyrénées (ariégeoises ou presque) rôtie, déclinaison autour du poivron, tuiles au sésame.
Raphaël dégaine le premier et nous sert un très beau rouge, brillant au nez envoûtant qui m'envoie sur une belle syrah septentrionale (ou d'un climat méridional frais). Jérôme et Christophe essaient de m'embrouiller en criant "cabernet"... Et c'est vrai que cette bouche est fraîche et croquante... Si c'est la Loire, c'est un millésime chaud. Mais je reviens à ma première impression, sur la Syrah. Peut-être avec de la rafle (alors qu'en fait, quasiment pas!). Une jolie minéralité... Saint-Joseph ? Pas (si) loin: côte rôtie !
Château de Montlys 2018. Superbe.
Passons à la bouteille de Jérôme...
C'est opulent, costaud mais sans lourdeur. Ma chère et tendre qui est un pdf selon les standards Lpviens préfère rester sur la syrah. Une finale qui me rappelle l'eau de vie des bocaux de prunes de mon grand-père (pas de blagues sur les prunes et/ou feu mon grand-père !!). Je redescends donc la vallée du Rhône et propose Châteauneuf-du-Pape ou Gigondas.
C'est un C9P
Domaine de Beaurenard 2013.
9 ans, beau comme un enfant, fort comme un homme... Je tenterais bien ça sur une épaule d'agneau confite...
Pas le temps de souffler, on passe au fromage. Sauf qu'ici, oubliez le plateau, le fromage est cuisiné.
Aujourd'hui ça donne une mousse chaude de tome de montagne, avec des cerises et abricots cuits. Les notes légèrement acides et lactées du fromage rencontrent celles tout aussi vives et légèrement sucrées des fruits. C'est bien bon et l'occasion de ressortir les fonds de blancs qui restaient...
Puis vient le moment du dessert, granité basilic, coulis basilic, crèmeux citron jaune, crumble cassonade, biscuit amande, suprêmes citron vert, sorbet huile d'olives, dont l'intitulé m'a envoyé directement fureter sur les rayonnages mosellans de ma cave. Avec, en mémoire, les CRs enthousiastes de sieur Oliv sur le
Brauneberger Juffer Sonnenuhr Riesling Spätlese 2008 de Fritz Haag. Du coup, je remonte à la source et demande un conseil pour ce dessert à l'oliv(e)...
Jérôme avait eu la même idée et devine déjà presque ce qu'il va boire. Je vais donc essayer de le coincer en le cherchant, un poil, sur "lese": spät, aus, beerenaus?..
Et, effectivement, l'équilibre à peine sucré du dessert ne met pas le vin, finalement assez peu sucré, en difficulté.
La seule difficulté qui se présente, c'est celle de ne pas tout plier en moins de deux...
Le dessert est d'une fraîcheur incroyable, boosté par l'acidité des citrons verts et jaunes, la fraîcheur du basilic, la puissance des olives et juste adouci par le léger sucre du crumble et du biscuit. Le vin est dans la même ve(rve)ine, entre acidité traçante, fraîcheur herbacée et réconfort sucré, avec un léger perlant qui vient titiller des papilles déjà bien émoustillées.
Waouhh!
Au moment où, normalement, on devrait défaire un cran à la ceinture (et avoir les dents du fond qui baignent), par magie, on a l'impression (mais c'est juste une impression) qu'on n'a pas trop mangé, ni bu d'ailleurs.
Christophe suggère que l'on ne commercialise ce vin qu'en magnum. Ça tombe sous le sens, vu qu'avec 7,5 degrés d'alcool, finalement, ça revient au même que 75 cl d'un rouge à 15%.
Les excellents choux au craquelin et crème d'orgeat (tout en légèreté) offerts avec le café viendront nous rappeler qu'il faut savoir s'arrêter à un moment.
Mais que c'était bon, que c'était beau, que c'était bien!
Le rendez-vous est pris pour l'hiver...