La Vénétie à la volée
Me voilà de retour d'un périple de 2 semaines en Italie, essentiellement dans le Nord-Est, où j'ai eu l'occasion de goûter quelques vins sympathiques sans logique particulière et sans être axé sur la recherche permanente de la pépite ou du truc pointu : ne connaissant que peu la région, j'ai préféré me laisser bercer par la spontanéité et une certaine naïveté pour découvrir sans pression. Voici donc au déboté une petite série de vins dégustés ainsi que le CR, plus systématique peut-être, de l'unique visite de domaine que nous avons réalisée (en second post).
Masi, Valpolicella Classico "Bonacosta" 2021
Beau Valpo équilibré, et je ne suis pourtant pas un fan inconditionnel du Corvina. Jolie trame de fruits rouges avec toujours ce cortège herbacé et ces amers dominants de milieu de bouche qui ne sont pas sans rappeler le vermouth, sur le romarin et l'estragon, mais dans des proportions mesurées et n'empêchant pas la fraicheur et l'équilibre.
Bien + / Très bien - / 15/20
Tenute Ca' Botta, Tenuta Costa Rossa Valpolicella Ripasso Superiore 2016
On entre dans le beau Valpolicella évolué et équilibré sur un beau millésime. Les amers végétaux sont désormais fondus et le nez respire la sérénité suave sur un cortège de notes cacaotées, cuir, chocolat truffé, tabac, le tout se prolonge en bouche sur une structure déliée, libérée de ses tanins et de sa trame végétale, riche dans l'aromatique et potentiellement un peu molle mais la volupté cacaotée de la gamme aromatique a un charme indéniable, et ce sans aucune lourdeur d'alcool.
Très bien - / 15,5/20
Farina, Amarone Della Valpolicella Classico "Masegne" 2020
Bon, il n'étonnera personne que c'est beaucoup trop jeune et que ce n'est clairement pas un vin de terrasse au soleil en plein milieu du mois d'aout. Le vin est encore engoncé dans sa densité, avec un alcool indéniablement présent et une aromatique dense voire massive fermé, sur la sauce au chocolat, les fruits noirs, la prune. A oublier quelques années en cave et à sortir sur une daube de sanglier au creux de l'hiver ou même simplement à boire pour lui-même.
Bien + / Très bien - / 15/20
Castelli Martinozzi, Brunello di Montalcino 2018
Très joli Brunello d'entrée de gamme bien représentatif de son appellation. Nez classique à l'aromatique unique et assez kaléidoscopique sur des notes rappellement le Coca ou le Dr Pepper "mais en bien", le thym, la garrigue, le sirop pour la toux, les pruneaux au romarin, et un certain boisé aromatique presque sur l'encens, mais tout ce beau monde qui sur papier peut paraitre lourd est maintenu en lévitation par une infime touche de volatile ultra pertinente dans ce contexte. Même équilibre en bouche.
Très bien + / 16.5/20
BelColle, Barolo "Ca' dell'Oss" 2018
Très plaisant, c'est évidemment loin d'être le Barolo le plus complexe de la planète mais sa relative simplicité sur un millésime 2018 plutôt axé sur le charme évident que le mysticisme et la garde interminable aboutissent à un résultat diablement plaisant et approchable. Aucune note empyreumatique de nebbiolo renfrogné et bu trop jeune, ici le nez et la bouche sont déjà ouverts sur leur charme aromatique unique, fraise écrasée, framboise, champignon cru, laurier, chlore, et aciditué tout juste en bouche.
Très bien + / 16.5/20
Nada Fiorenzo, Barbaresco 2018
Un de ces vins qui demande patience et attention absolues. Sans aération et initialement servi trop chaud, le vin est aromatiquement mutique, ce qui est rare pour 2018 dans la région à ce qu'on dit, même si la trame de bouche est déjà belle. Quelques minutes de plus et quelques degrés de moins révèlent un nez d'une subtilité totale, sur la fleur de cerisier, le thé glacé à la menthe fraiche, la pèche blanche. Un niveau de raffinement aérien guère égalé que par le pinot, à mon humble avis. Ce nez restera probablement le souvenir vinique du voyage : il n'y a pas grand-chose qui se passe, mais il y a comme une toute petite perle olfactive absolument fascinante qui suffit à captiver. La bouche suit, équilibrée, sur la framboise et la fleur de cerisier, en gagnant en complexité au fil des verres : le vin donne l'impression d'une bouteille vivante qui aura bien évolué au cours du repas et proposera sûrement une belle évolution. Je serais ravi de recroiser ce domaine dans le futur.
Très bien + / 16.5/20 mais bridé par le fait d'être probablement bu trop tôt et mention spéciale au raffinement qui sera inégalé sur le séjour
Kellerei Meran, "Graf von Meran" Riesling-Unterberger 2020
Beau riesling italien bien équilibré et bien sous tout rapport, sans pour autant créer d'émotion particulière. Jolie trame terpénique et agrumique au nez, on ne peut pas se tromper de cépage. Bouche peut-être un rien joufflue avec cette pointe de fruit jaune typé abricot dont je ne suis pas spécialement fan dans le riesling, même si ici ça reste très mesuré contrairement à d'autres. Mon coeur reste ancré en Alsace quand il s'agit de ce cépage qui compte parmis mes préférés, mais cet italien ne démérite pas !
Bien + / Très bien - / 15/20
Les trois vins suivants seront dégustés dans le cadre de l'accord mets-vins fort bien exécuté du très, très recommandable restaurant Pietra Rossa à Venise, perle bien cachée mais qui propose de la belle gastronomie fine mais sans prétention à un prix accessible avec un accord vin osé (dans le sens de commencer sur deux rouges pour finir sur un blanc notamment, et de proposer des cépages très peu connus) mais pas prétentieux dans le sens où ça marche très bien, les vins sont lisibles et les accords fonctionnent.
Tatsis (Macédoine grecque), Negoska Rosé "Angel's Heart" 2020
Premier contact réussi avec ce cépage Negoska qui compte parmi les grands classiques de la macédoine grecque. Au nez d'ailleurs, on peut facilement d'ailleur percevoir une parenté avec son meilleur copain, le Xinomavro. Ici on joue la carte du rosé soutenu, en couleur notamment, sur un violacé translucide qui pourrait passer pour un Tavel. Le nez et la bouche sont simples mais très efficaces sur un combo de cerise noire, tomate sucrée et goudron soutenu par une parfaite petite touche de volatile. Top !
Très bien - / 15.5/20
Davide Xodo, Tai Rosso "Sessantaquattro" 2022
Pas totalement convaincu par ce Tai Rosso qui propose une aromatique un peu lourde, très axée pruneau d'Agen et raisins secs même si leur rendu respectif est très net. La bouche est équilibrée, il n'y a pas d'alcool ou de tanins marquants mais l'aromatique un peu cuite manque de fraicheur. L'accord osé sur des pates à la betterave rouge et aux moules est étonnamment très convaincant.
Bien + / 14.5/20
Elios, Modus Bibendi Grillo Bianco 2021
Bien fait mais peut-être un brin "violent" pour moi, blanc un peu typé nature et surtout un peu typé macération pelliculaire (y en a-t-il ?) avec un nez proposant du coing, de la pomme, du miel sec et une volatile assez puissante mais pas déséquilibrée. La bouche a une trame puissante, centrée sur une acidité volatile qui se fait sentir et des amers prégnants, quasi "orange" oui, tanniques, autour du coing et de notes feuillues et fulligineuses. Pas sans complexité ! Finale miellée mais clean, pas lourde.
Bien + / Très bien - / 15/20
Très belle expérience dans ce restaurant donc, n'hésitez pas à y faire un saut si vous passez dans le coin.
On continue à voguer de terrasse en terrasse …
Foradori, Teroldego "Lezèr" 2022
C'est bon, c'est net, c'est lisible, un teroldego sur des notes de pierre bleue chaude (type terrasse sous le soleil), de cerise noire fraiche et de cendre. Bel équilibre frais et fruité en bouche avec cette minéralité pierre bleue qui se poursuit. Pour autant, ce n'est pas follement complexe (ce n'est d'ailleurs sans doute pas le but de la cuvée) alors que, Foradori oblige, ça n'est déjà pas si peu cher que ça pour du pur glouglou. Mais c'est bien fait, indéniablement. J'aurai probablement l'occasion de goûter ses autres cuvées via des amis prochainement, et j'ai assez hâte.
Bien + / Très bien - / 15/20
Facchetti, Franciacorta Brut
Sympa, c'est bien fait sur une dualité intéressante entre nez extrêmement lacté et bouche néanmoins batie sur une colonne vertébrale très sèche, lactée dans son aromatique toujours, avec un soupçon de banane, pas sans évoquer une aromatique de chardonnay du nouveau monde mais avec un équilibre qui ne tombe pas dans le mou. Mais niveau complexité ou longueur, on ne va pas beaucoup plus loin que ça.
Bien + / 14.5/20
Rocca Bernarda, Friulano 2020
C'était mon premier Friulano mais, comme ça se vérifiera sur plusieurs autres, c'est définitivement un cépage que je ne comprends pas. L'aromatique est systématiquement ... vide, on est niveau ugni blanc voire moins, quasi totalement neutre au nez, en bouche à la limite un soupçon de fruit blanc et d'herbes aromatiques mais il faut déployer des trésors d'imagination pour les trouver. Du coup tout ce qui reste pour séduire, c'est un gras de texture important ... mais pour habiller quoi, finalement ? Je serais curieux de savoir si d'autres ici partagent mon ressenti pour le moins circonspect face à ce cépage.
Assez bien / 13.5/20
Masut Da Rive, Pinot Nero 2020
Un Pinot Noir Italien bien fait et assez passe-partout mais sans jouer vraiment dans la finesse et du coup sans susciter d'émotion plus que ça. Nez et bouche sont raccords autour d'une expression franche de fruits rouges mûrs avec une toute petite pointe confiturée, jolie matière sans pour autant être tannique (ça reste du PN), longueur moyenne et nette, fruitée toujours, bref du fruit rouge solaire bien fait en mode valeur sûre.
Très bien - / 15.5/20
On débarque alors à Trieste où l'on apprend que la salle de dégustation de la renommée Enoteca Bischoff a fermé ses portes depuis longtemps ; la patronne, bonne joueuse, nous redirige vers un de ses confrères dans la rue parallèle, l'Enoteca Nanut. Nous y découvrirons de très beaux vins au sein d'une sélection éclectique entretenue dans une petite Enoteca sombre à l'esprit un peu Professeur Tournesol, mais dirigée avec passion. Nous souhaitons découvrir notamment quelques vins du Karst Plateau avoisinant, plateau principalement calcaire qui propose essentiellement trois types de vins typiques : deux blancs que sont les Vitovska et Malvasia et un rouge, le Terrano. Notre hôte nous permettra de découvrir tout ça à travers la gamme raisonnable et bien faite du domaine Fabjan.
Fabjan Vitovska 2021
Beau vin d'un cépage peu connu mais qui semble avoir du potentiel, l'impression d'ensemble a des similitudes avec un joli chenin d'anjou pas trop sur l'acidité mais à la belle aromatique de fruits blancs frais et surtout de notes d'infusion type camomille et tilleul, qui sont parfaitement retranscrites du nez à la bouche. La finale est courte et le vin ne prend jamais une ampleur significative dans son volume ou dans sa complexité, mais c'est une belle composition élégante et cohérente.
Bien + / Très bien - / 15/20
Fabjan Malvasia 2020
Après la Vitovska du même producteur on tombe sur un vin pratiquement opposé : sans doute moins élégant, certes, mais après une certaine aération cette Malvasia a du volume et de la complexité à revendre. Un nez qui se développe sur des notes de Chartreuse très appuyée, la bouche est semblable, Chartreuse, génépi, d'abord ronde sur une note supplémentaire de crème vanille, elle se recanalise ensuite sur les fruits blancs avec une belle trame sèche, sans tomber dans le mou. C'est bien mieux que nombre de Malvasia du coin assez monolithiques, servies en pichet du patron dans les restos alentours.
Très bien - / 15.5/20
Fabjan Terrano 2020
Selon les commentaires de notre hôte, j'attendais moins du rouge que des blancs du domaine ... et pourtant me voilà plus que séduit par ce Terrano que je n'attendais pas à ce niveau, avec un fruité et une jutosité simplement jouissives, énormément de naturel d'expression dans la mûre, le cassis, la myrtille, juteux à souhait, de la matière et de la vinosité mais sans alcool et sans excès de tanins, rien d'asséchant dans la finale, c'est pas compliqué mais c'est top.
Très bien - / 15.5/20
On sort ensuite un peu de la région pour découvrir deux chouettes références toujours chez Nanut.
Pascolo, Ribolla Gialla 2020
Encore une Ribolla Gialla intéressante (c'est la première chroniquée dans ce post mais il y en a plusieurs bues sans réfléchir en terrasse qui ont précédé, et dont je ne me souviens pas suffisamment pour faire un CR), décidément ce cépage a une vraie personnalité, qu'on aime ou on déteste d'ailleurs, mais ça ne laisse pas indifférent. Il y a ce combo assez improbable qui rappelle le romorantin entre acidité, notes minérales un peu platreuses, fruits acidulés peu mûrs typiquement ananas frais, et puis notes qu'on pourrait qualifier "d'alimentaires" sur le céléri, l'oignon au vinaigre, le sel ... étonnant mais loin d'être désagréable je dois dire, et potentiel gastronomique certain.
Bien + / Très bien - / 15/20
Federico Graziani, Etna Rosso 2020
Encore un très beau Nerello Mascalese qui fait des clins d'oeil appuyés au pinot noir. Robe rubis translucide et légère, brillante. Nez typique qui rappelle de très bons pinots Alsaciens sur la finesse par exemple, ou même certains Sancerre rouges d'années pas trop solaires, avec de la framboise, de la groseille, du freesia, du fenugrec, un côté un peu graine de moutarde, ça ne déborde pas de fruit mais c'est vibrant et classe avec un côté fin et acidulé dès le nez. Tout ça se confirme en bouche, texture évanescente, fruité rouge pur, fleurs, touche acidulée et salée. J'adore ce cépage, et sa finesse qu'on n'imaginerait pas forcément sur les pentes d'un volcan à l'extrême sud de l'Italie. Dommage (mais finalement logique) que les références particulièrement qualitatives soient déjà à un niveau de prix élevé (si quelqu'un a des coins à champignon …). Pas tout à fait autant d'émotion que sur une Reseca 2016 de Gulfi dégustée récemment mais quand même très joli.
Très bien / 16/20
CR de domaine à suivre ...
Mention spéciale également aux nombreux Lugana et Soave dégustés sans prise de notes au verre en terrasse à Vérone et Padoue pour des prix dérisoires et systématiquement bons à très bons avec un fruité citrique délicieux de simplicité et une acidité appétante qui fait merveille en cette saison.