Version finale (suite à une erreur éditoriale) :
Vins Américains
Lundi 07 février 2005
Une production Ganesh da Capo
Le contexte :
- Les vins ne sont pas dégustés à l'aveugle.
- Nombre de dégustateurs : 17.
- JP : Jacques Prandi - PP: Pascal Perez - LG : Laurent Gibet.
- Dégustation préparée par Pascal Perez pour le club IDV.
- Synthèse des commentaires de dégustation par Laurent Gibet.
Les vins :
1. Californie Napa Valley Carneros – Shafer Vineyards – Chardonnay Red Shoulder Ranch 2001 :
JP14 – PP14 - LG14
- Robe moyennement intense, d'un jaune brillant.
- Senteurs opulentes et coquettes attendues : citron, vanille, fleurs, fruits (poire, fruits exotiques), beurre, menthe fraîche.
- Matière flatteuse, onctueuse (sucre résiduel notable et 14,8° d'alcool avoués) pour des goûts un peu blasants (qui peuvent faire penser à ceux de certains vins du mâconnais) : poire au caramel, crème anglaise citronnée. On cherche la race, la minéralité et la verticalité dans cette structure un peu adipeuse, qui a tendance à s'affaler. Finale ardente, dévalorisant un vin dont on n'a pas vraiment envie de se resservir. Pascal lui trouve des qualités : acidité correcte, belle finale sur les agrumes.
2. Californie Russian River Valley – J. Rochioli Vineyards – Chardonnay River Block 2001 :
JP15 – PP15 - LG14,5
- Ici aussi, habit relativement généreux, doré.
- Des tonalités très reluisantes, à la limite de l'outrancier (caramel, vanille, nougatine, banane flambée) emplissent d'emblée le nez. Il y a un côté très enfantin et déroutant dans ces notes de briocherie, de confiserie (brioche, berlingot, cocktail exotique, donut) qui semblent s'assumer (14,2° d'alcool).
- Style opulent de nouveau, mais avec un équilibre plus satisfaisant (chaleur moindre, même si elle reste bien présente) et peut-être un surcroît de personnalité par sa complexité notamment (citron, réglisse, inflexions végétales intéressantes). Elle n'en reste pas moins plutôt simple (dense et fraîche pour Pascal).
3. Californie Russian River Valley – J. Rochioli Vineyards – Pinot Noir West Block 2001 :
JP14 – PP14,5 - LG14,5/15
- Robe discrète, annonçant bien le côté peu teinturier (généralement) du cépage.
- Premier nez développant des odeurs de cassis, de ronce, de fourrure, de fruits (jolie framboise gourmande). Le second nez confirme un élevage encore un peu présent, et déploie des notes de fumé, de cerise, de fleurs. L'olfaction reste particulièrement douce, arrondie.
- Bouche soyeuse, enveloppée, un peu chaude et sucrée, mais non dénuée de finesse, d'acidité et de longueur. Elle révèle un style facile (limite en race et profondeur selon les canons bourguignons), agréable mais peu à la hauteur. On peut être sensible à cette gourmandise accessible (que certains associent à la côte châlonnaise, ou à l'Alsace).
4. Oregon – Sine Qua Non – Pinot Noir Shea Vineyards 1998 :
JP14,5 – PP15,5 - LG14,5
- Robe ici aussi peu intense, mate, un peu terne.
- Le nez mobilise des notes flagrantes et intenses de pinot noir évolué qui composent un bouquet corsé charmeur : animalité, pruneau, bouquet séché, camphre, épices (girofle), tabac à pipe. Des notes d'olive noire peuvent aussi rappeler une vieille syrah.
- La bouche trahit un vin chaleureux (14°) pour une matière en déclin (pour les uns) ou plutôt une trame possédant un beau toucher pour les autres. Ils y voient alors un supplément de classe et de profondeur (mais sans la justesse des meilleurs pinots noirs bourguignons). A boire avant qu'il ne flanche (le vieillissement paraît accéléré, tout de même).
5. Washington Yakima Valley - De Lille Cellars – Chaleur Estate 1999 :
JP14 – PP14 - LG14
- Cabernet Sauvignon + Cabernet Franc + Merlot.
- La couleur revient intensément, dans cette parure presque intimidante (exempte de filtration, impénétrable, peu limpide).
- Nez balsamique, fort mûr, possédant cette « disgracieuseté attachante » des vins sauvages (à la Barral en Faugères) qui laisse filtrer de beaux arômes (certains étant typés cabernet) : cassis, herbes aromatiques, graphite, noix de coco, eucalyptus, moka, et pour moi bourbon très léger (malgré un recours à du chêne français comme spécifié sur la contre-étiquette).
- Bouche très dense, arc-boutée, musculeuse, soulignée par des goûts imprégnants de cassis, de réglisse, de cacao. Elle paraît toutefois peu distinguée et son équilibre est bancal (chaleur, acidité, sucre, tannins impressionnants – mais sans astringence) lui conférant un côté dépareillé en finale. Pascal la juge plutôt fraîche et suave.
6. Californie Sonoma County – Vérité - La Joie 1999 :
JP16 – PP16 - LG(15,5)
- 59% Cabernet Sauvignon + 41% Merlot.
- Robe intense, comme il se doit.
- Emanations complexes, plutôt organiques : civette, réglisse, cèdre herbes condimentaires (estragon), encre, menthe, pointe exotique, goudron, cacao. Un cassis conquérant englobe délibérément le tout.
- Bouche mûre, corsée, au caractère bordelais affirmé (certains l'ont trouvé plutôt libournais, avec une trame tannique en retrait, d'autres plutôt médocain dans sa fermeté, sans excès en arômes, en sucre ou en alcool), donnant libre cours au fruit (cassis, cerise écrasée). La bouche semble de fait plus jeune que le nez. Finale cependant un peu abrupte, rêche. Il faudra particulièrement surveiller l'évolution de ce vin (qui risque de sécher ?). Certains dégustateurs lui font plutôt confiance en raison de la qualité du jus et des tannins.
7. Californie Napa Valley – Joseph Phelps Vineyards – Insignia 1997 :
JP17 – PP17,5 - LG16,5/17
- 83% Cabernet Sauvignon + 14% Merlot + 3% Petit Verdot.
- Robe intense, un peu mate.
- Le nez, complexe et profond (un côté secret) est un véritable puits de senteurs : torréfaction, herbes aromatiques, tabac, figue, cassis, eucalyptus discret, fleurs séchées, graphite, menthol/cacao (after eight). Cette distinction aromatique se révèle corsée et d'évolution raisonnable.
- Pour une fois, la bouche implémente une triangulation acide, alcool, matière réussie et développe un fuseau gustatif gourmand, persistant, coulant, au caractère exotique retenu. Appréciable personnalité et finale vibrionnante, conférant avec bonheur beaucoup de vie en fin de bouche.
8. Californie Napa Valley Stags Leap District – Shafer Vineyards – Cabernet Sauvignon Hillside Select 1997 :
JP15,5 – PP16 - LG15
- Robe intense et mate.
- Nez extrême qui peut rappeler un Amarone ou un porto vintage. Ensemble balsamique, avec des odeurs d'eucalyptus, de menthe, de fruit profond (cassis, mûre), de réglisse, de cacao. Floralité capiteuse.
- Bouche peu convaincante, à la structure trop lâche, encore corrompue par des sensations boisées qui occultent la sève. Le vin est brut de coffrage (mâche imposante) et une pointe sèche sur une finale éphémère contribue à le discréditer un peu plus. Fuyant et désespérément cher. Pour Pascal et Jacques : grand volume, trame serrée, tannins mûrs et grenus, pour un vin qui rappelle un porto sec (liqueur de mûre, cerise, figue) : vin extrême encore acariâtre (chaleur, lourdeur, fermeté), fermé, prometteur.
9. Californie – Ridge Vineyards – Monte Bello 1996 :
JP16,5 – PP15,5 - LG16
- 80% Cabernet Sauvignon.
- Robe tendant sur le noire, ni mate ni brillante.
- Fragrances distinguées et nombreuses : café, agrumes, réglisse, graphite, rognon frais, herbes, havane, pruneau, épices. Belle conciliation du sauvage et du doux dans une épure plutôt insondable. Corsé en diable et racé (au sens médocain du terme, du moins).
- La bouche est construite dans un style sans compromis semble-t-il, mesurée dans son expression aromatique (groseille, citron, végétal noble) et structurelle (seulement 13° !). Elle s'exprime prestement, sur une chair peu roborative, incisive (presque acidulée, ligérienne). Originalité, fraîcheur et cohérence sont à son crédit. Pascal lui reproche tout de même un côté fuyant.
En juin 2001, à table, ce vin (fluctuant ?) s'était bien mieux goûté et nous avait paru rivaliser avec un vin comme Lafite-Rothschild 96 à l'époque.
10. Californie Napa Valley – Turley – Zinfandel Moore EarthQuake Vineyard 2000 :
JP15 – PP15 - LG14,5
- Robe légère, plus transparente, légèrement évoluée.
- Nez profond, associant des notes de rafle, de mûre, de cacao, d'épices, de savon d'Alep (olive), de fraises des bois fraîches, doté au final d'un sacré caractère, balsamique et aussi un peu campagnard.
- Bouche évoquant la confiture de fruits, le poivre. On s'attendait à un « vin massue » (très « Oncle Sam » vindicatif) et il n'en est rien, bien au contraire. La stature est plutôt frêle (par rapport à cette attente), la fluidité celle d'un grenache ensoleillé. Le caractère rustique est confirmé et l'alcool tend à s'imposer dans cette structure de petite tenue, peu persistante. Pascal lui trouve un beau volume.
Conclusion :
- Série en demi-teinte pour des vins réputés, très bien notés par les critiques anglo-saxons, chers.
- On note pas mal de divergences d'appréciation entre les dégustateurs ; elles ont rendu la rédaction de cette synthèse d'autant plus délicate (et intéressante) :
- Les références aux vins français sont données en étant conscient du potentiel biais culturel
- Il est possible que la rédaction que j'ai choisie (plus ou moins consciemment) desserve légèrement ces vins (avec un sensible biais négatif entre notes et commentaires, comme me l'ont fait remarquer mes acolytes)
- Ces vins généreux, corsés ont parfois des goûts éprouvants (pour une chaleur alcoolique appuyée), surtout dans le cas des blancs (lénifiants, dans un style pompier un peu factice qui frôle la caricature).
- Ils s'avèrent plus exotiques que familiers (malgré le recours à des cépages français) même s'ils ne sombrent pas systématiquement dans la lourdeur aromatique et structurelle outrancière dans le cas des rouges.
- Il serait divertissant de les comparer à des grands crus bordelais en situation (repas par exemple, pérégrination de type Carpe Diem filmée dans « Sideways »).
- Ils restent intéressants (pour un oenophile curieux), à défaut d'être tous convaincants.
Laurent
Message edité (21-02-2005 15:58)