La dernière réunion de mon club avant les vacances était consacrée à une dégustation de 8 vins du millésime 1995, afin de suivre leur évolution alors qu'ils s'approchent de leur dixième anniversaire.
Les vins étaient servis à l'aveugle par paire avec, pour les trois premières séries, un vin languedocien mis en face d'un vin d'encépagement et de prix similaires, provenant de régions a priori plus réputées.
Vous voyez sans doute où je voulais en venir, mon but étant de démontrer que cette région pouvait faire au moins aussi bien que celles qui sont considérées comme classiques. Sans tout dévoiler dès à présent, je peux tout de même dire que c'est raté pour cette fois ! A noter que mes convives n'étaient pas au courant de la manoeuvre et que la seule indication qu'ils avaient étaient le millésime.



1ère série : assemblages à base de cabernet sauvignon

Les robes : le second vin présente plus d'intensité et semble moins évolué, avec des reflets violets à rubis, le premier étant clairement sur le rubis.

Les nez : le premier vin présente un nez agréable mais pas très intense, assez fermé, sur les fruits noirs, le poivron mûr, de légères notes poivrées, du cuir, et un côté empyreumatique assez net, grillé, pierre à fusil. Le second se montre bien plus flatteur, plus intense également, plus boisé, plus mûr et plus fruité, sur le cassis, la violette, la réglisse, un côté sanguin, avec également des notes de poivron et de cèdre.

Les bouches : Le premier vin présente une attaque nette et fraîche, mais semble manquer de volume et de matière, et présente dans sa finale de belle longueur des tannins encore très présents délivrant une amertume certaine. Le second est plus rond, encore très tannique mais moins agressif, très bien équilibré et long.

A la quasi unanimité, les votes se portent sur le second vin (8 voix contre une).

Vin n°1 : Mas Daumas Gassac 1995, très austère, qui manque à mon sens de maturité sur ce millésime, mais qui peut sans doute encore s'améliorer.

Vin n°2 : Château Pontet-Canet 1995, encore dans sa tendre enfance, qui doit encore affiner ses tannins, mais qui a beaucoup de potentiel.

2e série : assemblages à dominante de grenache

Les robes : cette fois, c'est le premier vin qui semble plus jeune et plus intense de robe.

Les nez : Très agréable au nez, le premier semble se détacher, grâce à son côté mûr et flatteur, sur les fruits noirs, la myrtille, l'écorce d'orange, la réglisse, le poivre, ainsi que de légères notes animales et fumées. Le second semble quant à lui rebuter quelques dégustateurs par son côté animal et sanguin prononcé, mais celui-ci s'estompera à l'aération pour laisser place à des arômes de mûres, de poivre, et une minéralité prononcée sur la pierre chaude.

Les bouches : Comme toujours, la bouche fera la différence. Le premier vin ne démérite pas, loin de là, avec une belle fraîcheur équilibrant bien son côté ardent, certains lui reprochant néanmoins des tannins encore assez présents bien qu'ils semblent commencer à se fondre harmonieusement et surtout une longueur, qui sans être ridicule (une quinzaine de secondes), est assez loin du niveau du second. Celui-ci, étonnant de fraîcheur, avec des tannins fondus et d'un très beau soyeux, emporte la partie grâce à son équilibre et sa très grande longueur.

Le match était plus serré cette fois-ci, mais le second vin l'emportera finalement grâce à ses grandes qualités en bouche.

Vin n°3 : Prieuré de Saint Jean de Bébian 1995, superbe, peut-être encore un peu strict en bouche, il est loin du déclin, amorçant à mon sens à peine sa période de maturité.

Vin n°4 : Domaine du Vieux-Télégraphe 1995, un vin remarquable qui, malgré un nez un peu réduit, a convaincu ses détracteurs par son équilibre et sa longueur. Lui aussi a encore de longues années devant lui.

3e série : syrah

Les robes : Les deux vins présentent des robes d’égale intensité, avec cependant des reflets nettement plus jeunes pour le premier.

Les nez : Le nez du premier vin semble fermé, délivrant néanmoins à l’aération des notes de framboise, de myrtille, d’écorce d’orange, de réglisse, de poivre, de cuir et de suie. Le second vin. Le second n’est pas très avenant, avec des notes étonnamment évoluées et peu agréables de pruneau de raisin sec et de viandox.

Les bouches : Le premier vin, le moins désagréable des deux, présente une acidité à ce stade trop imposante, déséquilibrant l’ensemble. La longueur est bonne, sans plus. Je ne parlerai même pas du second, dont personne n’a pu avaler son verre, c’est tout dire…

Une série dont j’attendais beaucoup et qui se montre au final très décevante.

Vin n°5 : Chapoutier - Hermitage La Sizeranne 1995, encore fermé, il présente une acidité assez redoutable qui me fait grandement douter de sa future bonne évolution.

Vin n°6 : Domaine Peyre-Rose - Clos Les cistes 1995, un vin dont j’étais quasiment certain qu’il écraserait l’Hermitage par sa classe et sa maturité, et qui semblait complètement mort. Sans doute un problème de bouteille, car je n’ai jamais bu un Peyre-Rose aussi mauvais.

4e série : les liquoreux

Les robes : Elles sont toutes deux brillantes, assez soutenues, celle du premier paraissant cependant bien plus jeune que celle du second.

Les nez : Le match tourne court, le second vin présentant un côté poussiéreux net, et des notes de carton mouillé évoquant un problème de bouchon. Nous nous régalons cependant avec le premier qui présente de magnifiques notes de citron confit, d’orange amère, d’ananas, de miel, avec un côté encaustique et une petite touche vanillée apportée par l’élevage.

Les bouches : Nous ne parlerons plus de second vin, mais ce n’est pas trop grave, tant le premier nous ravit grâce à son équilibre parfait, liqueur (imposante) et fraîcheur (remarquable) se combinant pour notre plus grand plaisir. Et comme la longueur n’est pas en reste, nous sommes proches du nirvana.

Vin n°7 : Château La Rame - Réserve du Château 1995, toujours égale à elle-même, cette cuvée pourrait assurément remontrer les bretelles de quelques prestigieux Sauternes.

Vin n°8 : Domaine Duloquet - Coteaux du Layon SGN 1995, malheureusement bouchonné.

Que retenir ? Que mes favoris languedociens n’ont pour cette fois pas répondus à mes attentes, mais ils n’ont cependant pas dit leur dernier mot !
La série de grenache était assurément la plus réussie, avec deux vins d’excellent niveau.
Les cabernets sont dans une phase un peu austère et devraient se révéler dans cinq ans.
Les syrahs étaient quant à elles d’un piètre niveau, malgré une sélection qui laissait espérer bien autre chose. A revoir sur d’autres échantillons.

Luc

Quelques remarques :

On a jamais assez de château neuf du pape dans sa cave.
Prieuré 95 est un vin réussi, l'unanimité est conservée.
Gassac est un vin caractériel, il ne se laisse que très rarement attraper au bon moment...paraît-il!
J'ai déjà eu une différence de niveau entre deux bouteilles de Peyre-Rose à peu d'intervalle ( syrah léone 96 ) .

Que ce genre d'exercice me plaît bien.

J'ai voulu avoir la confirmation ce soir que le Clos des Cistes 1995 était affecté d'un défaut de bouteille. J'en ai donc ouvert une nouvelle.
Malheureusement, ce n'est guère mieux...
Le bouchon est pourtant intact, mais le vin est toujours marqué par des arômes viandeux désagréables, avec une acidité volatile marquée rendant la dégustation assez pénible.
Désolant, il n'y a pas d'autre mot...

Luc

Luc Javaux a écrit:

> désagréables, avec une acidité volatile marquée
> rendant la dégustation assez pénible.
> Désolant, il n'y a pas d'autre mot...
>
> Luc

Pourquoi ne pas faire analyser cette acidité volatile par un labo spécialisé , et demander le remplacement de ces bouteilles si le taux dépasse les normes ...j'ai eu ce problème avec des bouteilles du domaine de l'Aiguelière .

Ca va vous couter cher !!

vin100 a écrit:

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> Ca va vous couter cher !!

En cherchant un peu , on doit bien trouver un jeune étudiant qui travaille dans un labo à la FAC !

si tu es dans une ville où l'on prépare le DNO ou le BTS viti-oeno pourquoi pas

Ben, c'est à dire que près de chez moi, ce genre de FAC ne fleurit pas à tous les coins de rue...
Ce n'est pas très grave, il ne m'en reste plus qu'une bouteille, et les trois premières m'ont procuré un plaisir suffisant pour gommer la déception des deux suivantes. Et puis je n'ai pas l'esprit procédurier...
Le vin est une matière vivante et j'accepte le risque de bouteilles défectueuses, à partir du moment où celles-ci restent dans une proportion restreinte.

Luc

Je n'exclurais pas l'idée que le vin se soit natuerellement éffondré sur lui même, pas sûr mais possible... ???

Jmm