LPV Versailles à la recherche de trésors anciens allemands
Lorsque nous avons décidé du thème de cette dégustation, c’est le nom de Vivien qui s’est imposé pour l’organiser. Mais il s’est aussi bien appuyé sur Christophe, autre fan des vins de ce pays. Il faut dire que chacun d’entre eux en détient plus de 300 !
Dans mon titre je parle de trésors car nous avons effectivement eu droit à des vins très rares et remarquables par leur qualité, et j’ai aussi utilisé l’adjectif « ancien » car, comme attendu, Vivien a puisé parmi les vins les plus vieux en sa possession. Sur les quinze vins blancs, le millésime moyen se situe entre 1994 et 1995, soit presque 25 ans de moyenne d’âge !
Avec les vins apportés au nom de dégustateurs démunis en vins d’outre Rhin, il a dû en procurer 10 sur 17… Vivien et Christophe nous ont bien dit avoir acquis ces vins il y a 10 ou 20 vins pour une bouchée de pain à l’époque, mais tout de même, quelle générosité !
On ne peut que regretter la petite participation, huit dégustateurs, sans doute la plus faible depuis la création du club. Mais les absents avaient de bonnes raisons et avaient fait connaître leur désappointement. A la lecture de ce CR, leur regret devrait se confirmer, d’autant que je ne suis pas un grand amateur de ce genre de vins …
Vivien et son acolyte avaient choisi des domaines tous différents pour pouvoir en explorer un maximum, et présenté des paires et doublettes avec un point commun mais très variable, pouvant porter sur le millésime, le terroir ou la catégorie en termes de vinification et de gamme de sucrosité.
Justement, les ignares
, qui représentaient exactement la moitié de l’assemblée, ont eu droit en préambule à un cours sur les auslese, halb trocken, Grosses Gewäcks, TBA et j’en passe… sans compter que le potentiel en alcool ne se mesure pas en degrés d’alcool mais selon l’échelle Oechsle…
Ne comptez pas sur moi pour vous en faire une synthèse : c’est du chinois ! De l’allemand ? Pas mieux, jamais eu la moyenne dans cette satanée langue…
L’ordre de dégustation était un ordre croissant théorique de « sucres ressentis » et non de sucres réellement dans la bouteille. Pour ne pas trop saturer nos bouches en sucres, le choix avait également été fait de ne pas servir de Trockenbeerenauslese ni d’icewein.
Vous avez soif ? On y va… mais après avoir donné une dernière précision. Ce CR est fait à quatre mains : j’ai fait le plus facile en couchant sur le papier ce que j’ai ressenti. Mais les dénominations de chaque vin sont l’œuvre de Vivien (merci à lui aussi pour cela !
). Si j’avais dû le faire, j’aurais été capable de confondre les noms des domaines avec ceux de la région ou de la cuvée et les n° d’AP avec les millésimes…
Amuse-bouche : crème de pomme de terre citronnée et cresson
Première paire de blancs secs : un même terroir de schistes
Weingut Heymann-Löwenstein - Mosel - Winninger Röttgen - Riesling GG - 2012
La robe est d’un or assez intense.
Bien ouvert, le nez dévoile des arômes finement pétrolés sur un fond se fruits jaunes et même légèrement exotique.
La bouche possède un léger perlant et un léger sucre résiduel mais n’est pas légère dans son aromatique très pétrolée et sa nette amertume. Un vin de caractère, assez austère.
Bien +
Weingut Van Volxem - Saar - Riesling Kabinett Rotschiefer - 2007
La robe est parée d’un or moyen.
Le nez s’ouvre assez timidement sur des fruits blancs et jaunes, des notes florales et une touche de résine.
La bouche présente également un peu de gaz, mais plus de confort par sa rondeur, son sucre un peu plus marqué et son fruité. Un vin avenant mais sans véritable personnalité.
Bien (+)
Entrée : saumon fumé maison, céleri, pomme Granny Smith, mousse à l’aneth
Triplette de blancs secs : spätlese trocken
Si j’ai bien compris et expliqué de façon grossière, ce sont des vins vinifiés pour être des spätlese (donc déjà assez sucrés du type moelleux) mais dont une grande partie des sucres se sont transformés en fin de fermentation…
Weingut Juliuspital - Franken - Würzburger Stein - Silvaner Spätlese trocken - 1993
Même moi ai trouvé l’appellation à l’aveugle grâce à la forme caractéristique de sa bouteille…
J’avais oublié en revanche que le cépage le plus adapté à cette région de Franconie est le sylvaner.
La robe affiche un or moyen.
D’une très grande intensité (un des plus intenses de la soirée), le nez délivre une aromatique engageante et très fruitée, des fruits exotiques essentiellement, mais aussi teintée de notes truffées du plus bel effet.
En contraste avec le nez, la bouche paraît moins exubérante, d’un profil droit sans être long, le fruit laissant la primauté à l’acidité. C’est d’une noblesse aristocratique, sans monter trop dans la hiérarchie, mais pour moi ce contraste m’empêche de le noter encore mieux.
Bien ++
Schloss Johannisberg - Rheingau - Riesling Spätlese trocken - 1989
La robe est très ambrée.
Le nez bien intense est manifestement sur les arômes tertiaires de noble rancio, de bois précieux, de fruits compotés et de caramel. J’aime !
Les légers sucres apportent du gras en attaque, la bouche possède un beau volume, puis l’acidité vibrante l’emporte loin, jusqu’à la rencontre avec de beaux amers en finale.
Très Bien +
Schloss Vollrads - Rheingau - Riesling Spätlese rosasilber halbtrocken - 1992
La robe est d’un or très marqué sans trace d’ambre. La différence est saisissante entre les trois robes. Ralf me taquine en me disant que mes descriptions de nuances de robes ne sont pas toujours évidentes mais que dans le cas de cette triplette il est en effet important de souligner ces énormes différences. Nous aurons des cas similaires dans d’autres paires.
Bon il est temps de plonger le nez dans le verre… mais nous n’irons pas plus loin : bouchonné !
Deuxième paire de blancs secs : domaines situés l’un en face de l’autre sur les deux rives de la Moselle, d’âge vénérable et similaire
Weingut Dr. Pauly-Bergweiler - Mosel Saar Ruwer - Graacher Himmelreich - Riesling Auslese trocken - 1985 - AP026-86
La robe est nettement dorée et légèrement ambrée.
Le nez intense donne des indices d’excès de soufre avec ses arômes grillés et de café, complétés par des épices et des fruits jaunes.
La belle rondeur en attaque laisse rapidement la place à une minéralité prégnante et une acidité qui évoque une lame de couteau jusque dans la finale ciselée sur le citron vert.
Très Bien (+) et sans doute mieux si le nez n’était pas aussi marqué par le soufre, peu sensible en bouche.
Weingut Selbach-Oster - Mosel Saar Ruwer - Zeltinger Sonnenuhr - Riesling Auslese trocken - 1983 - AP014-84
La robe est d’un or prononcé.
Le nez enchante par sa belle intensité et sa complexité : certes le bourgeon de cassis domine, mais il s’enrichit de fruits exotiques, de belles notes truffées et d’une touche mentholée qui rafraîchit l’ensemble.
La bouche est à l’unisson, tant par son ampleur que par son aromatique de cassis et sa belle matière pleine. Le sucre se fait discret et le palais reste léger grâce à une bonne vivacité, la finale élancée état plus minérale et teintée de légers amers.
Très Bien ++
Plat : filet de canette de Challans, betteraves et pruneaux (miam !)
Paire de rouges : du pinot noir assez jeune
Weingut Friedrich Becker - Pfalz - Spätburgunder "B" - 2013
La robe assez sombre est « entre deux », ni jeune ni évoluée.
Très ouvert, le nez présente un beau fruité rehaussé par une pointe de volatile, mêlant cerise, framboise et mûre, avec une touche briochée.
La matière en bouche est bien charnue et mûre mais les légers tanins sont plutôt rustiques et la finale est marquée par une acidité un peu trop vinaigrée. Dommage…
Bien, sans plus
Weingut Bernhard Huber - Baden - Spätburgunder Alte Reben - 2011
La robe assez sombre présente un début d’évolution.
A la fois très intense, élégant et complexe, le nez offre un fruité de cerise très pur, du bois précieux et une touche de ronce délicate.
La bouche réussit avec brio l’alliance d’une matière riche et mûre, d’une belle finesse et d’une rare élégance, d’une grande vivacité et d’une chouette persistance. Bref, un régal !
J’aurais bien aimé avoir ce vin en aveugle face à de bons premiers crus de la Côte de Nuits.
Très Bien ++ / Excellent
On repasse aux blancs, en montant en sucres…
Première paire de blancs sucrés : auslese au niveau max de la catégorie mais ayant mangé une bonne partie de leurs sucres, et cristallins
Weingut Jos. Christoffel jr. - Mosel Saar Ruwer - Wehlener Sonnenuhr - Riesling Auslese *** - 1994 - AP8-95
La robe est parée d’un or soutenu et très dense.
Le nez développe à l’aération dans le verre une belle aromatique constituée de fruits exotiques, de citron confit, de cédrat et d’un soupçon de fin pétrole.
L’équilibre de la bouche est remarquable, aux bons appuis réalisés par un grand fruit, une acidité vertébrale et un léger sucre. La belle longueur est toute en gourmandise et complexité, avec un goût de revoyure rare pour un vin possédant autant de SR. Quoi, vous avez dit 100 à 120 g / l ? J’en perçois à peine 30…
Très Bien ++ / Excellent
Weingut Fritz Haag - Mosel Saar Ruwer - Brauneberger Juffer Sonnenuhr - Riesling Auslese - 1993 - AP12-94
La robe dévoile un or assez dense.
Le nez présente des arômes de citron yuzu intenses et purs, agrémentés de notes florales.
La bouche est dotée d’une acidité dantesque qui vient harmoniser une matière riche et ample dont le sucre est masqué, la transforme, la rend aérienne, sur une persistance toute en élégance et délicatesse.
Excellent
Deuxième paire de blancs sucrés : spätlese jeunes
Bon, les spätlese, c’est moins sucré que les auslese puisque je vous ai dit que c’est grosso modo du niveau d’un moelleux. Pourquoi les servir après des auslese, qui plus est au max de sucre de leur catégorie ? Ben, étant plus jeunes, leurs sucres ne sont pas encore mangés et le ressenti est supérieur… Ils sont forts, nos experts !
Weingut Willi Schaefer - Mosel - Graacher Domprobst - Riesling Spätlese - 2009 - AP10-10
La robe est très nettement dorée.
Le beau nez d’une grande intensité associe des fruits exotiques et des fruits confits, avec l’émergence de précieuses notes truffées.
La bouche est très confortable, notamment parce que l’on perçoit effectivement plus de sucres que dans les vins précédents, mais aussi par la matière concentrée. Il y a aussi suffisamment de finesse et de longueur pour éviter le travers de l’épaisseur. Mais on n’est pas dans le style abouti des deux vins précédents, donc à attendre !
Très Bien +(+)
Weingut Joh. Jos. Prüm - Mosel - Wehlener Sonnenuhr - Riesling Spätlese - 2007 - AP33-08
La robe est de couleur paille ! De loin la plus claire de la soirée.
Le nez affiche une très belle intensité mais sur des arômes qui évoquent irrémédiablement le soufre, avec un grillé très dominant.
On ressent essentiellement le sucre et l’acidité en bouche, mais pas suffisamment la matière. A-t-elle été la seule victime, avec la robe, de l’excès de soufre ? Les experts sont divisés, les uns annonçant que c’est normal pour un Joseph Prüm aussi jeune, qu’il ne faut pas les ouvrir avant 20 ans, les autres que même jeunes ils ne se goûtent pas de cette façon et que ce flacon a donc un défaut…
Je serai donc indulgent et privilégierai la deuxième hypothèse. ED
Dessert : pamplemousse, gingembre et rooibos (fraîcheur et saveurs exquises)
Troisième paire de blancs sucrés : auslese certes âgés, mais dans un même millésime très riche
Weingut Karl Erbes - Mosel - Ürziger Würzgarten - Riesling Auslese ** - 1995
La robe est parée d’un or moyen.
Le nez s’ouvre bien sur du citron confit, des notes exotiques et une touche terpénique.
La bouche s’exprime dans un registre rigoureux, presque cistercien, que j’apprécie pour sa franchise et sa buvabilité, avec peu de liqueur et une aromatique sur les agrumes. Elle ne manque cependant en aucun cas de chair ni d’allonge.
Par effet de contraste avec le dessert, le vin reprend des arômes de fruits plus mûrs et moins amers.
Très Bien ++
Schloss Reinhartshausen - Rheingau - Erbacher Siegelsberg - Riesling Auslese – 1995
La robe est d’une couleur plus que vieil or, caramel.
Intense et classieux, le nez est celui d’un vin botrytisé qui possède un très beau rôti, sur des arômes luxuriants d’abricot confit et d’orange sanguine.
La bouche possède une grande amplitude, une chair serrée et riche en sucres, tenue par une belle acidité. La superbe finale très persistante est toute en vivacité et sapidité.
Un superbe vin qui a évoqué de grands Anjou liquoreux pour certains.
Excellent
Deux extras savourés l’un après l’autre
Frühmesse Stiftung Zeltingen - Mosel Saar Ruwer - Zeltinger Schlossberg - Riesling Auslese - 1976
La robe est ambrée, assez dense.
Le nez intense associe avec bonheur orange amère, rôti et truffe.
Le triangle magique ayant pour sommets la matière fruitée, l’acidité et les sucres résiduels est bien équilibré, équilatéral diront les mathématiciens… Les sucres notamment ont été bien « mangés » par le temps (déjà 43 ans !). L’aromatique est bien évoluée, avec des notes de champignons qui s’effacent cependant sur le dessert.
Très Bien ++
On commence à fatiguer…
Je propose un « stop » car la dernière bouteille n’est pas ouverte. Mais elle ne fait que 50 cl…
Schloss Schönborn - Rheingau - Riesling Auslese Goldkapsel - 1990 - AP008-91
La robe est très ambrée, d’un bel acajou bien sombre.
Très intense, le nez séduit par sa classe et sa complexité : tour à tour les arômes de miel, d’abricot, de raisins secs, d’agrumes, de fleurs se succèdent et se fondent…
C’est un véritable délice en bouche, d’une sapidité à la fois impactante et précise, d’une acidité vertébrale magnifique, d’une longueur superlative, et d’une élégance superbe. Et la liqueur dans tout ça ? Je ne l’ai pas mentionnée dans mes notes car elle est parfaitement fondue, bien présente mais sachant se faire oublier. Qui voulait zapper ce dernier vin ?
Un grand vin.
Excellent (+)
Bon, il est plus tard que d’habitude, sans doute à cause des traductions non simultanées, mais qu’est-ce qu’on est bien ! Et le lendemain, même pas de mal à la tête…
L’expression de remerciements envers Vivien sera toujours insuffisante par rapport à sa générosité, sa soif de partage des vins et de sa connaissance. Christophe a superbement tenu son rôle avec des avis pointus lors de la préparation et des escarmouches endiablées pendant la dégustation, avec même Ralf qui y mettait son grain de sel.
Bravo à tous !
La prochaine fois, on met un grand coup de barre à l’ouest avec le Muscadet et le Chinon rouge.
Jean-Loup