LPV SR, The Lémaniques Brothers strike back ou "Hommage à Jules Romains, dans lesprit et la tradition de "les Copains""
Before the before :
Vendredi matin, j’arrive avec mon matériel et les courses faites pour préparer notre repas réunionnais (
description LA
), thème de la rencontre du lendemain. La hotte pleine de cadeaux, je sonne donc chez Christophe (Chrisdu74), bien décidé à me mettre au boulot… et y’en a, du taff à abattre ! Prévoyant, Christophe avait déjà débouché quelques flacons (cachés à mes yeux) et commencé à les tester, en vue de notre casse-croûte du midi…
Vin de Pays de Franche Comté, Gamay "La Rayne" 2009 dom. LABET, Cotes de Duras 2009 blanc "Divine Alliance" dom. des Allegrets, et Bourgogne Chitry blanc 2008 dom. Olivier Morin, nous attendaient donc, sur le coin du bar nous séparant de la cuisine, et passant par là pour aller rejoindre les fourneaux, il aurait été malpoli et incongru pour deux LPViens se retrouvant, de ne point y jeter un petit coup de papilles. Mention spéciale pour le Chitry, très sympa et à l’équilibre facile et immédiatement plaisant.
Charcuterie et salade de tomate nous sustentèrent, les vins nous désaltérèrent, et ragaillardis par cet heureux encas, Christophe, sa femme et sa fille se joignirent à moi pour entamer nos préparations.
Before :
Le lendemain, le temps était au beau fixe, et le jardin de Christophe nous tendait les bras avec insistance. Les préparatifs du dîner étant bien avancés, nous nous laissâmes aller à un démarrage apéritif tout en douceur. Un très équilibré et complexe
Saint Ser Rosé 2010 ouvrit le bal avec élégance et efficacité, trouvant sa place aussi bien dans nos gosiers assoiffés que sur la très goûteuse et légère saucisse de bœuf fumée faite par un éleveur Suisse et les quelques Provolone paysans rapportés et offerts la veille par un ami italien à moi.
Sous le cerisier, nous suivions la cuisson de nos côtes de bœuf d’un œil, tout en savourant ce moment de grâce épicurienne qui se dessinait et s’organisait sous nos yeux… depuis deux jours déjà. La cote était parfaite, et un
Pomerol 1985 ch. GAZIN trouva fort belle palce à ces cotés. Le
Pintia 2005 se montra plus sur la réserve, et sa belle puissance restait un peu aigue pour cette viande aux arômes de cake au beurre salé, dont Christophe avait réussi la cuisson à la perfection. Mais bon il faut bien se contenter de ce qu’on a !
Pour le jeu, Christophe tenta un
Côtes de Castillon 2008 Clos Puy Arnaud, dont la vigoureuse jeunesse trouva un étrange mais réussi compromis avec une magnifique salade tomate mozza, la mozzarelle di buffala fraîche ayant suivi le même chemin d’approvisionnement que les provolone.
Quelques préparatifs culinaires plus tard, les invités arrivaient : Tamàs, un ami hongrois amateurs de belles bouteilles, Jérôme (JeromeM) et Philippe (Philippipipourrah), Viràg, ma femme (un nez redoutable) Christophe et moi.
Petit comité, grande dégustation pourrait-on dire. La rigueur de
NOTRE PRECEDENTE SOIREE
laisse la place à une atmosphère immédiatement fendarde, dans le plus pur style de Jules Romains dans son anthologique livre « Les copains », que tout épicurien vaguement sérieux doit avoir lu, sous peine de se voire appeler « ventre mou » et affabulateur.
À l’ombre de quelques arbres, sur la terrasse dûment vissée (private joke) de Chrisdu74, dans la lumière déjà déclinante de ce début de soirée, des amis trinquèrent un bon coup.
Tout se passe à l’aveugle, sous chaussettes adidas !
Et nous ouvrîmes les réjouissance pas
LES BLANCS.
DOMAINE DES ARDOISIERES – Schiste 2008
Nez sur des notes florales, très typé chardonnay
En bouche, des fleurs blanches soutenues pas une forte acidité citronnée. Vin qui réveille les papilles et rappelle à tout le monde pourquoi on est réunis là !
Bien
DOMAINE GANEVAT – Savagnin – les Chalasses marnes bleues 2008
Nez au bonbon abricot, notes lactées et levain
Bouche sur un peu de réduction, avec une sensation de levures marquées et une acidité citronnée forte.
Assez-bien
DOMAINE DE LA VOUGERAIE – Beaune 2001
Robe jaune soutenu, dense aux reflets orangés
Nez sur le beurre, du coing et des fleurs blanches. Exitant.
Bouche ronde et superbement équilibrée : acidité et matière servent les arômes du nez avec ferveur. Un belle longueur s’en va mourir sur de joyeuses notes herbacées, herbe fraîchement coupée.
Bien ++
DOMAINE CAUHAPE – Jurançon sec – La Canopée 2007
Robe jaune brillante, nez sur le bonbon anglais et les fruits exotiques
Début de bouche à la forte acidité, qui s’assagit bien vite sur de l’ananas, et quelques notes de vanille. La longueur est belle, sur le jus d’ananas frais.
Bien +
DOMAINE DE MISCARON – Chignin bergeron 2009
Nez sur les fruits verts, qui me fait penser à un Gewurz
Bouche courte et moelleuse (c’est un mi-sec), avec une petite amertume persistante.
Assez-bien –
Notre série de blancs s’achève… fort (enfin… faible) de mon expérience perso, je n’ai pas proposé de vins blancs, n’ayant pas la moindre idée de ce qui pourrait fonctionner avec la cuisine réunionnaise.
A ce moment-là, ma femme et mon ami Tamas commencent à se monter très emphatiques, et rigolent de plus en plus. Notre tablée ou anglais, hongrois et français (dominant) fusent en tous sens, réalise alors que pour nos deux représentants magyares, il est assez inconcevable de recracher un bon vin. Et douloureux de vider son verre dans le crachoir. Le niveau de joyeuseté de notre groupe s’en trouve augmenté. Le soleil a tourné. Une fraîcheur du soir pointe son nez, appelant la chaleureuse matière de vins plus puissants. Nous allons être servis par
LES ROUGES.
FALESCO – Montiano – Lazio 2007 (Italie)
Nez épicé et boisé, simple. Un poil trop basique.
Amertume en bouche, astringence légère et épices (poivre, clou de girofle) persistants sur des notes de suze. Un bel équilibre d’ensemble, pour un vin très marqué par un caractère unique. Un peu de bois vert sur la fin de bouche me surprend, sans me géner plus que ça.
Assez bien
VINCE BELA – Kekfrankos – Arcanum 2007 (Hongrie)
Nez boisé, imprécis et vif, aigu
Bois très marqué, cerise griotte amère qui souligne ce que j’attribue à une jeunesse dérangeante. Un vin à attendre encore pas mal, prometteur peut-être. Mais ce soir là :
Assez bien -
MATTEO CORREGIA – Barbera d’Alba – Marun 2008 (Italie)
Nez avenant sur du grillé fin, des fruits rouges, dont la fraise en tête
Attaque en bouche sur les fruits rouges du nez, très belle matière, très équilibrée. Un beau plaisir.
Bien
DOMAINE DE L’HORTUS – Grande Cuvée 2007
Du caramel, du grillé et de la garigue au nez
Bouche de fruits au vin, pruneau, figues. Plaisant et puissant.
Bien +
DOMAINE DE L’HORTUS – Grande Cuvée 2001
Nez évolué sur du tabac blond, des fruits et quelques grains de poivre
En bouche, le fruit embrace les épices, la figue séchée, la noix. Vin terrien à la très belle longueur, d’une grande linéarité.
Très bien
DOMAINE DE L’ORATOIRE SAINT MARTIN – Réserve des seigneurs 2009
Nez sur un fruit explosif, expressif, frais, rouge et des notes de fraîcheur agréables (tige de ronce)
Bouche de fruits pleins, mûre et myrtille puissante et ronde, mais rendue aérienne en final par un coté floral.
Bien ++
Bien entendu, nous commençons à tenter des pronostics, des mariages envisageables avec les plats : les odeurs de la cuisine ont toutes été humées par les participants, lors de leur passage par la maison…
PINTIA – 2005 (Espagne)
Nez sur le fruit, un peu dégradé
Bouche cacao, avec des tanins un peu granuleux, du fruit noir et une longueur énorme. Je crois que ce vin souffre d’une trop grande jeunesse, et que cette jeunesse à été encore plus révélée par une oxygénation prolongée, qui semble avoir poussé les tanins vers le haut. J’adore ce type de vin, mais là :
assez-bien - -
VINCE BELA – Cabernet Franc – Arcanum 2008 (Hongrie)
Commenter ce vin que j’ai immédiatement identifié au nez est pour moi comme parler de la beauté de la femme que l’on a épousé : j’aime, je connais par cœur, et je suis tout sauf objectif. Ce vin est très beau, du fruit, du fruit, mais avec finesse et classe. Rond, long et plaisant.
Bien ++
Mon instinct me dit que certains ont commencé à rejoindre le commité hongrois de ceux qui avalent. La blagounette fuse, et Philippe, qui depuis quelques flacons s’est dévoué et assure le service, fait déguster les fourmis, colore régulièrement nos feuilles de notes et inquiète Christophe, qui a passé des jours à visser sa –[size=large]superbe[/size]- terrasse en bois et semble la préférer immaculée.
DOMAINE DE LA MONADIERE – Vaqueyras – Vieilles Vignes 2003
Nez complexe et évolué sur des fruits sudistes et des épices de garrigue
Bouche riche, ample, soyeuse et superbement équilibrée ou le nez se retrouve. Longueur agréable.
Bien +++
LES AMIDYVES – Cotes du Ventoux 2007
C’est le vin superlatif de notre dégustation. « Trop de tout » avancent certains, dérangés par le bois, la matière, les tanins, le fruit, tous en puissance. Mais pour moi, ces forces croisées confèrent au breuvage un bel équilibre. Certes, dans 3 ou 4 ans, les tanins se seront sans doutes un peu rangés, mais déjà, pour moi, un plaisir intense à découvir ce liquide atypique et séduisant.
Bien +++ (bientôt Très bien)
SAUSKA – Cuvée 11 – 2007 (Hongrie)
Nez ou l’on perçoit de l’acidité et du bois, qui couvrent un fruit hésitant. De l’eucalyptus aussi…
Bouche un peu « planche dans ta gueule », de l’astringence et de la verdeur… dans un bon sens : potentiel de garde et équilbre à ce tout qui passe en force, et dont la signature « à l’américaine » est immédiatement notée par le groupe. Tamàs, qui nous a apporté ce flacon, nous révèle que c’est un domaine dans lequel le patron est (ou revient) des Amériques. Domaine montant et, si la tendance à l’hyper boisé est contrôlée, sans doute très prometteur.
Assez bien
MONTROSE – Saint Estèphe 2002
Oublié de l’ordonnancement, ce très beau vin ne saura pas trouver sa place en final de notre dégustation : intellectuellement, nous en saisissons tous l’élégance et l’équilibre, mais nos sens sont un peu saturés de tous les nectars rencontrés jusque là. Je le cite car il trouvera une étrange place à table… trait de génie à l’irrévérence décalée de Jérôme (je n’en attendais pas moins de lui).
LE REPAS.
Pour en avoir vu, cusiné et mangé des centaines, je n’ai pas eu l’idée de prendre de photos des plats. Carry Cochon en premier service, puis langouste en second. Accompagnés de riz au rice cooker, de haricots cocos plats et de rougail tomate et rougail bringèle.
Au risque de décevoir, je ne vais pas m’étaler dans le détail des accords vins-plats. Je ne vais que mentionner ce qui m’a surpris et plu. In fine, le résultat est le suivant :
>
Jurançon sec Cauhapé et carry cochon : l’acidité marqué de ce très beau blanc sec est totalement effacée par la complexité (texture + arômes) du plat. Du coup, il ne reste que le fruit, explosif, puissant et dominateur en bouche ! Très, très étrange sensation, extrêmement plaisante : on n’est pas sur un accord parfait du tout, mais sur une belle rencontre au résultat improbable mais vrai. Le Cauhapé sec en devient quasiment doux, tant son acidité disparaît totalement. Le fruit exotique, ananas reste là, suspendu sur le palais, et reste encore, long et vigoureux. Ca me gène presque, tant c’est marqué, intense : je cherche un vin « pour le boire » sur cette cuisine typée. Là, on est presque face à un autre plat, un ingrédient nouveau, qui complèterait de façon surprenante le plaisir de la bouche. Mais pour moi, c’est si décalé que l’on n’est plus face à une « boisson », sans le moindre caractère péjoratif à ce mot. Bref, plaisir fort, joie de la découverte, mais j’aurais du mal à boire plus d’un demi verre de ce vin avec un carry.
> Le
Barbera d’Alba de Matteo Corregia a su se faire une place sympa sur les deux carrys. Il est parvenu a manifester sa belle subtilité sans se faire trop démonter, et sans y perdre en plaisir à boire. J’avais peur qu’il ne se « métalise » un peu, mais il n’en fut rien.
>
Monadière et Oratoire saint martin sont eux aussi de beau vins qui savent gérer la présence envahissante du carry : car il faut pouvoir contrer le goût (les goûts !) et la matière du plat. Oratoire passant très bien sur les deux carrys, et Monadière que sur le cochon, l’iode de la langouste le fusillant sur place, ses huit années d’age devenant alors un handicap pour lui.
> Le
Cabernet Franc de Vince Bela… toujours au top avec son fruit exceptionnel. Il passe dessus, autour, à coté, et reste bien vivace sur les deux carrys.
>
Hortus 2001, très très bien sur la cochon, mais presque plus touchant encore sur la langouste… en demi teinte, certes, mais fort agréable à mon plaisir.
> Vient alors l’idée de tenter les
Amidyves. Sa grande puissance se pose comme un charme sur le carry ! L’image qui me vient à table pour en parler est la suivante : les diverses composantes très appuyées de ce beau vin sont comme des immeubles très élevés. Le carry se déverse dessus comme un tsunami, comme une avalanche. Ce qui dépasse, c’est un vin « pacifié », à la force calmée, mais dont demeurent bien présentes toutes les caractéristiques d’origine. Là ou le Cauhapé devenait un peu « autre », marié au plat. Ici, après l’avalanche, après la rencontre, dépasse du paysage une image étonnante : les Amidyves point comme un village bucolique, tranquillement planté dans une campagne ensoleillée. On pourrait presque oublier que sous la terre, des fondations de gratte-ciels sont enfouie ! Décidément, ce vin me plaît !
[size=large]« Il faut pouvoir dire une fois dans a vie : j’ai bu Montrose sur des langoustes ! »[/size]
No future, punk is not dead. Jérôme, pourvoyeur de ce beau Montrose, me jette cette idée comme un hommage à la Hara Kiri, comme on bouscule une institution nationale respectable à coups de pied dans le cul.
Vous imaginez bien que les crachoirs, bien que présents, n’assuraient qu’une fonction somme toute secondaire (précision contextuelle). Langouste et Montrose, bon sang, mais c’est bien sur ! L’œil brillant, nous trinquâmes à cet accord plus que douteux, et je pouvais lire dans le regard humide de Jérôme que sous la bravade, le petit espoir d'une surprise positive persistait. Chez moi aussi d’ailleurs.
Raté. Et pas qu’un peu. Montrose / langoustes, finalement, c’est vraiment no future.
Nous étions repus, et l’idée de tenter des fromages fut écartée par une tablée joyeuse, mais dont le foisonnant brouhaha tendait à s’enfoncer dans une sourdine digestive. Sauf pour Philippe, qui devait bien en être à sa 15 ou 16ème queue de langouste et qui semblait ne plus pouvoir s’arrêter. Un dernier service du noble crustacé plus tard, il nous laissa apporter la tarte à la mangue. Beau dessert concocté par la femme de Christophe.
Quelques flacons surgirent, pour compléter notre tableau épicurien.
-
Jurançon "Noblesse du Temps" 2006, domaine Cauhapé. Impeccable.
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Royal Tokaji, Ats cuvée (millésime oublié, c’est dire). Quelconque à mes yeux… mais j’y voyais un poil trouble.
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Scheurebe 1989 dom. Muller Catoir Mussbacher Eselshaut Auslese. Surprenant par sa légèreté et sa finesse. Trop fine pour moi en cette fin de repas. Je le perds… et ne le retrouverai plus.
Voilà. Jules Romains aurait été fier de nous. Plaisir et amitié étaient au rendez-vous, et nous n’avons ni mégotté, ni négocié sur quoique ce soit qui aurait réduit l’ampleur de la joie du partage. Politiquement incorrecte, jouissive, subtile et rabelaisienne seront les mots de conclusion de cette soirée et ce de CR.
[size=small]Une fois encore, LPV a été le vecteur de tout ça. Merci à l’équipe qui fait vivre ce site, merci aux festoyant cercle fondateur de LPV SR, merci aux visiteurs, merci aux petites mains qui aidèrent à la réussite de cette rencontre et merci à vous, d’avoir lu jusqu’au bout ![/size]