J’avais à cœur de revisiter le vignoble sur un échantillonnage plutôt tiré vers le haut, dont la sélection a été le prix. On peut d’ailleurs s’étonner de l’inflation sur les vins de Gaillac alors que la reconnaissance nationale ou internationale est à peine engagée. Toutes les cuvées dégustées ce jour-là étaient pour les moins chères autour de 8 euros, ce qui était un maximum il y a encore peu et pour les plus chères, autour de 20 euros, ce qui était totalement inédit pour des vins rouges ou presque dans cette appellation. Nos vignerons ont donc une ambition qui s’affiche, à commencer au travers de leurs tarifs affichés sur les rayons des cavistes.
Il faut bien reconnaître quand même que le coût de production pour un vin que l’on veut de haut niveau impose un cahier des charges rigoureux, des rendements faibles, un élevage onéreux qui se répercute nécessairement sur le prix pour le consommateur. Néanmoins, il faut que ce prix demandé soit en cohérence avec le niveau qualitatif global et moyen pour ce niveau de qualité de vins d’autres régions. Même si évidemment chacun doit garder sa typicité et ses caractéristiques propres, il se positionne à un niveau de qualité qui peut se comparer : niveau de concentration, type de vinification et d’élevage.
La mode est au vin puissant et riches, luxueusement élevés, au boisé parfois ostentatoire. On peut légitimement se poser aussi la question de savoir si ces procédés identiques appliqués dans toutes les régions ne gomment pas un peu cette typicité et ne tend pas vers une sorte d’uniformisation.
C’est dans ce contexte que s’est effectuée cette dégustation, à l’aveugle. Les bouteilles étaient donc masquées et celles dont la forme était trop reconnaissable ont eu leur contenu transvasé dans des contenants plus classiques.
Domaine de Labarthe, Cuvée Guillaume 2004 : une robe très sombre. Le nez est d’abord fermé, un peu réduit mais s’ouvre bien à l’aération sur les fruits noirs, le cassis. La constitution est rigoureuse, mais sans rusticité, les tannins sont serrés comme il se doit sans sècheresse. Un beau vin très représentatif de son cépage dominant, le braucol et de son appellation. Le boisé est bien intégré.
Château de Salettes 2004 : la robe est également très sombre : Le vin exhale des arômes de réglisse, de fruits noirs ; c’est un joli nez. Le vin se montre rond et précis avec une belle matière svelte. La finale est marquée par des tannins polis mais par une note un peu chaleureuse. C’est un bon vin cependant pour cette propriété très régulière et depuis longtemps déjà.
Domaine du Moulin, Florentin 2006 : la robe de ce vin impressionne, noire violine, totalement opaque. Le nez est superbe sur le fruit noir, très cassis comme il se doit pour ce braucol pur avec un toasté léger et bien intégré. La bouche est définie par un grand volume à l’attaque. Le fruité très pur, de cassis est bien présent, la finale est encore tannique, mais ce sont assurément des tannins très mûrs que le temps domptera. C’est un vin certes ambitieux, impressionnant, mais très réussi. Le temps confirmera sans aucun doute.
Château Touny les Roses, la cuvée du poète 2005 : la robe est sombre sans opacité. Les arômes sont assez marqués par le chêne et des épices apparaissent à l’aération. En bouche, il semble un peu étriqué et court avec une finale qui laisse un sentiment de sècheresse et d’amertume. Ce jour-là, ce vin n’était pas au mieux.
Domaine de Gineste, Grand Terroir 2005 : La robe est très profonde, elle aussi impressionnante. Au nez, le vin présente des arômes essentiellement apportés par le bois d’élevage, un boisé un peu grillé. Le cassis apparaît à l’aération. En bouche il montre une belle matière bien ronde à l’attaque, mais le boisé est insistant pour l’heure avec une finale tannique et manquant un peu de fraîcheur.
Château Clément-Termes, L’esprit 2005 : La robe est très concentrée, noire avec des reflets violine. Le nez évoque immédiatement le braucol avec des notes lactées dues à l’élevage. On trouve un grand volume en bouche pour un vin complet qui se tient jusqu’à la finale aux tannins certes marqués, mais bien mûrs. Un vin long et civilisé : une belle bouteille, certes d’inspiration moderne, mais en accord avec ses racines.
Domaine de la Ramaye, La Combe d’Avès 2004 : la robe est sombre dans la moyenne de celle des vins de la soirée sans atteindre l’opacité des cuvées les plus concentrées. Les arômes sont dominés par la réduction qui a du mal à s’estomper à l’aération. En bouche le vin manque de netteté et est marqué par une forte acidité. Sans doute un problème d’échantillon.
L’enclos des Braves 2005 : le vin arbore une noirceur aux reflets violine qui impressionne. Le nez évoque à coup sûr le braucol par des notes de cassis très pures, mâtinée d’une minéralité et de notes délicieusement anisées. C’est très prometteur. En bouche, le vin fait montre d’une belle trame, d’un fruit très précis et de tannins bien serrés en finale. C’est du beau travail, assurément : un vin très typé et de qualité.
Domaine du Moulin, Florentin 2003 : la robe est un peu évoluée et dispenses des notes fumées et de fruit cuit. En bouche, le vin est assez svelte, mais la chaleur du millésime se ressent et la fraîcheur fait un peu défaut à l’équilibre général. Les tannins sont polis, un peu fuyants.
Ces cuvées haut de gamme da Gaillac font la part belle au braucol et ce cépage leur confère une typicité réjouissante, en dehors des procédés de vinification et d’élevage. Les défaut majeurs de sur extraction et d’élevage trop insistant ne sont finalement pas si nombreux. Certes il s’agit de vins modernes mais qui ne renient pas pour autant dans la majorité des cas leur terroir ; Une belle image et sans doute une bonne voie à suivre pour l’appellation qui semble trouver enfin cette définition de typicité pour les vins rouges.
Il y a bien sûr des absents dans cette dégustation, notamment les vins de Jean Marc Balaran (Croix Petite 2004 remarquable), d’Alain Rotier (très belle cuvée Renaissance 2004) et de Bruno Montels (dont les vins de cuve,bien moins onéreux et notamment les 2003 et 2004 affichent une sincérité remarquable, dans deux styles différents, en accord avec leur millésime).
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