Bonjour à tous,
Ces derniers jours, j’ai gouté trois vins qui chacun à leur niveau, m’ont procuré une émotion profonde dépassant le simple cadre du “c’est bon”. Sur le
cr du Viré Clessé de Thévenet,
j’ai évoqué qu’”
à un tel niveau de réjouissance et d’émotion, le vin pour moi, prend presque un caractère de mythe”. Cela m’a donné envie de tenter d’écrire quelques mots sur le sujet, plus sous forme de questions que de réponses, à la suite de quelques annotations à propos d’une dégustation de vins d’Alsace qui m’avaient déjà inspiré
quelques brises de tête.
Rappelons qu’un mythe est une histoire à laquelle on prête à la représentation de ce qui nous dépasse, un caractère humain. C’est précisément ce qui m’intéresse. Qu’est-ce qui est à l’œuvre quand les concepts humains, d’harmonie, d’équilibre, de beauté, d’unité, de finesse, de tension, de profondeur etc. semblent prendre chair dans quelques cl de liquide qui vous font monter au ciel et accéder à une forme de transcendance. Ou tout du moins, vous rendent silencieux - ou joyeusement affable, tant l'émotion se partage - à l’écoute, admiratif, amoureux de ce qui se joue à cet instant. Le propos est purement poétique et résolument profane ! Ce qui nous dépasse ne se réduit pas à la sphère religieuse ou mystique qui dans notre culture, fait souvent référence à un au delà, à un plus haut, forcément ailleurs, demain ; comme quelque chose à atteindre, à comprendre ; en bref, à un objet réduisant le mystère - ou l’inconnu - à ses contingences. Le vin dégusté est notre représentation, un mythe qui prend chair, en acte, à l’œuvre à chaque inspir, chaque gorgée ; l’au delà est l’au dedans de notre verre, de notre bouche !
Souvent le mythe s’échoue dans ses représentations objectives, d’où parfois, il s’élève et nous éclaire. Qu’est-ce qui fait décoller le vin et nous avec ? Pour moi, la justesse, la précision, la perfection de son incarnation dont nos représentations sont le reflet, et j’oserais dire, le berceau, car qui pourrait dire si l’émotion nait du ressenti ou de sa juste représentation, tant les deux s’épousent en de tels instants ? Bien sur, le décollage n’a lieu que s’il y’a une rampe de décollage, voire une grille de lecture adaptée, symbolisant l’apprenti dégustateur...
Qu’est-ce qui donne à ce niveau de réjouissance, un parfum de reconnaissance et de retrouvailles, alimentant notre quête du bon, du beau, du grand vin ? Comme si le présumé objet de perception, de plaisir, d’émotion, nous racontait quelque chose d’intime, voire d’oublié, que dans le fond, notre nez, notre bouche, ne sont pas les seuls à sentir, ni à gouter, tant ils semblent associés à la part immatérielle de nous même que l’on nomme esprit, seul capable de synthèses [size=x-small]réductible au cerveau, pour certains, mais c’est un autre sujet[/size].
Qu’est-ce que l’unité ou l’harmonie d’un vin, sinon la juste synthèse de ses éléments ? Comme si la perception recélait en son propre sein quelque chose de plus grand qu’elle, contenu paradoxalement dans sa singularité concrète prenant figure d’harmonie, d’équilibre, de beauté, d’unité qui lui donnent des ailes ? Certains, non avares d’explications, diraient que c’est la mémoire qui rentre en jeu, et sur le plan où ils se situent, ils n’auraient pas tort, mais ce n’est pas de cela dont on parle, car s’il s’agissait uniquement d’une répétition du connu, de l’identifiable, le vin nous transporterait-il autant ? Personnellement, j’en doute, car dans cette forme d’ouverture que le vin actualise, il y’a comme un gout de première fois, un parfum d’oubli de soi, tant la grandeur du vin occupe tout l’espace, qui n’exclue pas évidemment des emprunts à la mémoire, à la comparaison, aux hiérarchies, mais qui pour moi, viennent après, comme un commentaire qui a toute sa place... quand tout ce qui se jouait d’important, s’est envolé ou retourné au fond du verre !
On pressent bien que la réponse vivante à ces questions n’est pas de type objectif, paradoxalement portée par nos sens et notre esprit. Sacré paradoxe d’une réalité mesurable - car sur un certain plan, l’équilibre, la tension le sont, non ? - qui transmutée dans nos images tissées d’impressions qualitatives, déborderait de ses limites apparentes, avec la capacité de nous toucher au plus profond, comme un miroir nous reflète.
Toutes ces évocations ne sont que de simple hypothèse poétiques, mais la question reste entière : en quoi le vin nous touche autant, jusqu’à parfois nous bouleverser et nous faire couler une larme au coin de l’œil ? Qu’est-ce que cette beauté, cette harmonie, cette perfection, cette unité, comme racontées pour être lues par nous, par le vin qui les porte ? Le mythe s’écrit à chaque inspir, chaque gorgée...
A chacun de trouver [size=x-small]ou mieux d’être visité par, mais Rachid va me prendre pour un mystique[/size]
sa propre réponse. Quand
je voyageais beaucoup dans le désert
avant que les barbus ne le rendent infréquentable, je ressentais les paysages autour de moi, étendus jusqu’à l’horizon, fabuleux de beauté, comme des questions ouvertes à la réponse qui les posaient.
Mais c’est enfoncer des portes ouvertes [size=x-small]image bien plus profonde qu’il n’y parait[/size] que de suggérer qu’en deça du mesurable et du tangible, le mystère de la grandeur d’un vin [size=x-small]figure privilégiée de ce qui est autre, pour nous qui en sommes passionnés,[/size] pourrait être le notre.
Daniel