Moi qui suis niçois, je peux affirmer qu'il n'y a pas toujours besoin d'aller voir sous les galets pour trouver la plage
. Mais dans ce cas précis il a effectivement fallu sortir des galets roulés pour trouver le sable qui constitue le terroir de certains Châteauneuf-du-Pape, et pas des moindres !
Après les vins blancs du Roussillon, ce sont donc les rouges de Châteauneuf-du-Pape rouges sur sable qui ont formé le thème de la deuxième partie de la dégustation.
Les dégustateurs de LPV78 sont en effet des pdf et certains n’ont accepté le thème qu’à condition de limiter les vins à cette catégorie.
Nous aurons droit à trois triplettes.
Première triplette : les millésimes pairs et jeunes
Clos St Patrice – Châteauneuf-du-Pape – 2018
La robe est moyennement sombre et montre étonnamment des signes d’évolution sur la frange du disque, qui a perdu ses reflets violets et commence même à prendre une teinte tuilée.
Le nez complexe envoute par sa palette aromatique très variée, avec des petits fruits rouges, des senteurs florales, du chocolat, de l’orange sanguine et du sous-bois. C’est très fin et on y revient sans cesse !
La bouche poursuit dans la même lignée, empreinte d’une élégance de bout en bout. L’aromatique addictive se double d’un toucher soyeux formidable et la superbe fraîcheur maintient le vin dans un style épuré et classieux. La longue finale précise reste sapide et raffinée.
Excellent (+)
On peut hésiter entre deux qualificatifs pour ce grand vin : reynaldien ou bourguignon !
Quel beau choix, audacieux, d’avoir servi ce vin en premier ! Ce sera indéniablement le rouge (et le vin) de la soirée, mais c’était aussi le plus fin.
Le Grand Pin – Châteauneuf-du-Pape – Chapelle St Théodoric – 2020
Le grand pin, c’est celui qui sépare la propriété de Rayas…
La robe assez sombre est elle aussi ourlée de reflets tuilés.
Le nez intense propose de beaux fruits noirs, mais frais, d’autant qu’ils s’accompagnent d’une touche mentholée.
La bouche bien charnue mais enjouée affiche une rondeur aimable. Les tanins civilisés et le grand fruité participent au plaisir qui se poursuit dans la finale de grande expression.
Très Bien +
Domaine Charvin – Châteauneuf-du-Pape – 2016
La robe est plutôt sombre, ni jeune, ni âgée.
D’une belle intensité, le nez exhale des fruits noirs, du cuir noble et des herbes aromatiques avec notamment du thym.
La bouche est dotée d’un fruité mûr mais la chair au grain serré paraît un peu bloquée, sans pouvoir se libérer, notamment en longueur. Des petits tanins solides participent à cette impression de fermeture, alors que l’on ressent le potentiel.
Très Bien et à attendre au moins cinq ans en toute sérénité.
L’ordre de la triplette, de haut niveau, a été très bien choisi, allant du vin le plus fin au plus puissant, mais forcément pas en allant vers le meilleur sur l’instant…
Deuxième triplette : millésimes d’âge moyen
Domaine de Cristia – Châteauneuf-du-Pape – Renaissance – 2015
La robe sombre est déjà tuilée sur le pourtour du disque.
Le nez plutôt généreux offre des fruits noirs très mûrs et du chocolat, le côté chaleureux étant tempéré par des notes de suie.
La bouche est à l’avenant, pleine et confortable, au profil large, mais bien contrebalancée par une vivacité bienvenue. Les tanins assagis contribuent à donner une impression de finale en puissance, qui chauffe un peu au réchauffement dans le verre.
Très Bien +
Mas-Saint-Louis – Châteauneuf-du-Pape – Les Arpents des Contrebandiers – 2016
La robe très sombre laisse entrevoir de beaux atours d'évolution.
Bien intense, le nez se base sur un fruité noir mûr et évoque un univers chaleureux avec des notes chocolatées, bien modéré par des touches mentholée et d’herbes sauvages rafraichissantes.
La bouche joue dans un registre droit et longiligne, accentué par une fraîcheur sanguine de toute beauté. Elle s’allonge superbement, sans aucune entrave de tanins, toute en finesse.
Très Bien ++
Domaine Eddie Féraud – Châteauneuf-du-Pape – Cuvée Raisins Bleus – 2014
La robe est bien sombre et montre quelques signes nets d’évolution.
Le nez développe avec générosité une aromatique de fruits noirs frais, pas du tout compotés, teintée de notes épicées.
La bouche ample et souple est bâtie sur une matière mûre et une acidité bien calibrée mais au niveau bas de la fourchette optimum. La finesse de tanins est appréciable et la finale se révèle plus sérieuse que le corps de bouche.
Très Bien (+)
L’ordre de service s’avère moins optimum que pour la première triplette : MSL – Féraud – Cristia aurait été meilleur, mais ce n’est pas un problème car, ayant les trois verres en face de nous, on peut, après un premier essai, modifier à notre guise l’ordre de dégustation.
Troisième triplette : millésimes d’une bonne dizaine d’années
La Pialade – Côtes du Rhône – 2009
Il s’agit seulement d’une moitié hors thème car cette cuvée est issue pour 50 % des jeunes vignes de Pignan.
La robe assez sombre est brunie sur la frange, cette teinte gagnant même vers le centre du disque.
Très ouvert et foisonnant, le nez propose du cuir, des fruits compotés, du sous-bois quelques notes sanguines.
C’est la magnifique élégance qui frappe en bouche, qui est construite sur un équilibre abouti de vieux Châteauneuf-du-Pape. La grande vivacité participe à la sensation de grande finesse ainsi qu’à la longue finale évanescente.
Très Bien ++ / Excellent
Domaine de la Janasse – Châteauneuf-du-Pape – Chaupin – 2010
La robe est sombre et tuilée sur le pourtour.
Très ouvert, le nez développe des fruits noirs plutôt frais ainsi que de la framboise, ainsi que des touches plus impactantes d’encre.
Le profil de la bouche est d’abord longiligne, avec une bonne fraîcheur, peu d’épaisseur et une aromatique épanouie. La finale est plus chaleureuse pour ne pas dire cossue, et cette caractéristique s’étend même à l’attaque lors du réchauffement dans le verre.
Très Bien +
Domaine de la Janasse – Châteauneuf-du-Pape – Chaupin – 2007
La robe est sombre et le beau dégradé sur les bords du disque se teinte nettement des couleurs tuilées de la maturité.
Le nez bien expressif virevolte entre des senteurs de mûre et de chocolat, et des notes trahissant l’évolution comme le pruneau et le cuir.
La bouche est chaleureuse et puissante, dotée d’une trame dense et d’une aromatique riche. L’acidité est juste suffisante pour tenir le vin debout, pas assez pour l’équilibrer. La finale plus pointue laisse espérer une meilleure pondération pour dans .. dix ans ?
Très Bien (+) mais pas pour un pdf car cette bouteille confirme l'extrême richesse du millésime 2007 sur C9P.
Sur cette triplette l’ordre choisi a donc été parfait, chaque vin montant nettement en puissance par rapport au précédent.
Mais mes notes vont dans le sens inverse… Un signe ?
Un after pour le dessert
Clos Benguères – Jurançon – Le Chêne couché – 2011
La robe est parée d’un or profond et lumineux.
Le nez à l’intensité prononcée me parait d’une grande lisibilité par son aromatique qui combine ananas, notes et exotiques et de champignon.
La bouche coche toutes les cases d’un très beau liquoreux : aromatique séductrice, sucrosité parfaitement fondue dans la belle matière de grande maturité et bonne acidité. La résultante s’avère d’une digestibilité à toute épreuve, d’autant que la finale s’étire toute en finesse.
Très Bien +(+)
Dans l’ensemble, les vins ont montré une grande finesse, grâce en grande partie au sol sableux. Il y a eu quelques exceptions soulignées par Benji, mais ces vins plus structurés, en raison du millésime et/ou de la vinification, étaient également de haut niveau.
Encore un grand merci à Greg pour l’organisation et pour ce superbe cadeau du Clos St Patrice.
Jean-Loup