Le thème était donc double pour cette soirée de juin : les Margaux, Saint-Julien, Pauillac et Saint-Estèphe, mais avec en plus, pour l’apéritif et l’entrée, quelques beaux Champagne.
C’est Christophe qui a coordonné tout cela. On dit que les grands vins allient puissance et finesse. Christophe, dans sa sélection, a allié professionnalisme et malice !
En effet le premier chapitre a uniquement rassemblé des Champagne de vignerons non millésimés, mais quels vignerons et quels vins !
Quant au deuxième, certains avaient annoncé pouvoir reconnaître chacune des quatre appellations à l’aveugle… Sans chercher des pièges, Christophe a parfaitement démontré par différentes séries que c’était un exercice oh combien difficile.
C’est parti, car la soirée sera longue…
Avec l’amuse-bouche et l’entrée, les Champagne.
Ravioles de canard confit et veau, crème fouettée, sans puis avec son bouillon de volaille
Pour commencer, un intrus que personne n’a décelé comme tel.
Domaine Jean-Louis Denois – Crémant de Limoux – Eclipse
La robe se situe entre paille et or.
Le nez est vraiment très intense, sur des arômes grillés dominants mais avec également des fruits secs et une touche de pomme au four.
La bouche joue dans un registre tendu, presque épuré. Elle est très fraîche, élégante et de grande persistance. Un beau Champagne !
Quoi, ce n’est pas un Champagne ? C’est pourtant un assemblage de chardonnay, pinot noir et pinot meunier, mais cela ne suffit pas pour arriver à ce niveau. Le terroir et le vigneron y sont aussi pour quelque chose !
Très Bien (+)
Première paire : deux Champagne d’assemblage chardonnay et pinot noir
Domaine Chartogne-Taillet – Champagne – Sainte Anne
La robe est parée d’une couleur paille assez soutenue.
Le nez très intense se montre séducteur, mêlant fruits jaunes, arômes floraux, fruits secs et agrumes.
La bouche est traçante, un vrai fil de rasoir, et de grand caractère par sa densité. Ce sont les agrumes qui dominent cette fois jusque dans la longue finale dynamique.
Très Bien +(+)
Domaine Marguet – Champagne – Shaman 14
La robe hésite entre paille et or.
Le nez est puissant, combinant arômes lactiques et fruits rouges pour donner une impression de yaourt à la fraise… Une note briochée parvient cependant à se faire jour.
La bouche d’une belle amplitude est malheureusement sur la même aromatique qui m’a un peu dérangé, la finale relativement persistante étant relancée par de légers amers.
Bien, sans plus
Un vin tout seul apporté par François pour fêter la naissance d’Alexandre.
Domaine Larmandier-Bernier – Blanc de blancs – Longitude
La robe est paille.
Le nez très expressif conjugue complexité et élégance. Les beaux arômes floraux répondent aux arômes fruités de fruits blancs, de fruits secs et d’agrumes.
L’attaque est droite et fine mais rapidement la bouche très classieuse prend son envol avec plus de volume et de puissance. La finale impressionne par sa persistance et sa sapidité.
Pour moi un des deux Champagne de la soirée.
Excellent
Deuxième paire : deux Champagne axés sur le pinot noir
Domaine Egly-Ouriet – Champagne – Extra-Brut – Vieillissement Prolongé
La robe se teinte d’un bel or.
Le nez puissant exhale des senteurs de fruits jaunes, presque exotiques, de fruits secs et de brioche.
La bouche est dotée d’une grande matière, séveuse et corsée, et d’un grand volume. La belle sapidité se prolonge sur une persistance incroyable.
Voici donc le deuxième Champagne de la soirée, dans un style très différent puisque 70 % pinot noir et 30 % chardonnay alors que le Larmandier-Bernier était un 100 % chardonnay.
Excellent
La puissance de ce vin lui permet de bien tenir face à la poitrine de porc confite, plat destiné aux Bordeaux mais nous avions un peu de retard…
Domaine Jacques Lassaigne – Champagne – Les papilles insolites
La robe propose un or clair.
Le nez est ouvert sans plus, à l’aromatique fine d’un fruité pur. Il s’oriente plutôt sur les fruits blancs, agrémentés d’une note d’agrumes et d’une autre grillée.
La bouche est d’un registre tendu, avec une attaque en finesse, une bulle caressante, puis le vin gagne en volume tout en se prolongeant longuement sur une sapidité fruitée. Ce profil qui va en s’élargissant m’a rappelé celui du Larmandier-Bernier, avec des saveurs plus appuyées mais un soupçon d’élégance en moins.
Très Bien ++
Avec le plat, les Bordeaux
Poitrine de porc confite : une véritable tuerie alliant croquant et moelleux
Première paire : juste pour faire la transition et préparer la bouche à de « vrais » vins, un château sympathique dans deux versions de cuvées et de millésimes
Château des Graviers – Margaux – 2010
La robe est très sombre et jeune.
Très intense, le nez présente des fruits noirs un peu dominés par un boisé sensible. On perçoit également des notes empyreumatiques et balsamiques.
La bouche est dotée d’un fruité mûr et séducteur, d’un boisé moins présent qu’au nez, de tanins fondus et d’une belle fraîcheur.
On commence fort, surtout pour une transition !
Bien ++ / Très Bien
Château des Graviers – Margaux – Quintessence – 2001
La robe très sombre n’est pas limpide et présente des reflets tuilés.
Le nez presque puissant développe une aromatique de fruits pas très mûrs et de poivron, heureusement complétée par des senteurs de bois précieux et de sous-bois.
La bouche est dense, au grain très serré, mais assez austère par son aromatique et par ses tanins encore un peu durs.
Bien entendu le vin se montre plus aimable sur le plat.
Bien +
Une triplette pour bien explorer les différences d’appellations sur un même grand millésime encore jeune
Château Bel Air-Marquis d‘Aligre – Margaux – 2005
La robe est sombre et évoluée.
Très intense, le nez se révèle racé par ses fruits noirs réglissés et ses épices, aux légers accents de suie et de poivron.
La bouche est en conformité, très vive, d’un style longiligne et élégant, jusqu’à une finale bien goûteuse.
Un vin consensuel que tout le monde a dû placer en Margaux.
Très Bien +
Château Pontet-Canet – Pauillac – 2005
La robe très sombre possède encore quelques reflets violacés.
Le nez intense propose des fruits noirs mais aussi des arômes de noix de coco faisant penser à un élevage trop poussé et même quelques notes poussiéreuses dérangeantes.
La bouche est démonstrative, très ronde mais trop boisée. On ressent certes une belle matière mais engoncée dans cette coque de l’élevage. L’acidité paraît juste suffisante et la finale s’affine quelque peu.
Effet de séquence par rapport à ses deux challengers ? Vin trop jeune à attendre assez longtemps pour que l’élevage se fonde et que l’ensemble se complexifie ?
Bien + et donc grosse déception mais à revoir dans dix ans.
Château Branaire-Ducru – Saint-Julien – 2005
La robe sombre présente des reflets bien tuilés.
Le nez intense associe des fruits noirs dont le cassis, du cuir et des arômes balsamiques comme le cèdre.
La bouche est d’un grand classicisme, dans un style aristocratique mêlant rigueur, profondeur, élégance et franchise.
Très Bien
Deuxième paire : un même grand de Pauillac sur deux millésimes différents
Château Pichon-Longueville Baron – Pauillac – 2002
La robe est quasiment noire et présente à peine un début d’évolution.
Le nez n’affiche pas une très grande intensité mais envoute par son côté sudiste, ses arômes orientaux, de cuir noble, de réglisse et de fruits compotés.
La bouche est un modèle d’équilibre entre densité et finesse, sur la base d’une matière étonnamment mûre pour le millésime. Les tanins sont encore un peu saillants mais ils structurent l’ensemble et sont un gage pour aller encore plus loin.
Très Bien ++
Château Pichon-Longueville Baron – Pauillac – 1995
La robe très sombre montre des reflets tuilés au bord du disque.
Le nez intense est beaucoup plus classique et présente une aromatique aboutie et tertiaire. Havane, bois précieux et cèdre viennent complexifier un fond de fruits noirs pour un résultat très réussi.
La ligne directrice de la bouche est la droiture, qui s’appuie sur de remarquables bases que sont l’acidité, l’élégance, une matière fondue et une belle allonge.
Très Bien ++ également mais dans un style tellement différent !
Pour ces deux vins j’aurais dit Pauillac ou Saint-Julien … mais je ne sais pas distinguer les deux. Bravo à Vivien qui a trouvé l’appellation et le château !
Troisième paire : pour confirmer les différences d’appellations sur un même bon millésime
Château Montrose – Saint-Estèphe – 2001
Bien sombre, la robe dénote une certaine évolution.
Très intense, le nez exhale des fruits noirs aux senteurs exacerbées, notamment le cassis, et de la réglisse. C’est vraiment séducteur en diable et très merlot !
La bouche est dans la même veine, charmeuse par sa rondeur au fruité très mûr et par son toucher très soyeux. Les tanins fondus contribuent au côté sexy, sans être excessif, de ce vin que je n’aurais jamais placé en Saint-Estèphe mais plutôt en Saint-Emilion !
Très Bien ++ / Excellent
Château Léoville Barton – Saint-Julien – 2001
La robe sombre marque peu d’évolution.
Pas très expressif, le nez dévoile quand même des fruits noirs, du cuir et du bois précieux.
La bouche affiche une belle dimension et sa matière moins mûre que celle du Montrose mais noble est propulsée par une bonne vivacité, sans que la persistance soit remarquable.
Très Bien (+) mais a sans doute été desservi par la confrontation proposée.
Quatrième paire : deux Saint-Julien à maturité dans un grand millésime
Château Léovillle Poyferré – Saint-Julien – 1989
La robe est sombre, aux reflets bien fauves.
Le nez est très intense et classieux, sur une aromatique tertiaire de toute beauté ! Le sous-bois, le cuir noble, le bois précieux, le cigare et les fruits compotés constituent une palette extraordinaire.
L’élégance de la bouche est formidable : tout est fondu, abouti, épuré, persistant… La matière bien mûre est encore charnue et le toucher de velours.
Excellent
Château Saint-Pierre – Saint-Julien – 1989
Encore très sombre, la robe fait vraiment très évoluée par ses reflets roussis.
D’une belle intensité, le nez associe des arômes variés mais plutôt jeunes comme le café et les fruits d’un style assez confit.
La bouche est riche et confortable, d’une densité presque luxuriante. Les arômes empyreumatiques de café dominent, l’ensemble ne manque pas de fraîcheur et des tanins encore accrocheurs soutiennent la finale.
Très Bien +
Cinquième paire : deux appellations différentes à maturité dans un autre grand millésime
Château Marquis de Terme – Margaux – 1990
La robe sombre est très évoluée.
Le nez intense exhale des arômes très fins et complexes de bois précieux, de cigare, de sous-bois, de fruits compotés, mais également de rose fanée et d’une touche empyreumatique.
La bouche allie puissance et élégance, avec encore une belle vivacité et une allonge XXL couronnée par une finale savoureuse.
Excellent
Château Lagrange – Saint-Julien – 1990
La robe sombre a des reflets bien fauves au bord du disque.
Très intense, le nez est racé et complexe, et étonne par ses caractéristiques à la fois de jeunesse et d’évolution : un fruité pur mais aussi du cuir noble et des notes empyreumatiques très fines.
La bouche puissante est charpentée, à la matière encore imposante, au grain très serré et aux tanins gras et encore abondants. La finale est allongée plus par la puissance, sur sa lancée que par l’acidité.
A attendre vingt ans de plus… ????
Très Bien ++ mais le plus beau nez de toute la soirée.
Un bonus …
Château Tayac – Margaux – 1975
La robe est sombre, trouble et acajou.
D’une belle intensité, le nez est très évolué comme la robe, sur des arômes animaux voire de gibier, de champignon, avec même une note peu recommandable de serpillère.
La bouche est plus vivante, certes sur une matière peu charnue pour ne pas dire diluée, mais encore portée par une belle acidité. Le style du vin est donc longiligne mais il est je pense passé au-delà du côté obscur de la force.
Il fallait tenter l’essai !
Bien +
Avec le dessert, un blanc liquoreux hors thème.
Poire pochée, pruneaux et chocolat
Château Peironnin – Cadillac – 2003
Vivien nous a ressorti ce vin déjà apprécié lors d’une précédente dégustation et réclamé par l’un d’entre nous.
L’or de la robe est bien ambré.
Le nez très intense est doté d’un botrytis très pur et développe des arômes d’abricot confit, de miel et d’orange amère.
L’harmonie de la bouche est remarquable car le sucre est bien fondu, le fruité très avenant et l’acidité structurante sans dominer. La grande allonge permet de faire durer le plaisir.
Très Bien +
Un grand bravo au Verre Y Table, constant dans l'excellence.
Et un grand merci à Christophe pour la parfaite organisation de cette dégustation, d’un niveau très élevé avec très peu de déceptions, et pour sa générosité, ayant pioché de nombreuses fois dans sa cave.
Pas mal de vins ont divisé avec des avis différents et parfois tranchés, amenant de longues discussions passionnées ! Mais passionnés, nous le sommes tous…
Jean-Loup