Le millésime 2021 au domaine Henri et Jean-François Germain
Avec un petit gros retard j’ai pris un (long) moment avant de revenir ici sur la dégustation du millésime 2021 qui s’est déroulée fin Octobre dernier dans cet antre murisaltien. Heureusement que 2022 est dans les fûts depuis quelques temps déjà. Mais si Jean-François ne se départ jamais de sa bonne humeur, l’amplitude de son sourire est vraisemblablement proportionnel au soulagement d’avoir rentré une récolte aux quantités bien plus respectables. « Il valait mieux que vous veniez après les vendanges

».
Comme cela est le cas depuis 2, 3 ans désormais, sa fille l’accompagne. Et il semble lui confier un nombre croissant de tâches.
Gérer la baisse des volumes dans la cave
- La variation significative des volumes entre 2021 et 2022 a dû vous obliger à vous réorganiser, peut-être en terme de futaille?
- Nous faisons un élevage sur pratiquement 2 ans. La rotation est donc longue. On a récupéré des fûts 2020 pour 2022. Il y a eu quelques achats tout de même. La mise de 2020 avait déjà été retardée car les approvisionnements en bouteilles furent plus longs.
- Ne craigniez-vous pas de les laisser trop longtemps dans les tonneaux et cuves?
- Non. La cave est bien fraîche. Il n’y a pas d’habitation au dessus.
Bourgogne
Une belle vivacité et une grande netteté, et nous allons constater que c’est un trait commun à toutes les appellations du domaine. En contraste avec mon souvenir gustatif du 2020, la chair est ici bien moins corpulente. C’est très digeste et se déguste très facilement.
AB++
- Pouvez-vous nous évoquer 2021?
- Nous sommes aux alentours de 20 hl en moyenne. Cela varie d’un endroit à l’autre -75% sur Perrières, -50% sur le Bourgogne blanc. L’état sanitaire est bon. Les maturités sont moyennes. Nous avons surtout une grande acidité alors que nous sommes loin d’être les premiers à vendanger.
- Vous avez dû vendanger fin Septembre?
- On commence le 27 Septembre. En 2022, le 27 Août. Et 2020 en comparaison tout s’est fait entre le 23 et le 31 Août.
Meursault
Un corps plus charnu. Un tension haute en intensité et en géographie de palais. Du citron jaune, du zeste et de l’airelle en abondance. Des contours et un tranchant bien affirmé.
B+
- La trame est assez vive

- C’est pas mal comme jus de citron n’est-ce pas:) ? Les millésimes à forte gelée produisent souvent des vins avec une acidité marquée chez nous. Le 2ème hiver est d’autant plus important. La précipitation tartrique qui se produit pendant cette période permet de patiner le vin.
- A quel niveau d’acidité vous situez-vous?
- En total, entre 5 et 5,5. Sur le PH, 3,10 à 3,15.
- Ce n’est pas si bas. Et les degrés?
- 12 à 12,5°.
- Vous avez peut-être chaptalisé?
- Pas ou peu. Il n’y avait pas beaucoup de raisins. C’était plus facile pour eux de mûrir.
Meursault, Chevalières
Sur un tel millésime, Chevalières se démarque moins de ses frères. Le terroir peut se confondre en grande partie avec le millésime. La tension y est, une pente un peu plus verticale.
B+
- C’était une vision presque apocalyptique à 4h du matin. Tout le monde était sur le pied de guerre. Les bougies étaient de sorties. On aurait pu croire par endroit à une piste d’atterrissage pour avion

. La première nuit c’en était presque sympa. La 3ème était beaucoup moins drôle.
Pas de répit en 2021
Meursault, Limozin
L’habituelle dimension horizontale du terroir sied bien au millésime je pense. La largeur complète la verticalité de l’année. L’entame se fait épicée, sur le poivre blanc et le piment d’espelette, avant de laisser la place à une longue ligne traçante.
B+/TB-
- Vous êtes plutôt épargnés par le dépérissement des pieds.
- Nous avons majoritairement du 3309. Pour le 161-49, on constate dans la région que ce sont plutôt les pieds en coteau qui donnent des signes de faiblesses. Moins dans plaine.
- Vos confrères évoquent porte-greffe venant du Sud.
- C’est étudié. On en viendra peut-être aussi aux OGMs afin d’être franc de pied

.
Chassagne Montrachet 1er cru, Morgeot
Le nez est plus végétal. La bouche également avec de l’amertume sur les premiers appuis. Du tilleul, de la fleur d’acacias et du coing un peu doucereux. Le tout est soudainement tranché par un filet de citron caviar.
TB-
- Avec un niveau de sucre moindre, les fermentations ont dû être plus rapides?
- Pas en 2021, elles ont pris leur temps. En 2022, oui, ça s’est vite fait, tant sucre que malo. En 2021 l’humidité constante a engendré une pression permanente des maladies.
- C’est vrai qu’il a beaucoup plu. D’ailleurs, êtes-vous toujours parvenus à entrer dans les rangs?
- Oui, on pouvait passer.
- Vos confrères dans d’autres régions devaient encore traiter au mois de Juillet.
- On finit à 12/13 passages en 2021 contre 8/9 en 2022.
- De quelles quantités parlons-nous?
- 300 grammes de cuivre à l’ha. Nous sommes à 4kg à l’ha en moyenne sur 10 ans.
Réduire le soufre
- Où en êtes-vous dans votre recherche de réduction du SO2?
- On n’en utilise presque plus en rouge. Un peu en blanc, surtout sur la seconde partie de l’élevage. Nous n’avions pas été emballés par l’essai sans soufre. En rouge, on aboutit à 25 de libre pour 50 de total. Et en blanc, 80/90 de total, contre 100/110 précédemment. Pour 30 de libre à la mise.
- Vous avez réduit les moments où vous en mettez?
- Nous n’en mettons plus qu’un peu à la cuve, au moment de la fermentation alcoolique, 0,3 cl. Et 5 à 10 cl par pièce au soutirage.
Meursault 1er cru, le Porusot
Un vin plus consistant. C’est pourtant le côté cristallin de l’eau de coco qui s’épand sur les papilles. Viennent ensuite des notes de tilleuls qui s’allongent par de fines épices: poivre noir, raifort. Le tranchant ne domine plus ici, ou alors notre palais s’est habitué

.
TB+
- 2021 est arrivé au milieu d’une succession d’années mûres/chaudes. Ca a dû changer vos dernières habitudes? Moins d’effeuillage peut-être par exemple?
- Non. Nous faisons comme d’habitude, surtout dans les vignes. Ce qui prend plus d’importance encore, c’est la date des vendanges.
Meursault 1er cru, Charmes
Je n’y avais pas prêté réellement attention jusqu’à présent. Les robes sont loin d’être pâlichonnes. Au contraire, elles sont plutôt marqués par un jaune citron. Aucun de reflet verdâtre qui pourrait trahir une quelconque maigreur. Charmes est fidèle à son terroir. C’est large, mûr, presque sur le zeste et la pulpe confits. L’évolution se décline sur un 2ème acte traçant et un troisième sur la peau de kumquat et l’amertume associée.
TB+ et plus

.
Meursault 1er cru, Perrières
« Nous en faisons 4 fois moins qu’en 2022

. »
Et cela est bien dommage

. Les tanins sont pierreux, presque crayeux. Le filin traçant horizontal est toute l’ossature du vin et son diamètre occupe une bonne partie de l’axe symétrique de la langue. C’est salivant et l’ensemble gagne en ampleur à chaque seconde qui s’écoule. La finale calcaire apparaît comme une conclusion naturelle.
Exc+ nous sommes clairement un bon cran au dessus.
Un nouveau cru dans la gamme des rouges
Meursault, Clos des Mouches
Une sensation de sirop grenadine dilué en attaque qui laisse vite place à un délicat panier de fruits rouges acidulés plus affirmés. C’est toujours aussi accessible et avenant. L’impression est peut-être un peu plus éthérée sur ce millésime.
B+/TB-
- Je vais vous faire goûter un nouveau rouge :
Savigny les Beaune 1er cru, aux Gravains
- Comment êtes-vous parvenus à acquérir des vignes? C’est assez difficile dans la région.
- Les opportunités d’achats se font vite. Il faut être présent au bon moment. Nous étions 2nd sur la liste et c’est allé très vite. En une semaine nous avions signé le compromis. Ce sont des vignes plantées en 1976.
La corpulence est plus manifeste. Le registre des fruits est moins éclatant, un peu plus mat mais un petit filin acidulé plus vif vient réveiller la finale.
B+ Il faudra vraisemblablement patienter.
Beaune 1er cru, les Bressandes
La prise d’épaisseur est ici encore la bienvenue. Les arômes s’éclaircissent sur la fraise d’Espagne, avec son côté saillant, un peu végétal et moins sucré. Le vin n’atteint pas la gourmandise du Clos des Mouches mais rien de surprenant en cela, puisque c’est très souvent le cas. Et pour perpétuer ces identités, le maillage plus dense et carré des tanins requerra certainement des années pour mieux harmoniser l’ensemble.
B+/TB-, mais des raisons qui diffèrent du Meursault.
La fin de la dégustation marque le moment où il nous faut récupérer nos quelques cartons. Nous noterons pour la réservation de ces 2021 que la hausse tarifaire reste contenue même si l’essentiel de l’augmentation a eu lieu avec 2020.
Jean-François nous disait lors de nos premières venues préférer les millésimes chauds/mûrs. Son équipe et lui ne s’en tirent pas si mal sur une année qui l’est bien moins. Les Chardonnays aiguisés se font rares dans nos caves.