Mouais, Coravin... J'ai testé le truc quelque fois, pas forcément convaincu... Reste aussi un facteur important, la dimension philosophique derrière tout ça. J'en parlais justement sur le blog dernièrement.
Les homéopathes de la dégustation, goûtant parfois du bout des lèvres afin d'épuiser des listings entiers d'un échantillonnage à valeur de cobayes de laboratoire ont aussi leurs stratégies comparatives pour statuer sur la valeur de tel ou tel breuvage.
Il n'y a encore pas si longtemps de ça, je vous aurais bien dit qu'entre les deux mon cœur balance. Mais depuis un certain temps, il est de plus en plus rare que les canons s'enchaînent comme une rafale de cacahuètes à l'heure de l'apéro. À défaut de déguster, il me reste le simple plaisir de boire... Vous savez, ce moment de partage et d'échange où l'analyse est remise à plus tard, où les flacons se parent aussi de l'humeur du moment, ces longues heures où le crissement du crayon prenant des notes laisse place aux rires et aux éclats de voix parasitant tout semblant d'analyse objective.
Et alors ?
Résolution insoupçonnée de ce début d'année ou simple expérience sur le chemin de nos pérégrinations liquides ? Toujours est-il qu'il y a quelques temps de ça, v'là t'y pas qu'une idée saugrenue est venue titiller le cortex cérébral de notre hôte du jour. Chamboulé par des velléités d'ouvertures intempestives, il voulait baigner d'un flot d'affection liquide, une assemblée tout à coup sensible au risque de noyade.
Peur de ne pouvoir étancher tout le stock prévu pour l'occasion, ou simple prise de conscience de notre décadence à venir, toujours est-il que j'ai alors fait la connaissance de Mister Coravin, dans le rôle du brassard pour apprenti nageur ...
Espèce de kit chirurgical pour péridurale, mais dans sa version dédiée au vin, Coravin est censé permettre la déraison du nombre pour nourrir la curiosité des adeptes de la Dive bouteille. Une aiguille venant plonger dans l'intimité d'un bouchon de liège pour en déloger quelques centilitres, vite remplacés par quelques bouffées d'argon, voilà le principe.
L'idée est louable, certes. Mais pour le buveur d'histoire que je suis, difficile de me voir couper l'herbe sous le pied. Déjà tout petit, à l'heure du marchand de sable, je n'aimais pas que les aventures qui m'étaient contées au bord du lit prennent fin sur ma table de nuit, le destin de leur héros suspendu à quelques tours de cadran supplémentaires.
Et puis ce vin, limité dans son propos, aurait sûrement aimé ne pas avoir à s'arrêter au préambule de son récit d'un soir. Surtout que cette extraction forcée n'est à mon humble avis en rien une parenthèse dans le temps compté du flacon ainsi ponctionné. En effet, n'étant pas adepte des démarches zététiques en tous genres, je ne m'avancerai pas sur la capacité donnée à l'argon de permettre au vin de continuer à évoluer, comme si de rien n'était, car mon expérience ne corrobore pas les affirmations de la marque... Désolé. Au mieux l'argon semble bloquer l'évolution, au pire un peu d'air se joint à la fête et le compte à rebours de l'évier s'en trouve lancé pour la bouteille innocente ayant fait don d'une part de son message. Dernière en date, une bouteille de Cornas de Matthieu Barret ouverte quelques trois semaines auparavant, était en train d'écrire ses mémoires quand elle fut débouchée pour de bon, après, pourtant, une splendide parade initiale.
Et devinez comment les autres bouteilles entamées ont fini ? Dans les bras des invités d'un soir, pour une ouverture programmée dans les jours qui suivirent. On ne s'improvise pas rat de laboratoire quand on est un épicurien dans l'âme. Déjà que mon quotidien de prof, une fois le cartable ouvert, me mène à évaluer, juger, synthétiser, expliciter, reformuler, diagnostiquer, remédier... vous excuserez se relent passager d'égocentrisme mal placé, mais je n'ai aucune envie de jouer les analystes peine-à-jouir, une fois le verre plein et le capuchon du bic refermé.
La curiosité n'est point un vilain défaut, je vous l'accorde, mais la frilosité n'en est elle pas un quand il s'agit de laisser un bijou se perdre entre deux eaux ? Boire ou ne pas boire ? Attendre ou ne pas attendre ? Pendant que certains jouent entre les lignes, je garde le cap et assume : le vin ne vit pas pour se faire chaparder, mais bien pour s'épandre de tout son corps dans les limbes d'une ivresse débonnaire.
Le prix de l'impatience et de la curiosité ? 300 euros (plus le coût des cartouches)... Alors si je peux comprendre le désir de se voir petite souris l'instant d'un carottage, désolé, mais pour le coup, personnellement, je passe mon tour */**.
* Sinon, vous avez toujours la possibilité de tenter la version DIY. Un kit de péridurale, un peu de jugeote et vous voilà un parfait petit laborantin...
** Vous aurez bien compris qu'il s'agit là de l'avis subjectif d'un amateur... Et, il se pourrait bien que cette machinerie sans charme puisse tout de même avoir son utilité dans le quotidien de quelques professionnels. Si vous avez votre avis, n'hésitez pas à le partager. Je suis curieux de savoir ce que vous en pensez.