Une très intéressante horizontale de 5 vins issus de la commune de Gevrey-Chambertin dans le millésime 1998 nous a été concoctée par Olif il y a déjà maintenant 15 jours (comme le temps passe et comme mon retard s'accentue...). Des Villages au Grand Cru, des producteurs médiatiques et d'autres beaucoup moins, une dégustation à l'aveugle riche d'enseignements.



Domaine Denis Mortet - Gevrey-Chambertin Au Vellé 1998 - ***
La robe est intense, aux reflets violets à rubis. Le nez est au départ un peu réduit, puis évolue sur un côté sanguin, très mûr et empyreumatique. En bouche, l'attaque est fraîche, mais les tannins sont un peu stricts, voire un peu secs, ce qui limite le plaisir en dégustation pure. Dans un style mûr et peut-être un peu trop extrait.

Domaine Bernard Dugat-Py - Gevrey-Chambertin Vieilles Vignes 1998 - ****
La robe est un poil plus intense encore que la précédente, encore très jeune. Le nez se montre par contre plus fin, plus floral, avec un petit côté végétal évoquant la rafle. En bouche, l'ensemble se montre plus harmonieux, fin et frais, avec des tannins plus souples et d'un grain de belle qualité. Belle longueur. Très beau.

Domaine J-M Guillon - Gevrey-Chambertin 1er Cru Les Champonnets 1998 - *****
La robe est classiquement bourguignonne, à savoir beaucoup moins intense que les deux précédentes, plus évoluée également, rubis avec des reflets pourpres. Le nez est d'une grande délicatesse, sur les fruits rouges, de belles notes florales, de sous-bois et de cuir. En bouche, l'équilibre est superbe, tout en finesse et en délicatesse, les tannins sont fondus, la texture est soyeuse, la longueur est très belle, bref, c'est superbe ! Un excellent vin plaisir immédiat, qui semble actuellement à maturité. Un style très différent des vins précédents (et de ceux qui suivront), un producteur peu connu, un terroir semble t'il peu réputé, et au final, le coup de coeur général de la dégustation !

Domaine Trapet P&F - Gevrey-Chambertin 1er Cru La Petite Chapelle 1998 - ***
La robe est d'intensité moyenne, aux reflets rubis. Le nez est fermé, très discret, sur les épices, la réglisse et la cerise. L'attaque en bouche est fraîche mais le retour tannique est féroce, avec également une sensation de sécheresse qui n'augure rien de bon. A attendre impérativement, en espérant un hypothétique assouplissement des tannins.

Domaine Trapet P&F - Chambertin 1998 - ****(*)
La robe est un rien plus intense que le précédent, les reflets sont violets à rubis. Le nez est très élégant, avec un beau fruité mûr, un côté encore légèrement boisé et une minéralité déjà assez nette. En bouche, la fraîcheur est remarquable, le vin possède beaucoup d'ampleur, des tannins serrés mais d'un grain d'une qualité bien supérieure au précédent qui ne montrent pas de signes de sécheresse. La longueur est immense. Ce n'est peut-être pas le vin qui offre le plus de plaisir aujourd'hui, mais c'est assurément celui dont le potentiel est apparu à tous comme le plus grand. Une future bouteille d'anthologie !

Merci à Olif pour cette très belle dégustation.

Luc

Juste quelques rebonds, car je n'ai pas pris de notes, je m'occupais du service!

Au Vellé de Denis Mortet, effectivement un peu asséchant, avec des tanins un peu austères et un excès de bois. je l'avais beaucoup mieux goûté tout seul (je ne veux pas dire sans d'autres dégustateurs, mais sans les autres vins! ), à table.

Le VV de Dugat-Py, c'est quand même très bon, plutôt arrondi mais encore très jeune. Beaucoup de promesses!

Les Champonnets de J.M. Guillon, c'était évidemment la grosse cote! Si l'on en croit Michel Bettane, il s'agit d'"un obscur lieu-dit (3 ha 31 ares) du cône de déjection du coeur du village, au dessus du Fonteny... Contrairement à Jacky Rigaux qui ne tarit pas d'éloges sur lui (mais qui, comme habitant de Gevrey est un peu contraint au politiquement correct) je n'en ai jamais dégusté une bouteille excitante, ni même simplement bien faite." Nous sommes très certainement de piètres dégustateurs, mais j'espère simplement qu'il n'a pas goûté celle-là avant d'émettre un avis aussi lapidaire! Un petit domaine peu connu, que j'affectionne particulièrement, même s'il a peu de vins à vendre (il travaille beaucoup avec l'export) et que même moi, je ne peux plus en avoir, la personne qui m'en procurait ayant cessé de m'approvisionner pour l'instant!. Ceci dit, si le vin m'a énormément plû, je ne pense pas qu'il possède la dimension du Chambertin de Trapet!

Concernant les vins du domaine Trapet, la Petite Chapelle ne se goûtait effectivement pas très bien, fermée, austère et sévère, mais ayant eu l'occasion de la terminer gentiment sur 3 jours, je pense qu'il s'agit néanmoins d'un beau vin à attendre. Le Chambertin, c'est pour moi la grande bouteille de cette dégustation, à l'état encore embryonnaire, quoique très abordable. Et je ne dis pas ça parce que l'embryon est un peu mon domaine de prédilection, mais franchement, quelle bouteille! Je vais patiemment attendre les deux qui me restent!

En conclusion, je dirais que le niveau d'ensemble était plutôt élevé et que 1998 est un millésime à attendre encore, hormis quelques vins élevés dans un registre plutôt immédiat, dont ce très beau Champonnets.

Je prie les hédonistes participants de bien vouloir m'excuser de leur avoir fait ingurgiter autant de vins acides, tant en rouge qu'en blanc, au cours de ce week-end mémorable. Si cela a pu un tantinet gommer les préjugés, alors cela n'aura pas été totalement vain!

Olif

Olif, sois tranquille, les hédonistes participants n'ont pas dû faire une cure de Maalox après cette très belle dégustation

Voici mes impressions sur cette très belle série :

Domaine Denis Mortet - Gevrey-Chambertin Au Vellé 1998 -
Robe sombre et intense. Nez un peu réduit, encore marqué par l'élevage. Bouche puissante, corsée, avec des tannins lâches et astringents.Trop dur pour mon palais hédoniste, malgré un boisé bien marqué

Domaine Bernard Dugat-Py - Gevrey-Chambertin Vieilles Vignes 1998 - Le nez pinote bien. Ce vin présente plus d'équilibre que le précédent, avec un caractère gourmand qui l'avantage. Les tannins sont bien intégrés, mais un peu grenus en finale. L'acidité marqué, de même que l'austérité de la finale, brident mon enthousiasme.

Domaine J-M Guillon - Gevrey-Chambertin 1er Cru Les Champonnets 1998 - Le nez est déjà très évolué, avec de beaux arômes tertiaires qui inciteraient à donner quelques années de plus à cette bouteille. la bouche est bien contstruite, délicate et séductrice, avec une belle tensions qui tient la bouche et la finale, longue et gourmande. Je pense que c'est le caractère légèrement oxydatif de ce vin qui a pu déplaire. Pour ma part, je me suis régalé, le meilleur de la série avec le Chambertin de Trapet.

Domaine Trapet P&F - Gevrey-Chambertin 1er Cru La Petite Chapelle 1998 - Nez peu expressif, discret. La bouche joue dans le même registre de discrétion, avec des notes végétales et une amertume qui ne me convainquent pas. Pas beaucoup aimé.

Domaine Trapet P&F - Chambertin 1998 -
Grand nez de chambertin, épicé et déjà complexe, même s'il n'est pas encore évolué. Bouche dense et suave, avec une assise tannique importante que la trame serrée parvient à endiguer. A mon avis, ce vin avait les plus beaux tannins de la série. Même s'il demande encore un peu de temps, j'ai beaucoup aimé, surtout avec le repas qui a suivi la dégustation.

merci à Olif pour ces belles découvertes. L'hédoniste que je suis s'est vraiment éclaté avec le Guillon - dans un registre à part, il est vrai - et surtout, avec le Chambertin de Trapet, une très belle bouteille. J'ai eu plus de peine avec les autres vins, surtout avec la Petite Chapelle de Trapet, que j'ai trouvé bien dur et peu expressif.

Yves Zermatten

Yves,

J'ai goûté un superbe Chambertin 98 de Trapet en avril 2005.

La petite chapelle 2002 est aussi superbe !

le GC VV 98 de Dugat-Py est meiux goûté par Luc, apparemment. Nous l'avions décrit comme ceci :
• GEVREY-CHAMBERTIN "vieilles vignes". Notes : DS14 - PC14 - LG14,5 - RP14. moyenne : 14,1
Couleur sombre de mûre écrasée. Nez profond sur le fruit épicé, assez frais malgré l'intensité, de la finesse.

le Vellé de Mortet 98 nous avait semblé comme ceci :
• GEVREY-CHAMBERTIN "Au Vellé". Notes : DS15 - PC15-15,5 - LG15,5 - CS14,5. moyenne : 15
Robe encore plus intense, violacée. Très belles épices sur un fond de griotte. Bouche encore plus charnue, très mûre, très fruit, chargée en tannins, massive, carrée.

J'ai tout de même l'impression que pas mal de 1998 (et pas seulement en Bourgogne) ont tendance à être marqués par des tannins assez durs voire secs. J'ai eu la même impression récemment avec le Gevrey VV 1998 de Charlopin.

Le Chambertin 1998 de Trapet est assurément la plus belle bouteille de cette dégustation, même si ma notation, qui reflète davantage le plaisir ressenti ce jour là que le potentiel réel de la bouteille ne va pas tout à fait dans le même sens.

Luc

Si on osait généraliser, on pourrait dire un millésime assez strict, un peu comme 88, avec certains vins qui mettront pas mal de temps à se faire.

Nous avions écrit :

"Pour autant, le barème rodé au club permet un jugement global. Nous avons ainsi constaté que la hiérarchie village, premier cru, grand cru se vérifie avec une constance remarquable dans les dégustations. Chez tous les producteurs, à de rares exceptions près, chaque palier franchi dans la législation des appellations offre un supplément de complexité, de densité, de race dans les vins. C'est d'autant plus remarquable que ce type de hiérarchie, quand il existe, est loin de se vérifier aussi aisément par la dégustation dans les autres appellations françaises.
Les meilleures cuvées "Villages" sont élégantes et fraîches mais offrent une longueur limitée. Les meilleurs premiers crus sont équilibrés et assez longs, plus complexes, plus charmeurs. Les meilleurs grands crus sont équilibrés, massifs et longs, dotés d'une gangue tannique et raisonnablement astringente. Leur complexité aromatique s'affinera avec le temps. Leur puissance ne s'exprime pas au détriment de la fraîcheur et de l'élégance.
De manière plus générale, les meilleurs vins sont sapides, suaves et profonds. Ils sont désaltérants, élégants et nerveux, aériens (concentrés mais sans lourdeur), mûrs sans être confiturés, tanniques sans être asséchants. Les moins bons (pour le moment du moins) assèchent le palais, se révèlent lourds (pommadés). Ils manquent de personnalité et de définition.

D'un point de vue plus technique, il nous a semblé que les vins les plus intéressants se caractérisent par :
- des rendements faibles à modérés (de 18 à 35 hl/ha)
- des cuvaisons relativement courtes (moins de 3 semaines)
- des sulfitages raisonnés associés à des extractions mesurées (pigeages légers)

Il serait bien évidemment idéal de regoûter un échantillon choisi de ces vins dans quelques années afin de vérifier nos prévisions après mise en bouteille et vieillissement sur plusieurs années. On est en droit d'attendre une longévité satisfaisante pour les plus grandes cuvées, sachant :
- que les grands crus sont naturellement encore massifs et difficiles à juger, après seulement un an d'élevage
- qu'une réconciliation de la puissance et de la finesse est possible (les vins d'extraction poussée seront peut-être excellents dans 10 ans)"

Note : bu un génial Charmes-Chambertin 98 de Dujac, admirable de douceur.

Les 98 attendent en cave !