La Grande Dégustation par DMC (Domaines, Maisons & Châteaux) - Pavillon Wagram, Paris
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L'agence DMC organisait un grand raout le même jour que Vinapogée (dont un CR se trouve
ici
). La liste des vignerons présents peut se trouver
ici
. Cette fois-ci, seuls les stands visités seront commentés. En matière d'organisation et d'atmosphère, il faut bien reconnaître que le Pavillon Wagram ne présente pas le même charme que le Pavillon Gabriel avec son bâti fatigué et l'étroitesse de la façade qui donne une légère impression étriquée. La grande salle au deuxième étage offre certes un volume impressionnant (le 3ème étage n'étant qu'un étroit balcon faisant le tour du plafond, pouvant donner une certaine anxiété aux personnes sensibles au vertige) mais j'ai trouvé les rouages organisationnels un peu plus bruts.
L'atmosphère était bonne et il y avait pas mal de vignerons très intéressants que je voulais goûter.
Alsace, Maison Trimbach
L'un des deux plus beaux stands visités par l'interaction avec le représentant et la gamme présentée. Dégustaton menée par Pauline Trimbach qui gère la commercialisation France & Bénélux et représentante de la 13ème génération, enthousiaste, charmante et d'une grande générosité dans ses apports. En effet, toute la gamme Grand Cru & affiliés (y compris FE en 2 millésimes, Clos St-Hune & Seigneurs de Ribeaupierre), le PN réserve "cuve 7", le Riesling Réserve ainsi que la verticale de gamme PG (réserve & réserve personnelle) étaient présentés.
Le style est toujours droit, racé et dénué de toute sensation de sucres résiduels sur toutes les cuvées à l'exception de FE 2015 dont le bond en maturité rapide a surpris l'équipe dans le vignoble.
Plus de détails sur le haut de gamme : le GC Brand 2019 est le 2ème millésime, il est pour le moment vraiment très frais et fin en bouche sur une sensation cristalline dénuée de fruits, ce qui me surprend ; mes expériences du cru chez ZH et Josmeyer étant des vins d'une gourmandise irrésistibles. Etant donné la vaste superficie du cru, les parcelles de la maison sont situées au sommet du coteau et explique peut-être un style moins matures que pour ZH & Josmeyer qui sont plus bas avec un peu plus d'argiles.
GC Geisberg 2018 était en magnum - vraiment le plus beau contenant à vin à mes yeux -, le sol calcaro-gréseux donnant un vin très puissant et intense qui tape mon rupteur d'exubérance il faut bien le reconnaître. Pour la petite histoire, c'est cette cuvée qui a fait franchir le pas de revendiquer les AOC Alsace Grand Cru à la maison. En effet, cette cuvée est basée exclusivement sur les vignes du couvent de Ribeauvillé qui leur furent confiées à partir de 2009 à la condition de préciser la provenance du vin ainsi que le cru. Le deuxième élément fut la modification des cahiers des charges des telles AOC vers un progrès qualitatif en 2011. La commercialisation date de 2015.
J'ai oublié de demander si la maison se réservait le droit d'exercer une "péréquation" entre leurs cuvées incluant du Geisberg (i.e : par exemple, en cas de grêlage de la parcelle fléchée FE, compenser avec les parcelles du couvent de Ribeauvillé).
Les FE 2017 & 2015 présentaient deux expressions différentes de ce parangon alsacien, le 2015 ayant une générosité et une "couleur" un peu plus exotique que l'expression "classique" du 2017. Il y a toujours cette trame pétrolée et de sel marin qui arrive à bout du fruit et c'est ma cuvée favorite de la maison.
CSH 2018 est bien évidemment un bébé mais cette deuxième expérience fut meilleure que le 1999 dégusté l'année dernière. La longueur en bouche est vraiment notable avec un arôme très complexe par ses sensations gustatives concentrant en même temps acidité, amertume, dose de sel et sensation satinée qualifié par Manuel Peyrondet de "caramel d'agrume" et qui me paraît approprié. Ou sinon, hommage à Eric B, les fameux trois "A" étaient présents.
Enfin, le Seigneur de Ribeaupierre qui est une sorte de pendant de FE en Gewurztraminer porte bien la patte de la maison avec un nez aromatique, une attaque également typique avant que la sensation cristalline cintre le vin, la vertu gastronomique étant canalisée par l'énergie et non le "gras sur les hanches".
Bourgogne (Mâconnais), Domaine J.A Ferret
2 Pouilly-Fuissé 2021, ainsi que 3 2022 dont un 1er cru présentés par le jeune et enthousiaste Clément Robinet qui a pris la succession de l'admirée Audrey Braccini.
Région que je ne connais que très peu, ce sont des chardonnays qui me plaisent bien, trouvant souvent que le fruité exotique typé acide (famille de l'ananas, fruits de la passion, carambole, noix de cajou) prend le pas sur les arômes de beurre et de noisette torréfiés souvent un peu monolithiques du fût bourguignon.
Tous les vins sont très jeunes, et peu déliés, l'effet millésime étant perceptible par les différences de maturité du fruit. Le 1er cru a une trame plus vive dans l'ensemble.
Le stand voisin étant celui du Château des Jacques où le représentant était parti en pause déjeuner, M.Robinet s'est contenté de verser les verres. Le Bourgogne blanc (repli autorisé pour cette parcelle) était jouissif dans sa simplicité comme peut l'être le Riesling Trocken de Dönnhoff, 8,45€ H.T, RQP très intéressant à mon humble avis pour avoir l'étiquette "Bourgogne".
Normandie, Eric Bordelet - Cidres et Poirés
Ironie quand tu nous tiens, la gamme présentée étant dans une optique "vinapogénienne" avec un jeune millésime, et un nettement plus âgé. Nous avons eu les grandes cuvées de chaque fruit fermenté (Sydre : pomme, Granit : poire, Cormé : ancien fruit sui generis).
Ce qui a surtout été intéressant a été de constater que le poiré a évolué nettement plus que le cidre; En jeunesse, c'est le poiré qui a la meilleure sensation filigrane, avec la douceur de poire effacée par cette impression de roche. En vieux millésime, le même prend des arômes de miels qui changent nettement l'expérience. Le cidre est beaucoup plus stable.
Le cormé est une boisson aux vertus gastronomiques indéniables avec son fil d'amertume sur une impression là aussi cristalline. Le champs des possibles en matière d'accords me paraît très important. La difficulté étant le prix qui est un frein, étant déjà élevé pour un vin alors avec la barrière culturelle, ceci ne facilite pas sa notoriété.
Languedoc, Héritage du Pic Saint-Loup
Il semblerait que toute la gamme était là (1 blanc, 3 rouges), la plupart tirés du fût (la mise en bouteille arrive incessamment). Bon contact avec le représentant.
1ère rencontre avec le domaine et je serai pour une fois lapidaire : épaté. Pas de sensation d'alcool, soyeux au palais, agréable et complexe en goût, longueur en bouche plaisante. Le Guilhem Gaucelm a encore plus brillé que les autres ; pourtant ni à la vigne ni à la cave cette cuvée n'a de traitement de faveur dixit le représentant. Sur cette expérience, l'étoile du domaine ne m'a pas paru usurpée.
Irouléguy, Domaine Bordaxuria
Le domaine voisin de mon exte à Ispoure. Elorri était là, que j'avais déjà vu au salon "Les vins de mes amis" le 20 novembre et dont j'ai déjà posté un retour dans le fil du domaine.
Les vins étaient bons et mon opinion n'a pas changé.
Ayant vu un dynamiseur chez eux il y a deux ans, j'ai posé la question sur la biodynamie et j'ai trouvé la réponse très intéressante. En 2023, ils n'ont pas eu le temps pour appliquer les méthodes biodynamiques au vu des conditions météorologiques très compliquées à la vigne et il fallait bien s'occuper (sic) de la récolte. N'étant pas là pour faire de la maïeutique, je n'ai pas poussé mes pions plus loin
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Côtes de Duras - Domaine Mouthes le Bihan
Une grande partie de la gamme dégustée, en blanc, rosé et rouge. Bon contact avec la vigneronne.
J'ai trouvé les vins agréables, propres mais je ne saurais dire s'ils étaient typiques par manque de connaissance de la région. D'après le carnet, c'est une vinification risquée mais je n'ai pas perçu de défauts sur les échantillons en tout cas.
Valande & Transadine à Bordeaux
L'importateur de vins du monde ne pouvait que susciter mon intérêt. Au stand se trouvaient M.Soubie (patron-fondateur) et M.Cantau qui sont les chevilles ouvrières de l'entreprise. Par définition, la sélection la plus éclectique qui soit avec une quinzaine de vins de divers horizons. La conversation fut enthousiaste, frénétique et très plaisante.
Le style de la maison est plutôt de chercher des vins fins, peu bodybuildés et de terroirs originaux. J'ai trouvé le blanc et le rouge sud-africain très bons, quoique la syrah avait encore un peu de réduction qui accentuait le côté lardé. Leurs prix en font des compétiteurs redoutables en tout cas, y compris sur tables françaises et marge de l'importateur inclue.
Les deux albarinos espagnols ainsi que le rouge étaient des vins de montagnes, très éloignés des archétypes. L'un des blancs étant une petite solera légèrement oxydative donnant un vin étonnant.
Les vins de Sottimano en Italie étaient très bons, le Barbaresco Pajoré 2020 étonnamment approchable par rapport au 2018. Les tanins impriment encore une forte présence mais qui n'est pas astringente et le développement aromatique est déjà fort joli.
C'est quand j'ai vu que l'on pouvait goûter le BF de Moric que je suis venu au stand et la conversation est partie façon turbine à gaz qui embraie. C'est l'entrée équivalente à la BF d'Uwe Schiefer goûtée le mois dernier (cf fil du domaine) avec un style plus puissant.
Enfin, il y avait l'Auslese Gutswein du domaine Wittmann en Rheinhessen avec une saveur d'arlequin gourmande en diable.
Bien entendu nous avons discuté prix, biais de marque, distribution et comme il y avait un vin allemand, ma monomanie a pu librement s'exprimer. Ce n'était peut-être pas le plus intelligent tactiquement de ma part mais le stand avait en face d'eux le paradoxe d'un interlocuteur enthousiaste mais pas client et qui a continué à leur dire les vrais prix qu'il payait en tant que particulier qui a investi du temps pour trouver ses circuits
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On a pu discuter vins de Prädikat et producteurs allemands vu qu'ils m'ont dit être intéressés par étoffer la gamme en Prädikat, la sommellerie française commençant à les redécouvrir. Quelle ne fut pas ma surprise d'apprendre qu'ils ne connaissaient pas Peter Lauer, Rheinhold Haart ou Weiser-Künstler ! Et pour faire bonne mesure, je leur ai indiqué Uwe Schiefer en Burgenland qui peut être un bon complément de Moric pour mettre en valeur la finesse du BF (je n'allais pas leur "dévoiler" Kirschgarten de Josef Umathum non plus
!).
Merci de m'avoir lu.