Je ne vous ai pas encore parlé de Samson qui m'a pourtant beaucoup occupé durant ces 3 jours à Surgères. Ce berger des Pyrénées m'a rappelé une chienne que j'avais il y a 25 ans, qui me tenait compagnie lorsque je travaillais dans les vignes. J'avais l'impression d'être en contact avec sa réincarnation tellement son comportement était proche. Lorsque je suis en salon professionnel, je commence souvent à déguster à 9-10 h le matin. Cela ne m'a donc pas choqué lorsque Daniel m'a proposé de découvrir deux vieux millésimes de Jurançon moelleux du
Clos Uroulat vers 10h15. Cela relève presque de l'apéro
L'étiquette est très abîmée : je ne vous montre donc que le verre de ce
1980. La robe est magnifique, entre or et cuivre liquide. Le nez très expressif est dominé par la truffe noire (et non blanche comme souvent en Jurançon), complétée par le safran et l'écorce d'orange. Le bouche est élancée, étirée par une fine acidité tranchante, avec une matière concentrée, intense, presque tannique, devenant même légèrement accrocheuse . L'aromatique est très confite, avec une pointe d'encaustique, et la truffe qui n'a pas dit son dernier mot. La finale est intense, séveuse, avec une liqueur bien intégrée et une grande fraîcheur, le tout persistant longuement sur l'orange confite et le safran. Dommage que la texture un brin rustique ne soit pas à la hauteur du reste, car on passe pas loin d'un grand vin.
L'étiquette de l'
Uroulat 1979 présente mieux. Sa robe or-angée est superbe. Le nez est très fin, rappelant la crème catalane qui vient d'être caramélisée. La bouche est ample, aérienne, caressante, avec une matière d'abord très douce, puis plus rustique en fin de bouche, avec une accroche plus marquée que 1980. Mais on l'oublie vite avec une finale explosive sur l'orangette, prolongée par la mangue séchée et une légère truffe. Là encore, s'il n'y avait cette imperfection de texture, le nirvana serait proche.
Non, nous ne sommes pas tombés dans l'alcoolisme, puisqu'il fallu patienter deux heures jusqu'au verre suivant. Cette cuvée
Nath 2022 signée
Cantillon a accompagné le repas de midi. C'est une macération de rhubarbe dans un Lambic de deux ans d'âge. Cela me rappelle le vin de rhubarbe vosgien que j'ai déjà eu l'occasion de déguster, si ce n'est que la pétillance est plus fine, et la finale totalement sèche. Ce qui lui donne un côté assez austère (les SR, c'est tout de même bien venu, de temps en temps).
L'accord avec les praires gratinées vaudrait 2/5 sur l'échelle de Jean-Loup. Aussi me suis-je resservi du Châteauneuf blanc de Charvin (voir épisode 1). C'était beaucoup mieux (3.5 /5)Deviendrais-je sobre ? Je n'ai pas réclamé ma bouteille de rouge avec le très bon boudin rôti sur la braise accompagné de sa purée robuchonnesque. Avec les fraises qui amenaient leur dose de sucre, la Nath de Cantillon gagne beaucoup en gourmandise. On a même l'impression qu'il y a de la fraise dedans (accord 4/5).
Mon après-midi s'est passé entre l'observation de tortue, la promenade du chien et des heures en cuisine à préparer une sauce inédite. L'objectif est de créer un lien gustatif entre une pièce de boeuf et trois châteauneufs rouges (nous y reviendrons plus tard). J'ai d'abord fait revenir une vingtaine de grosses échalotes dans de l'huile d'olive avec du guanciale finement tranché. Puis j'ai versé une bouteilles de Lantignié un peu entamée (que j'ai goûté pour la science, c'était bon), à laquelle j'ai ajouté des olives du jardin désamérisées, du thym, du romarin, de l'origan, une orange (zeste et jus), et laissé réduire jusqu'à ce qu'il n'y ait plus de liquide. J'ai alors versé une bouteille d'un Lussac-Saint-Emilion 1986 dont Daniel n'avait pas l'utilité (là aussi, j'ai goûté : pas mauvais, mais ne cassait trois pattes à un canard), et j'ai laissé réduire à petit frémissement [ce qui m'a permis d'aller faire une longue balade avec Samson en ne m'inquiétant pas trop ]Dans le même temps, le jus d'une douzaine d'oranges a commencé à réduire tout aussi tranquillement afin de faire la sauce des asperges blanches qui seront servies en entrée. Quand la sauce au vin rouge a eu la texture idéale, je lui ai ajouté de du piment d'Espelette maison (sic), un carré de chocolat noir, une grosse noix de beurre, et un tour de moulin de poivre des cîmes. Elle a ensuite reposé tranquillement jusqu'au repas du soir. Quand le jus d'orange a commencé à devenir sirupeux, j'ai ajouté du beurre et du sel et bien fouetté le tout. En toute fin, j'ajouterai deux jaunes d'oeuf pour faire une sorte de sabayon. Mais juste quelques minutes avant de servir afin qu'ils ne surcuisent pas.
[justify]C'est
apéro time sur la terrasse, avec une bulle que je ne connais pas : un
Champagne Brut Coup de foudre 2018 de
Pierre Leboeuf.(Grand Cru de Aÿ, 50 % Pinot noir, 50 % Chardonnay). La robe est or pâle. Les bulles sont très fines. En bouche, on est presque plus sur du
frizzante que sur une effervescence classique (ça rappelle Pierre Charlot). La matière ronde, ample, est d'une grande finesse tactile, avec une subtile vinosité apportée par le PN. L'aromatique délicate, entre cédrat et fruits secs, est totalement raccord. Le dosage brut ne se fait pas sentir dans une belle finale finement crayeuse. Un Champagne tellement fin que nombre de personnes risquent de passer à côté, habitués qu'ils sont à des bulles plus percutantes (euphémisme)[/justify]
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Aïe, aïe, aïe, une autre bulle d'Aÿ : cette
Cuvée Réservée Brut de
René Roger m'a quasiment plus séduit, car elle encore plus sobre que le vin précédent, avec une minéralité plus marquée. Les bulles sont un poil plus présentes, mais toujours aussi fines. Aromatiquement, on est sur la poire et la caillasse, avec une toute petite pointe d'agrume pour rafraîchir. C'est fin, très rafraîchissant, élégant. Et correspond bien dans ce que je recherche dans un BSA "de base". Le prix au domaine est ahurissant (15.60 €). Je vais en acheter rapidement avant que ça n'augmente ou qu'il ait été dévalisé...
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[justify]Les asperges ont été cuites
al dente environ 5 mn dans une eau tout juste frémissante. Puis elles ont été refroidies de suite pour stopper le cuisson. Elles ont été tiédies au moment de servir.
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[justify]Je m'en veux un peu d'avoir choisi ces
Vieilles Vignes Eparses 2002 de
Bellivière dans la cave de Daniel. Je m'étais dit qu'avec
une grande cuvée en grande année d'un grand producteur, ça allait tout péter. Et en fait, pas du tout. Alors, oui, il est raccord aromatiquement avec le plat, mais en terme de puissance, il est totalement écrasé par la sauce. Il aurait mieux fallu dégotter un demi-sec en Vouvray ou Montlouis. Je l'ai rebu le lendemain midi : on est un sur un vin très fin, aérien, avec une matière caressante, délicate, tendue par une belle acidité ciselée, et finissant bien sec, sur la gelée de coing et l'orange. Plus un vin pour un carpaccio de Saint-Jacques
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[justify]Lorsque nous étions descendus à la cave le matin, Daniel m'avait demandé quels vins je voulais goûter. Je lui avais dit avoir gardé un très bon souvenir du
Mont Olivet 2008 bu il y a une dizaine d'années. Je serais ravi de voir son évolution. Daniel m'a alors proposé de le comparer ) à deux autres vins du même millésime : celui de
Charvin et de
Ferrand. Banco !
CDP Domaine de Ferrand 2008 : la robe est vermillon légèrement évolué. le nez est fin, épicé, sur les fruits compotés et les épices douces. La bouche est fine, élancée, déployant une matière soyeuse, presque séveuse, avec une aromatique dominée par les fruits bien mûrs et les épices. La finale toute aussi épicée présente une mâche qui contraste un peu trop avec la finesse perçue en bouche. C'est pas mal, mais ça manque un peu d'harmonie.
CDP Clos du Mont Olivet 2008 : la robe est proche. Le nez plus frais, plus friand et plus complexe, avec même une touche florale. La bouche est plus tendue, plus fraîche, avec une matière très fine, tonique, et un fruit pur, sans surmaturité ni trop d'épices. La finale est fraîche, savoureuse, pleine de peps, sur des notes garrigue et de framboise. Un régal !
CDP Domaine Charvin 2008 : la robe est proche. Le nez est plus confit, plus lourd. La bouche est ample riche, suave, avec un alcool plus marqué, La finale est toute aussi riche et exubérante. Fatiguant.
Je m'étais fait une (belle) idée de ce millésime à travers ce Mont Olivet et les vins de Reynaud (Fonsalette, Pignan, Rayas). Après cette dégustation, je me dis que tout n'est pas du même tonneau...[/justify]
Et voici la viande et la sauce qui accompagnaient ce trio. Je crois que c'était du paleron. Je n'en avais jamais mangé de l'aussi bon. L'accord fonctionnait très bien.
Nous avons fini sur un
Pineau des Charentes François 1er Grande réserve du
Domaine des Gatinaud. (15 ans de vieillissement en vieux fûts de Cognac). Une robe cuivrée / ambrée. Un nez très complexe sur le rancio, le café, la figue et les épices douces. Une bouche opulente d'une grande fraîcheur, toujours aussi complexe aromatiquement. Une longue finale sur les épices et les fruits secs, avec une pointe d'agrume confit et de café.
Une sacrée soirée, aurait dit JP