Rencontre ce soir même avec Charles Hours... venu nous présenter sa cuvée Marie et son Jurançon moelleux, d'autres vins du Sud Ouest dont il s'est entiché... et qui effectivement valent le détour. Charles Hours est sympathique, chaleureux. J'ai apprécié la façon dont il s'est promené parmi les membres du Club, choisissant de s'asseoir à côté de l'un d'eux pour discuter en solo des impressions des vins, posant son regard sur les uns et les autres, cherchant à obtenir confrontations dans les perceptions gustatives, et, déclamant solennellement et tout en séduction un "bonsoir Madame" plein de déférence et de courtoisie lorsque nous nous sommes croisés.
Monsieur Hours est jovial, drôle, intelligent, spirituel, parlant du travail de la vigne avec passion et volonté de partage absolu de ses émotions et de son ressenti.
La dégustation proposée, dans l'ordre, et telle que je la rapporte est celle d'une mise en parallèle des Jurançon secs et moelleux selon les millésimes 2005, 2004, 2003 et 2001.
Jurançon sec Cuvée Marie 2005 : je lui ai trouvé un nez floral, rappel boisé et vaporeux des notes du chèvrefeuille, agrémenté du coing et de la pêche blanche, en particulier la pêche de vigne, rarement consommée, parce qu'elle est pratiquement introuvable, mais particulièrement odorante. Et cette Cuvée Marie m'a permis de la retrouver telle que je l'avais découverte, sauvage, fraîche, acidulée et sanguine. La bouche est étoffée des saveurs du miel et de l'abricot, mais doit à sa minéralité et à son fumé que traversent les notes de cacao et de ginseng, une acidité bienveillante qui tend le vin de façon remarquable vers des saveurs de nèfle. Un excellent vin, selon moi.
La cuvée Marie 2004 : elle présente un nez très agréable, empli des fragrances plus typées des vins de Jurançon, l'écorce d'agrumes. J'ai humé aussi le melon, la pêche blanche, et les pétales de roses glacées. ( Très faciles à confectionner, et idéales pour accompagner les salades de fruits).
La bouche confirme l'évolution des sensations d'agrumes, par la clémentine et le citronné dans la finale. Une bonne acidité qui tend le vin de façon remarquable et apporte la douceur et le plaisir tactile d'une longueur pleine de fraîcheur.
La cuvée Marie 2003 est particulière en raison des difficultés engendrées par la canicule. Le vin a titré plus de 15° d'alcool potentiel. La législation n'a pas permis la dénomination vin blanc sec. Charles Hours l'a donc baptisé vin issu de "raisins surmûris", indication étiquetée. La récolte a été précoce et permet d'obtenir un vin d'une acidité parfaite en maîtrise complète des saveurs du fruits. Le nez évoque le caramel et la noisette mais la bouche se veut plus gourmande. Elle vous aiguillonne vers la tartine de brioche grillée à la confiture de fraises au sucre candi. ( A chacun sa madeleine...) Après réflexion, la tarte à la rhubarbe.
La cuvée Marie 2001 est attrayante grâce aux saveurs assez particulières qu'elle met en exergue : le goût de l'amidon de pommes de terre, le fumé, la noisette, la farine, avec pourtant un nez qui rappelle des notes d'infusion. Attrayante et séduisante. Elle m'a bien plu. Après tout, on peut aimer l'amidon!!. Elle se veut très minérale, offre une bouche pleine de fermeté, et rigoureuse par une finale de citron vert.
Le Jurançon Moelleux Uroulat 2001 ( Monsieur Hours prononce [Ürulat']), se déguste des yeux d'abord par la brillance de sa robe, puis par un nez particulièrement expressif sur le melon, la laitue cuite, la mâche, la fane du radis..., un fumé dans la plus pure expression du terroir, à l'identique de celui qu'on retrouve dans la Cuvée Marie 2004 et 2001, enfin par une bouche qui reprend la pomme de terre cuite, la levure, mais surtout l'endive et la chicorée. Des saveurs surprenantes, mais vraiment plaisantes en dépit de ce qu'elles s'articulent autour du végétal, d'ordinaire si décrié, au point que même Charles Hours travaille la récolte, fin novembre, de façon que le fruit soit au premier plan ce qui émane de ses cuvées. Or, l'intérêt, selon moi, de son Jurançon 2001 est ce bouquet végétal, net, savoureux et légèrement sucrailleux vers l'artichaut et la topinambour.
Jurançon moelleux 2003 s'oriente pour l'odorat vers les billes de melon cuites au beurre ( certes, mes comparaisons sont strictement culinaires, sont ces "invitations au voyage" baudelairiennes... dont je me régale..., et c'est plus fort que moi, mais quand un vin me plaît, il m'inspire des paysages littéraires.), et pour le palais, vers la pâte de fruits d'abricot. Une acidité ragaillardissante, et étonnante pour un 2003. Charles Hours explique qu'il a vendangé sur plus d'un mois d'une part, relativement tôt, et que le petit manseng est un cépage certainement plus résistant.
Le Jurançon moelleux 2004 permet de retrouver les agrumes confits, la minéralité du graphite - qui éteint d'ailleurs le fumé jusqu'alors dominant dans l'expression de la minéralité -, la pomme verte et le jus d'ananas. La bouche confirme l'ananas, mais lui ajoute la clémentine... et des touches de cacao.
Le Jurançon moelleux 2005 présente des similitudes avec la Cuvée Marie 2005 grâce aux épices, le poivre domine assez nettement, le melon, et la pêche. Une bonne acidité qui rend la liqueur très souple et vive. Un très beau vin.
J'ai donc été conquise par les vins de Charles Hours qui se veulent, comme l'homme, authentiques, justes dans leurs expressions, et toujours plaisants, charmeurs dans les notes les plus surprenantes qu'elles soient ou non végétales, ou minérales.
Isabelle