VELIKA LEGA : modèle slovène de la promotion des vins de lieu
Velika Lega est une association slovène : elle a pour but de promouvoir le concept de terroir chez les producteurs de vin en même temps qu’elle instaure une classification à trois étages en fonction de la précision du lieu, le sommet de la pyramide étant constitué par des terroirs uniques au sein d’un supra terroir reconnu, s’approchant de la notion de cru.
Si une telle association a vu le jour, germant dans des esprits féconds depuis déjà plus de deux ans, c’est bien que le besoin en a créé la nécessité. Comme le dit fort justement un jeune producteur slovène, si aujourd’hui l’image du vin Slovène sur les marchés étranger c’est en grande partie le vin Orange, c’est qu’il n’y avait rien d’autre de l’autre côté de la balance : alors il est apparu plus aisé de créer une identité autour d’un procédé qu’autour de réalités territoriales.
Il faut bien se replacer dans le contexte d’un pays relativement neuf ou des années de socialisme (même si ce n’était pas et de loin le régime le plus collectiviste et aligné sur l’URSS) ont effacé des pans d’histoire, de hiérarchie, d’entreprenariat mais où d’un coup, tout était possible mais avec la nécessité de repartir de très loin notamment sur des aspects qualitatifs.
Les membres de l’association sont donc habilités à estampiller leur cuvée d’un des niveau de la pyramide : zone large (mais zone délimitée quand même), terroir plus restreint et enfin cru issu d’un lieu précis (single vineyard).
Les vignerons réunis à Ljubljana en ce lundi 21 février, venaient pour prendre des informations mais leur présence attestaient bien entendu d’un vif intérêt pour la démarche, mais sans doute aussi sont-ils déjà convaincus de la nécessité de mettre en avant les terroirs plus qu’ils ne le sont par la classification administrative slovène actuelle. Certains même, à l’instar de ce qui se fait en France, refusent la ZGP (qui correspond à nos AOC ou IGP) car ils n’y trouvent aucun intérêt, ni aucun sens.
Il serait intéressant de faire un parallèle sur les crises de différents systèmes établis mais c’est un mouvement que l’on rencontre un peu partout. Le système n’est pas efficient, il devient caduc et on cherche à le réformer ou à le remplacer.
Dans le cas de VELIKA LEGA, même si les bouteilles seront estampillées d’une sorte de label, forme de reconnaissance, c’est plus une volonté de faire pression pour que les choses changent : que la majorité des producteurs slovènes aient conscience de la qualité des terroirs, de leur diversité, de leur spécificité, ce qui n’est pas le cas de toute évidence. C’est donc un mouvement qui s’initie et comme le rappelle Guillaume Antalick, c’est au producteur de prendre son destin en main plutôt que d’attendre que la voie tracée lui soit dictée ou qu’une aide lui soit accordée : des habitudes à changer, une éducation à faire. La route va être longue mais c’est évident qu’elle est pavée de bonnes intentions.
Personnellement, si bien entendu, je suis totalement en phase avec cette idée de la primauté du terroir comme référence identitaire (et organoleptique) du vin, le schéma actuel de cette association avec ce niveau à trois étages me semble peut-être trop compliqué et surtout le single vineyard comme point d’orgue ultime me semble un leurre : une vigne unique de piètre qualité même dans une zone répertoriée ne donnera jamais un grand vin alors que pour un vigneron, pouvoir jouer de ses parcelles pour tendre vers l’optimum peut apporter un supplément. Mais je comprends parfaitement que le décalage est tellement important qu’il faut bien commencer par quelque chose, fut-ce ce quelque chose un peu schématique et réducteur.
Par ailleurs, une telle éducation des producteurs ne peut aller que de concert avec une éducation des consommateurs : l’un ne pourra pas aller sans l’autre car au final, comme le dit un de mes amis chers, un grand vin est un vin vendu et l'achat, c’est le consommateur qui la réalise.
Le consommateur ne manquera pas de faire un lien qualitatif entre la pyramide et ses étages et une graduation de la qualité et de ce que j’ai compris, ce n’est pas forcément le cas.
Cette association a aujourd’hui de belles locomotives : Gross, Suklje, Marof, Edie Simcic : son succès se fera sur sa capacité à fédérer autour de ces pointures slovènes. C’est le pari que prend Guillaume Antalick : attirer des producteurs de qualité et ainsi créer un mouvement. Il est certain, qu’une fois le mouvement créé, les rouages se mettront en place : pas forcément d’eux-même mais par la nécessité de combler des vides : je pense au vide réglementaire, car celui en place doit être réformé. C’est plutôt intelligent si in fine cela abouti à l’identification précise des lieux propices ou très propices à donner des vins de qualité aux particularités affirmées. Et ils sont nombreux en Slovénie.
pour en savoir plus :
velikalega.com/