Petit match amical entre Pinot Gris Vendanges Tardives et Sauternes
Après le match entre Fixin et Marsannay, mon club Amphores a organisé une rencontre amicale entre deux types de liquoreux. Pour limiter les paramètres, les millésimes étaient les mêmes ; et pour augmenter notre plaisir ces millésimes ont été choisis parmi les meilleurs communs aux deux origines.
Comme les palais fatiguent plus vite avec des liquoreux, la dégustation a été limitée à trois paires, sur les millésimes 2015, 2009 et 1996.
Mais comme nos séances démarrent toujours par un « vin mystère », le malicieux Jean-Michel nous avait glissé un autre vin sucré, dans la catégorie « moelleux », pour nous préparer la bouche.
Domaine Huet – Vouvray moelleux – Clos du Bourg – 2009
La robe se présente sous un bel or.
Le nez est un peu sur la retenue mais on y distingue tout de même du miel, du coing, des fruits exotiques et quelques touches fumées fugaces.
L’équilibre de la bouche est presque celui d’un demi-sec ou d’un tendre, tellement les sucres s’effacent derrière la tension et la sapidité, pourtant pas très expressive. Or il n'y a que 57 g/l de SR !
C’est la très grande persistance et la finale salivante et crayeuse qui rappellent la noble origine du terroir et du vin.
Très Bien +
Peu de temps après avoir bu deux fois Le Haut Lieu moelleux sur le même millésime, l’air de parenté est évident, et j’avais donc trouvé chenin et vouvray cette fois-ci à l’aveugle. En revanche le déficit de sapidité ne m’emmenait pas sur un moelleux de Huet et je l’ai donc un peu moins apprécié.
Domaine Albert Mann – Alsace Vendanges Tardives – Pinot Gris – Altenbourg – 2015
La robe se dévoile sur une belle couleur vieil or.
Très intense, le nez s’exprime par des fruits exotiques, notamment la mangue, puis par de beaux arômes de poire et de riches notes miellées.
L’attaque est large et confortable, plus par la matière bien fruitée que par le sucre. Une très belle acidité prend ensuite le dessus et apporte une grande tonicité au vin, le propulse assez lojn, jusqu’à une finale aux très fins amers, pouvant rappeler ceux de certains gewurztraminers.
C’est déjà très bon mais devrait encore s’améliorer avec le temps lorsque les deux parties auront fondu leurs qualités respectives.
Très Bien +(+)
Château Coutet – Barsac – 2015
La robe arbore un or dense
Le nez d’une grande intensité affiche un botrytis noble, avec ses arômes d’écorce d’orange très prégnants, mais aussi de miel et d’abricot sec. Une touche résineuse vient complexifier ce bel ensemble.
La bouche est dense, dotée d’une très belle sapidité et de sucres présents, certes, mais déjà bien intégrés. Une acidité vertébrale l’anime et lui apporte du relief, notamment dans la belle finale épurée.
Un Sauternes incroyablement bon alors qu’il est si jeune, mais c’est la magie de Barsac et de Coutet !
Excellent
Domaine Jean Siegler – Alsace Vendanges Tardives – Pinot Gris – 2009
La couleur vieil or de la robe est bien translucide.
Très intense, le nez serait plutôt monolithique sur les fruits exotiques si une note mentholée assez étonnante ne venait poindre à l’horizon.
Le profil de la bouche est droit, fluide et plutôt long, mais la matière peu sucrée, ce qui est une bonne chose, manque de chair et de sapidité (en intensité, pas en saveurs qui sont avenantes) pour moi, la finale se montrant un rien alcooleuse.
Bien ++ / Très Bien
Je dois préciser que cet avis n’a pas été partagé par tout le monde. Certains, pas des becs à sucres, ont même positionné ce vin en tête de la dégustation.
Château Doisy-Daëne – Barsac – 2009
La robe est d’un or très soutenu.
D’une magnifique intensité, presque puissant, le nez se montre très rôti, exhalant une aromatique d’agrumes, de pralin, de miel et de coing. Très beau !
La matière en bouche est énorme, très dense et mûre. La liqueur est généreuse mais bien contrebalancée par la formidable acidité qui, associée aux saveurs opulentes, la porte très loin, jusqu’à une finale savoureuse sur le zeste d’orange.
Excellent (+)
Encore un superbe choix que ce Barsac encore bien jeune, mais qui nous rappelle le génie de Denis Dubourdieu qui nous a quittés depuis.
Domaine Rolly Gassmann – Alsace Vendanges Tardives – Pinot Gris – Rotleibel de Rorschwihr – 1996
La robe est bien ambrée.
D’une bonne intensité, le nez nous fait voyager dans un univers de senteurs d’une belle complexité, avec des pâtes de fruits, des fruits confits, des raisins secs, des fruits exotiques , du miel, de la truffe et … une touche de carton mouillé qui ne parvient quand même pas à gâcher la très bonne impression générale.
En bouche le style est droit et austère. L’aromatique manque de netteté avec même des notes de serpillère, les sucres sont mangés, la matière est maigre et c’est la minéralité qui domine. La persistance est remarquable, la finale se révélant plus avenante sur un fruité plus franc et on termine donc sur une impression favorable.
Bien ++ mais
Très Bien + pour le nez seul.
Château Guiraud – Sauternes – 1996
La robe est très ambrée et dense, arborant presque la couleur d’un armagnac.
Le nez est puissant mais malheureusement sur des odeurs de térébenthine, d’éther, de quinquina et de colle blanche sur un fond miellé et de raisins secs. Après aération, il se montre plus avenant en s’axant sur de l’orange amère.
La bouche est bien équilibrée entre sucre et acidité, mais l’aromatique n’est pas au niveau , même si elle est plus agréable qu’au nez. L’allonge est fort intéressante.
Certains ont trouvé que ce vin était oxydé. Pour moi c’est de la déviance.
ED
C’est étonnant car les trois bouteilles de chaque vin sont goûtées avant puis, après feu vert, mélangées dans une grande carafe pour que chaque dégustateur ait la même chose dans son verre. Les trois bouteilles auraient donc le même problème.
Contacté, le domaine ne comprend pas et évoque un problème de lot…
Un grand merci à Jean-Michel et à Laurent qui ont très bien préparé cette séance, même si certains vins n’ont pas été au niveau attendu, mais ils n’y pouvaient rien !
Je ne tirerai aucune conclusion sur les valeurs comparées des deux appellations car cela n’aurait aucun sens, encore moins sur un si faible échantillon. Je peux simplement confirmer que les Sauternes, et même les Barsac, sont plus opulents que les Pinot Gris VT, mais que, bien choisis, ils ont suffisamment d’acidité pour les équilibrer.
Jean-Loup