Philippe nous invite ce dernier vendredi soir, à quelques uns autour de délicieux plats, "juste pour se faire plaisir avec quelques petites bouteilles"...
Comme personne n'a pris aucune note, je serai plus que succinct; Pierre (Peterka) apportera peut-être plus d'éclaircissements...
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L'apéro, comme toujours au Champagne chez ce grand amateur de bonnes bulles, portera uniquement sur des rosés, trois en l'occurrence:
Le premier est le
Bérêche Campania Remensis 2004 dégorgé en 02/2018, 3gr/l, 60% Pinot noir, 30% Chardonnay, 5% Meunier, 5% de Coteaux Champenois Rouge de la Montagne de Reims.
Champagne très vif, à la belle acidité sur des petits fruits rouges (groseille, fraise, cerise), et des notes florales.
La bulle, fine, a encore pas mal de tempérament et quelques années devrait la tranquilliser quelque peu; tout cela (acidité certaine, bulle animée) rend le vin vibrant, nerveux mais en fait un très beau vin d'apéritif!
Très belle finale saline, sur la craie et de belles notes amères de zestes d'agrumes. Très bon équilibre.
Un peu de repos et de complexité ajoutés à l'élégance déjà présente et ce devrait être parfait.
Avec le
Bollinger "Grande Année" 2004 on monte en puissance, en densité, en ampleur.
La robe est "saumonnée". C'est plus vineux et c'est un Champagne (comme le troisième qui suivra) qui peut être le compagnon d'un beau repas. L'élevage, très bien intégré, est encore un peu perceptible, sur des notes grillées, des épices, la rose. Des fruits rouges (fraise, framboise) et des fruits confits accompagnent la palette complexe.
Superbe acidité qui équilibre la solide structure de ce magnifique Champagne qui fût mon préféré malgré l'ovni qui suit.
Ce troisième grand vin qui clôt la trilogie des Champagne rosés c'est
Dom Ruinart 1996.
(mode off: difficile d' échapper ici à des millésimes comme 1996 ou 2008... Sensibles des incisives ou sujets aux ulcères, il est préférable de passer votre chemin).
La robe fait plus évoluée, "œil de perdrix"(?). Bulles très fines.
Le nez est très complexe (tellement que j'ai du mal à rassembler mes souvenirs...): fraise, cassis, grillé, pomme très mûre aussi.
C'est vineux, intense; l'acidité du millésime est bien évidemment là mais pour participer à l'équilibre du vin qui est bien entendu délicieux mais je lui préférerai le classicisme du Bollinger.
--- Avec une superbe terrine de saumon, le maître ès surprises nous annonce deux blancs, offrant l'entièreté de sa cave à celui qui trouve les deux vins. Sacrée motivation!!! Même si, le connaissant bien, je juge les risques un tantinet limités...
Et cela dépasse toutes mes suspicions:
Ne cherche pas, lecteur courageux arrivé jusqu'ici; je t'explique:
Le premier est un
Assyrtiko Santorini, Volcanic Slopes Vineyards, Pure 2015
(Issu de l'association entre le propriétaire Manolis Chloridis et l'œnologue Matthew Argyros).
Les jeunes (enfin trop pour maîtriser le kéké...) s'engouffrent dans la porte grande ouverte du riesling (cépage chouchou de l'hôte), tant le vin embaume le silex, les hydrocarbures, le fumé, puis ensuite les agrumes. Les vieux, dont l'expérience leur faire craindre le pire, sont loin de se rattacher à l'origine alsacienne, bien plus évidemment par leur expérience du personnage que par leurs idées sur l'origine du vin.
Un tour d'Europe nous amène finalement sur la Grèce. Mais déjà foutu pour la cave...
Ceci dit, c'est largement mon vin préféré du duo, pour sa fraîcheur, son élégance et sa finesse.
Une belle acidité associée à son caractère sec (et bien trempé en même temps...) lui donnent largement ma préférence.
Le second est
Vinha Centenarria, D.O. Pico, Açores 2016
Le vin est ample, plus riche, sur les fruits jaunes à noyaux, le "volcanique".
Le manque d'acidité (pour moi en tout cas) me fait préférer le premier; belle finale saline.
Le vin a du caractère et pas mal de personnalité mais le rapport qualité/prix (a posteriori) me semble quand même difficile à justifier.
Bah! Tant qu'il continue à nous inviter, qu'il la garde sa cave...
--- Retour sur terre et dans le vrai monde de notre hôte avec, pour accompagner de très bonnes crevettes tigrées "snackées", deux beaux Riesling 2008:
Pour le premier, c'est assez facile, parce que très prévisible:
Albert Boxler, Sommerberg D, Alsace GC Riesling 2008
Là c'est le style de vin qu'on sait qu'on va boire ici.
Aromatique sur les agrumes, des notes minérales (qui "pétrolent" quoi).
C'est plus sur la finesse que la puissance, l'acidité équilibre bien le tout et le vin fait magnifiquement le travail à table.
Toujours des valeurs sûres.
Le second, à savoir
Veyder-Malberg Wachau Bischenberg Riesling 2008 est aussi très intéressant.
Ici, mon voisin de droite, bien connu sur le forum pour ses grandes connaissances mais dont la discrétion et l'humilité m'obligent à garder l'anonymat
, glisse à ceux qui sont déjà contents de dire "riesling" : "c'est Wachau, ça!" ..
C'est sûr que cela vous en met un coup; il reste juste à s'incliner.
En plus des notes classiques de minéralité, des agrumes et des fruits blancs à noyaux, puis abricot sec.
C'est pur, juteux, frais. Beau vin!
---Le duo suivant est servi avec un beau filet de sébaste sur beurre blanc.
Le premier est un
Meursault Premier Cru Genevrières 2005 de Mestre-Michelot
Pas beaucoup de souvenirs de ce Meursault, de suite identifié par son côté grillé, fumé, avec des notes d'élevage tellement excessives après 14 ans qu'on peut se demander si ce vin révélera un jour autre chose de ses qualités qu'on peut deviner par une belle matière, de l'amplitude, une fraîcheur bienvenue pour son équilibre, mais un boisé tellement caricatural qu'il éclipse le tout.
Son copain de service emporte, pour cela, mes suffrages:
Château-Grillet 2005
Il faut bien avouer qu'on a de nouveau pas mal ramé avant de tomber dessus...
Certains lui trouvaient des allures de Chardonnay (?) d'autres le voyait en Provence...
Dans mes souvenirs, le vin n'est pas d'une grande expression, d'un côté sur des notes minérales, de l'autre sur quelques fruits blancs.
Difficile en tout cas de sortir "Viognier" sur ce vin fin, délicat, avec quelques notes d'agrumes; bon équilibre et se boit facilement. Attention, ne nous trompons pas: c'est très agréable.
--- On passe sur deux rouges qui accompagneront une très bonne côte de porc, grenaille rissolées au beurre.
Il s'agit d'un duel du Rhône:
Le nordiste est un
Guigal, Château d'Ampuis, Côte-Rôtie 1995
Il faut dire, qu'ici aussi, pour cette paire, on cite vite Côte-Rôtie d'un côté et Beaucastel de l'autre.
Malheureusement, la cave n'est plus en jeu...
Le Guigal est bien en place et à boire à mon avis (alors que je vois encore quelques années d'avenir au Beaucastel; avis contraires autour de la table). Les tanins bien présents sont assouplis (tirez le "l" si vous voulez des nouvelles des convives), quelques fruits noirs, des notes de poivre, de tabac. Très beau vin.
Le sudiste lui tient tête:
Beaucastel, Châteauneuf-du-Pape 1995
Je lui trouve un côté fruité plus "frais" , plus "primaire" (si je me fais bien comprendre) que le Côte-Rôtie. Fruits rouges.
J'y ajoute, de mémoire, un beau boisé noble au nez, du cuir et une petite note végétale.
Peut-être pas le plus grand Beaucastel mais très plaisant. Très bon.
Difficile de dire une préférence, les deux ayant leurs qualités propres.
--- La paire suivante, accompagnant les fromages, sera une confrontation Bordeaux-Bourgogne sur un grand millésime.
Le Bordeaux est un
Château Lynch-Bages, Pauillac 1990
Ici aussi, le vin vite identifié à Pauillac.
Nez complexe, dense, sur la boîte à cigares, le tabac, le vieux cuir, le sous-bois et quelques fruits noirs.
La bouche est tout en souplesse, mûre et riche mais superbement équilibrée.
Un très beau Bordeaux, élégant, racé, sans doute à son apogée, et pour quelque temps encore. Délicieux!
Le Bourgogne en face est un
Chambolle Musigny 1er Cru "La Combe d'Orveaux" 1990 de Henri Perrot-Minot
Sans prise de notes, cela devient difficile; évidemment en finesse par rapport au Lynch-Bages, très frais, distingué et sur les fruits rouges. (Appel aux copains...)
--- Avec le dessert (et après...) deux "sucres", dont un monstre...
Je vous préviens que cela sera encore plus succinct (mais je vois des sourires de satisfaction derrière les écrans!), y connaissant encore moins en liquoreux qu'en vins secs.
Le premier est un
Pedro Ximenez Selecto, Garvey (?)
hyper-concentré, sombre, avec des reflets jaunes et verts sur la paroi du verre.
Nez intense sur les fruits secs, pruneau, figues, etc
Avec les photos, certains spécialistes vous en diront peut-être plus.
En tout cas, c'est très riche, concentré, complexe; un petit bémol, à mon niveau, sur l'équilibre.
Le second est un
Trockenbeerenauslese 1998 de Mönchhof
(assemblage de welschriesling, pinot blanc et traminer).
Celui-ci joue bien plus sur la finesse et surtout son acidité et sa fraîcheur équilibrent le tout malgré la richesse de base.
Encore un tout grand merci à Philippe pour les superbes bouteilles, les grands moments d''amitié et aux deux chefs pour la réalisation des beaux plats accompagnant la (longue!) soirée.
Merci au(x) lecteur(s)
jlj