Quelques notes relatives à un court mais dense voyage dans la partie est du Péloponnèse cet été sont relatées ci-après.
On commencera par la Laconie .

Généralités
Si l’on considère que le Péloponnèse représente une main ouverte à trois doigts orientée vers le bas, la région de Laconie en représente le plus oriental au sud de Sparte, même si la région administrative est en fait bien plus vaste.



Ici, l’olivier est roi et son dauphin n’est pas la vigne mais l’arbre fruitier. La superficie du vignoble n’atteint pas les 700 Ha et si l’on précise, en parallèle, que l’on compte moins de dix domaines viticoles (dont à peine cinq seraient vraiment significatifs par leur taille et leur qualité), on peut vite se faire une idée de la structure de la zone. Plus de la moitié du vignoble est exploité pour la consommation privée ou à titre accessoire.
Avant l’arrivée des Ottomans, on trouvait en Laconie un des vignobles les plus importants de Grèce avec une production riche et renommée, surtout centrée sur le vin doux de malvasia mais cette activité a été quasi asphyxiée pendant plusieurs siècles et n’a jamais retrouvé son aura d’antan. Pourtant, la région dispose de cépages autochtones de grande qualité et peut faire état d’une longue tradition vinicole. Un paradoxe à peine corrigé récemment par l’octroi d’une IGP Laconie en 2000 et d’une AOP Monemvassia-Malvasia en 2010.

Domaine Theodorakakos
Situé à une petite vingtaine de kilomètres au sud de Sparte, le domaine présente la particularité d’avoir ses 40 ha de vignes autour des installations et presque d’un seul tenant. Ce n’est pas non plus un nouveau-né puisque on y produit du vin depuis plus d’un siècle. L’organisation moderne du vignoble en rangs ne remonte cependant qu’à une cinquantaine d’années mais elle a servi ensuite de modèle pour toute la région. L’implantation des installations techniques dans un ancien « château Mani » date, quant à elle, de 1988.



Nikos Theodorakakos, au départ vétérinaire mais vite réorienté dans l’oenologie, explique que la philosophie du domaine repose sur deux piliers essentiels : les cépage locaux et la culture bio.
« La famille, et avant tout mon père Georges, a toujours refusé de planter des cépages internationaux car disaient-ils, pourquoi venir à Sparte pour déguster ce que l’on peut trouver partout ? ». Il ajoute : « lorsque le vignoble a été restructuré, la question s’est posée car, à l’époque, notre patrimoine était exclusivement constitué de cépages grecs peu connus et peut-être plus difficiles à vendre mais dans le même temps, on voyait bien que les remplacer par des cépages internationaux conduirait à un cul de sac… Et, dans leur esprit, promouvoir les cépages locaux permet aussi de relier une activité moderne à la tradition ancestrale de la viticulture en Grèce et à l’histoire antique de Sparte sur lesquelles une identité propre peut se fonder ». L’encépagement est donc composé pour l’essentiel (environ les 3/4) de mavroudi (cépage rouge) et de kydonitsa (cépage blanc). Le reste se partage entre monemvassia (blanc), assyrtiko (blanc), roditis (blanc) et agiorgitiko (rouge) ainsi que quelques variétés plus rares en très petite quantité (petrouliano, thrapsa). Le tout est exploité selon les préceptes de l’agriculture bio avec certification depuis 1996.



Curieusement, l’âge moyen des vignes est inférieur à 20 ans. Nikos Theodorakakis estime en effet que, sur son domaine en tout cas et compte tenu fait qu’il est loin de pratiquer une culture intensive, la productivité d’une vigne baisse inexorablement à partir de 30 ans. Il préfère donc ne pas trop attendre pour remplacer les pieds plus anciens. Ce faisant, il conserve un rendement à l’hectare inférieur à 100 qt/ha ce qui permet une bonne qualité des raisins.
Outre le vrac qui représente la moitié de la production, le domaine embouteille bon an mal an 150 000 cols dont 20 à 25 % sont exportées (principalement dans la diaspora grecque en Amérique du Nord, en Allemagne et en Grande-Bretagne). Exporter est la condition indispensable pour atténuer les effets de la crise même si on constate que la vente locale est plutôt en augmentation grâce à l’essor du tourisme. Sur le marché grec, le vin en vrac est aussi en augmentation par rapport à la bouteille et l’enjeu est d’en proposer un de qualité à prix correct qui valorise cette qualité.
L’oenotourisme, en tant que tel, reste toutefois peu développé car les domaines de Laconie sont assez distants les uns des autres et il est malaisé d’organiser des excursions vraiment dédiées au vin. En revanche, on pourrait s’orienter vers de l’agrotourisme, au départ de Gythio ou Monemvassia, en se calant sur l’histoire riche de la région et en combinant randonnées en montagne, visites culturelles et visites de différentes entités de production agricole (olives, agrumes, vignes,..). Mais cela ne se fait pas car peu d’entre elles sont équipées pour l’organiser.
On constate également que la restauration locale s’intéresse peu au vin, encore moins aux vins de la région, et il est très rare d’y trouver une carte un peu élaborée et en plus, quand c’est le cas, les prix sont souvent dissuasifs. Nikos Theodorakakos en est parfaitement conscient : « c’est une faiblesse qu’il faut corriger à l’avenir », dit-il. « A condition de se pourvoir d’un équipement technique adéquat (plus d’un million et demi d’euros en l’occurrence), on n’a rien à envier à d’autres région viticoles, connues dans la monde, car on a maintenant tout en main pour faire un vin excellent. Et l’avenir n’est pas si sombre qu’il y paraît surtout si l’on peut profiter de la renaissance de la malvasia pour ouvrir l’appellation ; finalement ce sont les mêmes cépages que chez nous ».




Les vins sont vinifiés à basse température et les levures indigènes ne sont pas assez efficaces pour le faire donc il préfère recourir à l’emploi de levures de culture pour soutenir les fermentations en adéquation avec chaque cépage dont il ne faut pas trahir non plus les caractéristiques. Il faut respecter la matière première et un vin bio doit être au moins aussi bon qu’un traditionnel. Il se méfie des vins naturels car les risques de dégradation sont trop importants.
Quatre vins nous sont proposés à la dégustation :

1. Estate Theodorakakos Kydonitsa 2017 IGP Laconia
Pré-macération à froid de 6 heures en milieu anaérobie puis fermentation en cuve inox et court élevage sur lies de mois avant mise.
Bouquet assez expressif et complexe, d’abord floral puis plus orienté fruit blanc (coing, mirabelle) avec aussiquelques notes d’agrumes tirant vers le zeste de citron et la mandarine. La bouche se montre bien fruitée, assez dense et très fraîche avec des amers intéressants en finale. Très beau vin et de loin, le meilleur kydonitsa bu sur place.

2. Estate Theodorakakos Rosé demi-sec 2017 IGP Laconia
10 gr SR
Bouquet simple sur la gelée de fruits rouges (fraise, cerise, framboise). Beaucoup (trop) de douceur en bouche malgré un joli fruit.
Nikos Theodorakakos envisage de réduire à l’avenir la teneur en SR à 5 gr… ce qui, pour mon goût, va dans le bon sens.

3. Estate Theodorakakos Mavroudi 2012 IGP Laconia
Fermentation en cuve inox. Elevage en barriques avec 1/3 de bois neuf et le reste de 2 et 3 vins. Origine : 70 % bois français (Nevers) et 30 % bois américain. Chauffe medium en majorité.
Premier nez très boisé. L’élevage se marque également aromatiquement (fumée, fruits secs grillés, pointe de chocolat) et masque le fruit. En bouche, l’attaque se fait en douceur, presque souple puis les tanins se dévoilent, mûrs mais très présents avec des amers qui se prolongent. Néanmoins on retrouve du fruit mûr qui peut un peu arrondir l’ensemble. A noter que le vin a été servi trop chaud et qu’il gagne beaucoup à l’aération en retrouvant du fond et de l’équilibre. Mérite d’être attendu et revu dans des circonstances plus appropriées car ce cépage semble avoir du potentiel.

4. Monemvassia (Future Malvasia ?) 2014 – Echantillon tiré du fût
Monemvassia 100%. Passerillage d’une semaine. 13,5 % vol., 120 gr SR, 8 gr acidité.
Aromatique puissante et complexe de raisins secs, de poire au sirop, d’épices douces (coriandre, gingembre, cannelle) et de malt. La bouche est riche, huileuse mais fraîche grâce à une acidité suffisamment tonique. Toujours en cours d’élevage, l’ensemble demeure encore un peut brut et s’affinera sans doute avec le temps. Excellent déjà.



Pierre

Merci, c'est toujours un plaisir de découvrir des domaines hors de nos frontières

Le deuxième épisode nous laisse en Laconie au domaine Monemvasia.
Voir le CR ICI dans le fil lié au domaine.

Pierre

Merci Pierre pour ces commentaires et ces découvertes.

J'ai envoyé le lien à un ami qui importe l'huile principalement et certains produits grecs des coopératives agricoles d’Epidavros Limira – LACONIE (solidaire et équitable, bio pour partie).
Il est très intéressé pour son prochain voyage d'aller visiter ces domaines (et moi par ce qu'il pourrait ramener).

L'esprit LPV c'est aussi une grande fenêtre sur le monde, MERCI.