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Une dégustation pointue d’Amphores sur la Loire

  • Jean-Loup Guerrin
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Une dégustation pointue d’Amphores sur la Loire a été créé par Jean-Loup Guerrin

Mon club « Amphores » de Bourges a innové, avec cette dégustation pointue organisée par l’ami Bernard ! 

Le principe était de présenter deux vins en semi-aveugle à la suite, avec leurs principales caractéristiques communes, mais des différences en termes de terroir et/ou de vinification.
Le thème général étant la Loire, les caractéristiques communes étaient la sous-région, et donc le cépage, et le millésime.
Pour les blancs c’est le millésime 2021 qui a été choisi et 2020 pour les rouges. Bernard, en bon connaisseur, n’a heureusement pas choisi l’inverse ! 

Pour chaque paire (en fait les deux vins étaient servis l’un après l’autre et pas en même temps), nous avons donc eu un « indice » et il s'agissait de faire correspondre les indices et les vins.

Première paire : vins de Chenin de Touraine-Anjou

Indice n°1 : terroir d'argile à silex en surface et sous-sol argilo calcaire, vigne de 80 ans.
Indice n°2 : terroir sablo-limoneux et calcaire, élevage de 12 mois, 50% en barrique et 50% en foudre.


Domaine Sébastien Brunet – Vouvray – Pentes de la Folie – 2021

 

La robe est parée d’un or clair bien brillant.
Assez intense, le nez propose une aromatique composée de tilleul, de fruits blancs et d’une touche de vanille.
La bouche est bâtie sur une certaine rondeur, une vivacité suffisante et une aromatique un peu moins expressive qu’au nez mais relativement gourmande. La longueur honnête reste dans ces évaluations moyennes de chacun des critères.
Bien ++ et certainement trop jeune pour monter plus haut mais il saura se présenter sous un meilleur jour à l'avenir.


Domaine Arnaud Lambert – Saumur – Brézé – David – 2021

 

La robe est proche de celle du vin précédent, avec peut-être un soupçon de profondeur en plus : on dira or moyen bien brillant.
D’une belle intensité, le nez est bien plus mûr avec ses arômes de caramel et de miel sur une assise de fruits jaunes.
L’attaque se montre riche et large, avec un boisé sensible, puis c’est une vigueur acide qui caractérise le milieu de bouche et lui procure une bonne allonge. Il est dommage que ces deux phases soient aussi différentes, ce qui entraîne à ce stade le qualificatif de dissocié.
Bien ++ mais tout est là et lorsque le bois, la matière et l’acidité seront alliées, nul doute que l’on aura affaire à un tout autre vin ! Dans cinq ans ?


Analyse : nettement plus d’acidité et de matière dans le second vin, ce qui fait pencher pour le terroir de silex plutôt qu’un sol sablo-limoneux léger, mais le boisé est quand même beaucoup plus sensible que dans le premier, ce qui me fait annoncer « indice 2 » pour ce second vin.
J’ai raison, mais cela veut aussi dire que l’élevage a nettement pris le pas sur le terroir…


Deuxième paire : vins de Sauvignon du Centre-Loire

Indice n°1 : terroir de silex, élevage de 12 mois, 50 % en amphore, 50 % en foudre.
Indice n°2 : terroir calcaire (caillottes), terrain très pentu, élevage de 12 mois en demi-muid.


Domaine Denizot – Sancerre – Damoclès – 2021

 

La robe d’une belle brillance oscille entre paille et or.
Le sauvignon explose au nez : c’est très variétal, sans aller jusqu’au pipi de chat évoqué par quelques-uns. C’est plutôt pour moi d’un grand classicisme de sauvignon d’un millésime frais : agrumes, avec surtout du pamplemousse, et arômes végétaux tels que le buis.
On retrouve un peu en bouche le profil du Saumur qui l’a précédé, avec une attaque ronde suivie d’une tension pierreuse qui prend le dessus, l’acidité devenant presque mordante. La différence est qu’une pointe de sous-maturité est notable.
Bien + et sans doute plus pour les fans de vins hyper-tendus, avec très certainement un meilleur comportement à table, en étant bien accompagné.
Mais je ne lui prédis pas une nette amélioration à l’avenir, en raison de son manque de matière et de fruité.


Domaine François Crochet – Sancerre – Exils – 2021

 

La robe est un copier-coller de celle du vin précédent, se situant entre paille et or et bien brillante.
Très intense, le nez offre des fruits blancs et des agrumes, teintés d’une note plus chaleureuse pâtissière.
La bouche aux contours arrondis est dotée d’une bonne ampleur. Elle est bien équilibrée par une belle fraîcheur et se développe en proposant un bon confort fruité. La belle tenue en finale parachève ce tableau abouti et convaincant.
Très Bien pour ce vin déjà très appréciable mais qui pourra aussi être attendu quelques années sans aucun problème.


Analyse : quand on me parle de deux des trois terroirs de Sancerre, le troisième étant les terres blanches, plus argileux, j’ai tendance à me focaliser sur ce critère. Et j’ai donc choisi l’indice n°1 pour le premier vin, le calcaire des caillotes donnant des vins plus ronds et le silex des vins plus tendus, d’autant que le millésime 2021 pouvait accentuer cette acidité donnée par le terroir de silex. Il n’y avait pas à attendre d’influence boisée ni pour l’un ni pour l’autre (demi-muid et foudre), mais j’aurais dû prêter une oreille plus attentive aux 50 % d’élevage en amphore (un contenant de plus en plus utilisé dans les différents vignobles) du premier indice. C’est ce paramètre qui a très certainement apporté cette rondeur et cette ampleur au deuxième vin, certainement en complément de raisins vendangés un peu plus mûrs que la moyenne.
Mais du coup c’est encore l’élevage qui a dominé le terroir…


Troisième paire : vins de Cabernet franc de Touraine-Saumurois

Indice n°1 : terroir dalle calcaire recouverte de graviers roulés, élevage de 12 mois en barrique.
Indice n°2 : terroir de tuffeau et de limon, élevage de 9 mois en œuf béton brut.


Domaine Antoine Sanzay – Saumur-Champigny – La Haye Dampierre – 2020

 

La robe est très sombre, et jeune, comme de bien entendu.
Le nez donne une impression d’intensité tout en paraissant comprimé, comme s’il ne pouvait délivrer tout ce qu’il a. Il dévoile tout de même de la framboise, qui évolue vers les fruits noirs, et de la réglisse, signe de surmaturité, ainsi qu’une infime touche contradictoire de végétal, mais là c’est le cépage qui parle.
La bouche se fonde sur une belle charpente et s’habille d’une chair dense au fruité mûr. Les tanins sont abondants mais gras, donc pas agressifs, en tout cas pour moi, d’autres dégustateurs étant plus négatifs sur ce point. L’acidité est très bien dosée, juste ce qu’il faut pour contrebalancer la matière riche et permettre une allonge en finesse.
Très Bien (+), une bonne appréciation qui tient sans doute compte de sa belle évolution attendue pour dans quatre à cinq ans, avec un style plus civilisé et plus de complexité.


Domaine Nicolas Grosbois – Chinon – Montet – 2020

 

La robe est très similaire, bien sombre et aux reflets bien violacés, peut-être un peu moins opaque.
Très expressif et prenant, le nez exhale un fruité pur de framboise, assorti d’une touche de cerise et d’une autre florale. C’est beau !
Le jus charnu est plus gouleyant que celui du Saumur-Champigny, effet accentué par des tanins fluides. Le fruité est exacerbé mais sans être solaire ni capiteux. La vivacité et la finale effilée participent à cet ensemble sur la finesse.
Très Bien et donc un vin pour pdf, que l’on peut déjà déguster et qui peut attendre un peu.


Analyse : cette fois-ci il n’y a pas photo, le tuffeau et l’élevage en œuf béton étant deux paramètres qui vont dans le même sens pour donner un vin charpenté, en tout cas en jeunesse. On peut penser que l’œuf béton n’a en tout cas pas contrecarré l’effet terroir et a seulement pour but d’arrondir les tanins.
J’attribue donc l’indice n°2 au premier vin, et c’est juste, sans surprise.


Quatrième paire : vins de Pinot noir du Centre-Loire

Indice n°1 : terroir argilo-calcaire, égrappage, élevage de 12 mois en barrique puis quelques mois en cuve et un an en bouteille.
Indice n°2 : terroir de terres blanches, vinification en grappes entières deux à quatre semaines, élevage de 12 mois en fûts de 228 et 400l puis 12 mois en cuve.


Domaine Pierre Morin – Sancerre – Bellechaume – 2020

 

La robe est plutôt sombre mais a déjà perdu ses reflets violets de jeunesse, sans gagner ceux d’évolution. Au passage, si on avait su le millésime sans connaitre le cépage ni même la région, on aurait pu parier pour un cépage peu teinté comme le pinot noir ; en effet, même avec une couleur sombre due à la très bonne maturité d’un millésime chaleureux, ces cépages, tels que le pinot noir ou le trousseau, perdent beaucoup plus rapidement que les autres leurs atours de jeunesse.
Le nez développe avec une grande intensité un grand fruité rouge, composé de fraise et de framboise, entremêlé d’arômes de cerise qui paraissent plus au second plan. Pour complexifier le tout, nous avons droit à des accents floraux et fumés.
La bouche adopte un profil droit et longiligne, tenue par de légers tanins. Mais j’ai aussi noté une chair aux fruits très mûrs allant jusqu’à donner une impression capiteuse. La finale plus épurée mais restant gourmande affiche une longueur intéressante.
Très Bien pour ce vin encore jeune, que je laisserais bien vieillir quelques années en cave si j’en possédais.


Domaine Jean Teiller – Menetou-Salon rouge – Rencontre – 2020

 

La robe assez sombre marque déjà un tout début d’évolution par de discrets reflets tuilés.
Au nez je ressens immédiatement un soupçon liégeux. C’est très faible car une seule bouteille devait être légèrement atteinte sur les trois qui ont été mélangées avant service. D’ailleurs nous devions être deux ou trois à le ressentir sur la bonne trentaine de dégustateurs. L’intensité d’ensemble est marquée et l’aromatique montre des fruits noirs et du cuir (tiens, tiens, pas classique pour un vin aussi jeune).
La bouche affiche un grand équilibre entre un charnu modéré, un fruité radieux (si on arrive à faire abstraction de cette once liégeuse qui persiste pour moi en bouche), une belle fraicheur et une finesse de grain. Nous louons tous la délicatesse de la finale persistante.
Très Bien si on oublie ce qui n’a peut-être jamais existé (!).


Analyse : ayant été un peu perturbé par le deuxième vin je me suis basé surtout sur ma description du premier, plutôt contradictoire. J’ai donc retenu « profil droit et longiligne, et tanins légers » ce qui m’a fait exclure les terres blanches (marnes et donc argiles prédominants) alors que la dénomination argilo-calcaire correspond quasiment au même terroir mais sur Menetou-Salon. Et j’ai donc attribué l’indice n°1 au premier vin, ce qui était faux.
Si on fait une analyse à froid, ce qui distingue les deux indices est principalement la vinification, après égrappage pour le premier et en grappes entières pour le deuxième. Si la rafle n’est pas mûre, elle va apporter des tanins asséchants au vin, mais si elle l’est, ce qui était certainement le cas en 2020, elle va affiner le vin sans affecter sa matière fruitée (merci à Gérald Standley du château Terrasson qui m’a appris cela). Et finalement mon commentaire du premier vin n’était pas si contradictoire, le profil droit et longiligne et les tanins légers pouvant être attribués à la vendange entière et la chair aux fruits très mûrs au millésime. Mais sur le moment je n’ai pas fait ce raisonnement…
En tout cas c’est encore une fois la vinification qui fait la différence, la variation de terroir étant faible il est vrai.


Un grand merci à Bernard pour avoir eu l’idée de ce format de dégustation !
L’échantillon était forcément très faible, mais ma conclusion est que, très souvent (trois fois sur quatre dans ce cas-ci), c’est la vinification, y compris l’élevage, qui fait la différence, et qui va même parfois contrecarrer les caractéristiques du terroir.
Est-ce une bonne chose ? Je laisse le lecteur LPVien se faire sa propre opinion…

Jean-Loup 
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16 Mar 2024 10:41 #1

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Réponse de ysildur sur le sujet Une dégustation pointue d’Amphores sur la Loire

Salut Jean-Loup,

A mon sens, la vinification et l'élevage marquent les vins, surtout en jeunesse. Avec le temps, le fameux "effet terroir" peut prendre le dessus.

De fait, en prime jeunesse,  il est plus facile d'aller chercher l'effet terroir via comparaison des différentes cuvées d'un même domaine ayant connu les mêmes vinification et élevage (sans même évoquer l'orientation, l'inclinaison des différentes parcelles, du climat, etc.).

Laurent
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16 Mar 2024 14:45 #2

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