Notre petit monde à nous est soumis, comme les autres, à des modes. La « Parker » a marqué les années 80/90, mais elle est passée. La « nature » prospère allègrement dans les milieux parisiens. La « Bourgogne » plus discrète, se développe doucement : une certaine tendance de l’amateur chevronné, ayant traversé toutes sortes de régions, riches, méridionales, démonstratives, à se tourner ostensiblement, avec l’expérience et la maturité, vers la finesse incomparable de la Bourgogne. En vieillissant, l’esprit devient plus important que le corps.

Il y a surtout la « bonbon », dont personne ne parle, mais à mon avis la plus profonde.
Plus un amateur digne de ce nom, aujourd’hui, pour ne pas vous mastiquer de longues secondes le vin que vous lui faites goûter. Que cherche–t-il ? les tannins, et s’il en trouve, il annonce fièrement qu’il en a trouvé avec un « il faut l’attendre encore».
Vous pouvez toujours avancer qu’à table, il n’est ni nécessaire ni utile de mâchouiller longuement chaque gorgée. Vous pouvez toujours faire valoir qu’une structure fine bien intégrée peut mieux qu’un caractère sphérique souligner un plat, une viande par exemple. Vous pouvez toujours faire remarquer que tout ce qui est bon, fruits viandes légumes fromage chocolat n’est pas dépourvu d’amertume ou de tannins. Peine perdue.
Nos palais auraient tendance à ne plus supporter aucune structure, aucune accroche, il leurs faudrait du lisse, du parfaitement fondu.

Il fut un temps, pas si lointain, où les vins (y compris les « grands vins ») étaient moins ronds, plus tanniques, bien moins alcoolisés, et où on n’attendait pas 20 ans pour les boire.
Le goût « bonbon » a pris le pouvoir. Les critères de la société cocooning ont aussi investi le goût.

Non ?

Thierry

pas faux Thierry, j'en connais des Pdf mais ils sont nés comme ça, c'est pas une mode

Je connais un sommelier qui a exactement la même reflexion , sauf qu'il appelle ce genre de vin des "vins babybel" et non pas bonbon.
Parce que le babybel , techniquement c'est du fromage mais ...

Florent

« il faut l’attendre encore»

Entendu des centaines de fois à des repas de famille ou entre amis... Tannins = trop jeune. Pourtant il y a des vins tanniques qui ne traverseront pas les âges! M'enfin...

Thibault

Sans me sentir vraiment dans la cible de ce post que je trouve un poil méprisant quand même, je m'inscris dans la famille des pdf, et quand ça arrache la g... c'est juste pas bon monsieur le vigneron.

C'est aussi vrai qu'un vin tannique va s'assouplir avec l'âge donc c'est pas que des foutaises ; et c'est vrai que des fois , le vin sera mort avant d'avoir fondu ses tannins.

Néanmoins, les fois (récentes et peu nombreuses, certes) où j'ai gouté et bus des vins qualifiés de grands par la communauté des amateurs, des guides, etc... je leur ai souvent trouvé un soyeux, une douceur dans les tannins très supérieure à la moyenne à des degrés divers : Quelques grand bourgognes mais surtout parmi les sudistes qui habituellement heurtent mon palais de pdf justement, Beaucastel, GDP, Rayas, La Chapelle même si déjà moins sudiste, etc.. très peu d'exemplaires de chaque pour généraliser mais quand même.

C'est pour ces vins là qu'on parle de goût "bonbon" ? Juste pour étayer, quelques exemples de "Il fut un temps, pas si lointain, où les vins (y compris les « grands vins ») étaient moins ronds, plus tanniques, bien moins alcoolisés, et où on n’attendait pas 20 ans pour les boire." ?

Après bien sûr que gouter dans une dégustation et boire un vin à table sont des exercices différents. C'est d'ailleurs la limite du crédit qu'on peut porter aux commentaires de dégustation. Les vins bodybuildés, alcoolisés, gras, épais ou arrondis par un petit sucre discret sortent souvent bien mieux et seront mieux noté mais fatiguent au bout d'un verre. Il faut avoir étalonné les goûts des dégustateurs pour s'y réferer.

Je suis venu à la passion du vin par passion pour l'accord du vin à table. A table, des vins plus fluides, plus acides aussi sont bien plus agréables. C'est d'ailleurs pour ça que je reste amateur de bordeaux. Et le niveau acceptable de tannins perceptibles va dépendre directement du plat.

Enfin bref, je trouve le raccourci entre "parfaitement fondu" et le péjoratif "goût bonbon" un peu limite...

En même temps, les vins d'Oncle Charly sont parmi les plus élégants du Languedoc, avec des tannins superbement travaillés (ce qui n'empêche pas d'avoir une structure et du fond). J'ai du mal à croire que l'on puisse reprocher des tannins accrocheur ou quelque chose de ce genre. Je pense que ses vins sont à même de plaire aux amateurs de vins fins.

ce post que je trouve un poil méprisant quand même

Chris,

Absolument pas méprisant de ma part en tous cas. Ce que je voulais dire c'est qu'à un repas de famille ou entre amis, je sors une bouteille de ma cave sous chaussette (ce qui a parfois le don d'en agacer certains, d'autres s'en foutent et certains de prennent au jeu). Les rares commentaires que je reçois sont "A attendre ce vin, trop tannique". Dernière en date sur un Montcalmès 2010... Qui certes peut être attendu mais que je trouve déjà très bon et friand dès maintenant! En fait, j'ai surtout l'impression qu'ils disent ça par défaut sans vraiment savoir quoi dire du vin parce qu'ils ne s'y intéressent pas particulièrement plus que ça, ce qui peut avoir le don de m'agacer parfois... Mais d'un autre côté je peux comprendre que ce ne soit pas leur passion et je m'adapte.

Pour revenir sur tes exemples, les plus grands vins qu'il m'ait été donné de goûter sont comme toi des vins d'un soyeux extraordinaire avec un toucher de bouche exceptionnel donc je ne peux qu'abonder en ton sens.

Désolé si mon premier post a pu paraître méprisant... Ce n'était absolument pas le cas.

Bien cordialement,

Thibault

Monsieur le vigneron ne méprise personne. Désolé, Chris d’U si j’ai pu te donner cette impression. LPV est ma famille, celle des passionnés de vins, j’étais passionné de vins avant de devenir vigneron, je ne méprise personne dans la famille. D’ailleurs je ne méprise personne, maintenant que tu m’y fais penser.

« Le goût bonbon » n’est pas à prendre dans un sens péjoratif. Bonbon c’est bon. C’est juste un clin d’œil à la possibilité de les « mâcher » longtemps sans provoquer de ressenti tannique. Je classerais dans cette catégorie beaucoup de vins que j’aime. Une très grande part d’ailleurs.
Mais, à table, je « supporte » aussi volontiers des vins à la structure plus apparente. Un Barolo, même jeune, si la structure est fine, peut me convenir par exemple.

Le reste est une remarque sur l’évolution des goûts collectifs qui me semble correspondre à une évolution de la société elle-même : disons vers la recherche de davantage de confort.

Thierry

davantage de confort.
Et d'immédiateté

Moi qui suis un vrai et irréductible PDF, j'ai un peu l'impression qu'on me donne une leçon sur le ton "tu ne sais pas ce que c'est qu'un vrai grand vin puisque tu n'aimes pas ce qui est corsé et tannique !"
Pourquoi rabaisser les amateurs de vins fins à des buveurs de "bonbon" ?
Au contraire des modes, je trouve qu'il n'y a jamais eu autant de types de vins bien faits différents qui sont là pour ravir tous les amateurs, et l'amateur de vins tanniques a largement de quoi se faire plaisir comme l'amateur de "bonbons", ça me va comme ça ...
C'est vrai que ton dernier message Thierry clarifie mieux quand même ta pensée, c'est plus compréhensible !
Aucun ton méprisant dans mon message, juste une discussion ouverte, un débat.

C'est vrai que ton dernier message Thierry clarifie mieux quand même ta pensée, c'est plus compréhensible !

Ben tant mieux

Aucun ton méprisant dans mon message, juste une discussion ouverte, un débat.

Pareil

Thierry

Il est vrai que dans les années 80/90 on (et moi le premier) s'extasiaient devant des vins super tanniques au bon goût de bois neuf ; il est vrai que de nos jours les vins putassiers démonstratifs ne sont plus en odeur de sainteté. Un peu comme les femmes d'ailleurs, les gros nibards sont passés de mode au profit des femmes évanescentes dotées d'oeufs sur le plat.
Le pendule reviendra une fois sa révolution achevée.

PDF

Palais de fillette, rien à voir avec Acrobate Reader

Thomas,

Tu n'es pas seul, je me pose la même question que toi

Merci Michel, ça je l'aurais jamais deviné

Plus convenable que PdT

Merci, Michel, pour ta réponse mise en ligne pendant que je formulais mon message.

uglyamerican écrivait:

---

> PDF

lapassionduvin.com/p...

Un acronyme typiquement Gunthard*, Thomas et dont le passage à la postérité commence à prendre une effrayante tournure !

[size=x-small]*Gilles et le Président Galinsky pourront un jour réclamer des droits d'auteur...[/size]

Merci Tonton et les zotres pour les rebonds

Je préfère immédiateté (on ne sait plus attendre et reconnaitre un futur bon vin derrière des tannins agressifs) à bonbon (on n'aime que l'acidulé sucré , ce qui d'ailleurs limite l'emploi à table) mais ce n'est peut être pas ce que Tonton voulait dire

Sinon, j'ai bien aimé Della Francesca, ouf je suis du bon côté

Et Michel, je pense que Tonton fait référence à un temps antérieur à 80/90 , c'est pour ça que j'aurais bien voulu qu'il précise

[size=x-small]Et pis sinon, mes verres de lunettes sont moins épais que ceux d'Elie Semoun , je préfère les voitures aux cafetières Peugeot mais pour le reste on a des goûts en commun -[/size]

Et Michel, je pense que Tonton fait référence à un temps antérieur à 80/90 , c'est pour ça que j'aurais bien voulu qu'il précise

Je ne sais pas mais je peux te dire que Latour 66 et 70 en au début des années 90 étaient des monstres tanniques quasi imbuvables.

Le PDF, pour moi, est celui qui n’est pas attiré par la puissance, en particulier celle qui provient de l’alcool. Je me classe dans cette catégorie.

On peut très bien avoir un PDF et apprécier des vins de structure tannique légèrement apparente. Ceci pour redire à Guillaume qu’il n’était pas dans mon collimateur.
Pour les autres, je rappelle que personne n’est dans mon viseur, on parle de goût, et il n’y a pas de jugement de valeur en matière de goût.

Thierry

PS : Chris, évites de m'appeler tonton, si j'étais susceptible, je pourrais trouver ça méprisant

Et Michel, je pense que Tonton fait référence à un temps antérieur à 80/90 , c'est pour ça que j'aurais bien voulu qu'il précise

Je ne sais pas mais je peux te dire que Latour 66 et 70 en au début des années 90 étaient des monstres tanniques quasi imbuvables.

Exact.
Et quand les Bordeaux 1975 sont sortis, personne ne nous a dit qu'il faudrait les boire en 2075. (Mouton 75 bu au début des années 90 : ça oui c’était de la structure !!!!!)
Et quant à la légende Mouton 1945, j’aurais bien voulu la goûter en 1950, pour voir….

Thierry

Ouais mais t'chawoua Thierry, Tonton c'est pas péjoratif, c'est plutôt affectueux en fait -D [size=small](enfin surtout feignant du clavier)[/size]

Le PDF, pour moi, est celui qui n’est pas attiré par la puissance, en particulier celle qui provient de l’alcool. Je me classe dans cette catégorie.

pas que l'alcool, j'en connais un qui le supporte très bien sur les jaunes quand moi je grimace. Non le vrai PDF n'aime pas ce qui est puissant avec la conjonction alcool/tannins/manque d'acidité perceptible, en clair les vins du sud hauts perchés sur cette conjonction.
mais PDF, cela ne correspond pas à aimer uniquement les vins faciles que tu nommes bonbon.

Je me reconnais parfaitement dans la description du PDF de Laurent ci-dessus ...
Et les vins faciles m'ennuient souvent autant que ceux qui conjuguent trop alcool/tannins/absence d'acidité m'écoeurent !
Les jaunes puissants, j'adore ... (Enfin pas tous hein, il faut un peu de classe !)

Les goûts collectifs, nos goûts, sont le reflet des structures profondes de la société. Ils en sont une forme d’expression. Je n’ai rien inventé, c’est du Marx (les superstructures : art, culture, religion sont l’expression des infrastructures économiques et sociales d’une société). Il n’y a pas de marxiste sur LPV ?
Je trouve que cela se vérifie dans notre passion.
Besoin de confort, recherche d’immédiateté (bien vu).

Alessandro Barrico a un point de vue sur cette question, qui n’est pas exactement ce que j’ai voulu exprimer dans « Mistral gagnant » mais que je trouve intéressant. ICI . Il parle des vins qu’il appelle « hollywoodiens». On se rejoint dans l’idée que le goût, en général, est d’une manière ou d’une autre, le reflet des aspects dominants de la culture d’une société.

Thierry

_{j’espère que personne ne va me reprocher de le traiter de barbare…}

Je trouve assez juste, cette vision de Barrico, même si faire du vin aujourd'hui nécessite plus de nuance. Comme le dit Jean-Luc Thunevin qui fit l'un des premiers vins "hollywoodiens" français, il faut produire maintenant des vins concentrés qui ne le paraissent pas, avec un élevage en bois quasi-imperceptible.

Pas sûr que l'évolution du goût pour les blancs secs et les rouges aient suivi les mêmes voies.
Ce n'est donc pas si simple à mon avis. Et encore ne me fixé-je que sur le goût des amateurs un peu éclairés.

Ou alors, si l'amer et l’astringent sont en net recul, l'acidité leur a repris le terrain qu'ils ont perdu.

Et au sujet du fruit, je ne suis pas certain de ce côté unanime cité dans le message initial, même si le beaujolais à la faveur des passionnés aujourd'hui. En blanc, on est quand même sur la négation des arômes variétaux et fruités au profit de cette sacro-sainte salinité et de la recherche de la minéralité comme un but idéal.

très intéressante discussion.

sans parler des Champagne qui devraient être le vin de plaisir absolu et que certains (dont moi sans doute un peu) veulent tranchants saillants, bien loin du mistral gagnat, mais plus proche du mistral saignant.