La Bretagne, ça vous gagne !
Toujours reviens dans le Léon, t'as pas les mêmes à la maison !
Bon aujourd'hui, foin de balade le nez au vin, euh au vent, ce soir, c'est nous qui recevons !
Depuis ce matin, c'est tempête sous les crânes, branle bas d'combat dans les casseroles et course aux courses.
Raphaël nous fait profiter de ses fournisseurs personnels et nous embarque dans une superbe chasse aux produits du Léon, le tout arrosé d'un passage chez ses copains du coin. Je commence à trembler en imaginant le traquenard possible mais ouf, tout le monde reste sage et le coffre se charge petit à petit...
Les homards gigotent dans le vivier d'un pêcheur local, le bar a l’œil de biche, l'andouille est préparée de la veille, l'épaule d'agneau sort de chez un boucher qu'on tutoie, les pommes de terre étaient encore en sol sur l'Ile de Batz que je vois depuis ma fenêtre il y a peu...
Plus frais, je connais pas ou alors faut être plongeur, équarisseur ou agriculteur !
Seuls les caldos ont fait le voyage depuis Paris... une vague angoisse de manquer de munitions, peut être !
Bon, je vais pas vous chanter Ramona pendant deux plombes, ça pourrait ramener la pluie...
L'après midi fut studieuse, les homards ont été dignement honorés (c'est à dire zigouillés avec humilité et respect), le poisson bien fileté, les crevettes patiemment décortiquées, l'agneau frotté, les gougères montent dans le four... Ça sent fichtrement bon dans la maison !
Les vins sont à température, pas de TCA en vue, nos invités arrivent...
Tout est prêt pour passer un beau moment...
On passe à table...
Domaine des Comtes Lafon, Meursault Clos de la Barre, 2005
Gougères maison
Robe assez claire, sur un jaune léger.
Le nez est remarquable de précision, sur de superbes notes florales matinées d'un très fin grillé, sur la noisette.
La bouche est remarquable d'équilibre, sur une matière confortable idéalement élancée par une acidité parfaitement intégrée.
L'ensemble produit réussit l'exploit d'être à la fois gourmand, par ses goûts très purs de fleurs et de fruits jaunes, et classe, par une droiture certaine.
La finale est marquante de fraicheur et appelle irrésistiblement à se resservir.
Un vin absolument délicieux, avec encore un beau potentiel !
Les gougères de Monique sont un vrai délice et permettent au vin de développer toutes ses qualités !
Maison Trimbach, Riesling Clos Sainte Hune, 1994
Mousseline de bar et crevettes grises
Robe très nettement dorée, sur le vieil or.
Le nez est ultra puissant, attaquant sur des notes pétrolées qui s'ouvrent, à l'aération sur le tabac blond puis des senteurs, compromis de notes minérales et fruitées. Aucun besoin de tourner le verre pour en prendre plein les narines !
La bouche propose une attaque traçante, sur un volume impactant, d'une matière très puissante construite autour d'une acidité élevée.
Le vin tapisse fortement le palais, sur un équilibre étonnant entre gras et grande tension.
La finale est toutefois un peu chahutée par des amers en excès qui l'empêchent de se développer en créant une pointe d'âcreté.
Très bon vin qui aurait pu être grand !
La finesse de la mousseline de bar est un peu écrasée par la puissance du vin.
Quelque chose me dit qu'une bisque ou une sauce aurait pu mieux lui convenir.
Domaine Bonneau du Martray, Corton Charlemagne, 1999 & Domaine JF Coche Dury, Corton Charlemagne, 2003
Homard breton flambé au marc de bourgogne, sauce safranée
Domaine Bonneau du Martray, Corton Charlemagne, 1999
La robe est sur un jaune paille assez clair.
Le nez est élégant, fin, sur des notes de beurre frais, un grillé léger et un ensemble floral.
La bouche attaque sur une belle matière ample, sur de jolis goûts francs d'amande et de noisette fraiche.
L'acidité est présente bien qu'un peu poussive pour mobiliser cette large structure.
La finale est agréable, longue mais peut être un peu saturante, manquant un peu d'allant.
C'est bon, pour le moment...
Domaine JF Coche-Dury, Corton-Charlemagne, 2003
La robe est cristalline, à peine teintée d'un léger gris vert.
Le nez est superbe, précis, pointu, sur de très fines notes minérales et florales qui forment un compromis absolument remarquable d'élégance.
La bouche est... gigantesque de présence !
L'attaque se déroule d'une manière totalement différente à celle du Bonneau du Martray.
Le vin démarre sur une très belle acidité ciselée, donnant un impression de finesse dans un premier temps.
Mais dès le milieu de bouche, une présence monumentale s'affirme, déroulant une puissance d'un équilibre incroyable !
L'impact en bouche est redoutable, avec des gouts sont d'une pureté absolue, sur les fruits blancs et un côté calcaire qui travaille la langue.
La finale est d'une fraicheur absolue et le vin possède un charme fou, une évidence gourmande et sexy qui le rend véritablement délectable.
Grand vin !
Terrible et douloureux moment que de constater combien la tension et la puissance du Coche Dury écrase le Bonneau du Martray de toute sa classe.
La marche arrière est totalement impossible et ne laisse aucun espoir de retour en grâce.
Et dire que selon Al' qui a bu l'intégralité des Corton Charlemagne du domaine, ce 2003 ne se classe pas dans les plus grands !
Ce 2003 n'a peut être pas la puissance phénoménale du 1992 mais je lui ai trouvé une évidence charmeuse assez irrésistible en l'état.
Nom di djiou, quel pied !
Château Canon 1990
Épaule d'agneau aux herbes de Provence, pommes de terre nouvelles de l'Ile de Batz
La robe est assez claire, sur un bordeaux encore jeune, d'une transparence notable.
Le nez est très fin, pas du genre à envoyer la grosse cavalerie évidente qui vous en colle plein l'pif !
Il faut un petit peu aller le chercher, en particulier en début de repas. Il gagne toutefois de plus en plus en précision pour offrir un bel ensemble très bordelais, très beau compromis de senteurs de fruits rouges qui s'ouvrent sur des notes de tabac, d'épices et d'humus. L'ensemble est hyper élégant.
La bouche est elle aussi d'une grande finesse, sur un équilibre léger entre une matière sans rondeur mais sans faiblesse et une acidité structurelle qui soutient bien le vin.
La finale est très agréable, précise et longue, aux tanins totalement fondus.
Un très beau vin, à la fois discret et d'une grande classe.
Un style qui me convient bien !
Château Pavie 1990
Épaule d'agneau aux herbes de Provence, pommes de terre nouvelles de l'Ile de Batz
Robe profonde, sans excès mais bien plus concentrée que celle du Canon.
Le nez est beaucoup plus évident, sur les fruits noirs, des notes cacaotées et un enrobage tertiaire un peu forestier très agréable.
L'ensemble est ouvert et d'une évidence immédiate.
La bouche est charnue, pleine, avec un beau jus, sur des aromes de fruits noirs, des notes finement torréfiées gourmandes.
Les tanins sont gras et participent au bel équilibre du vin.
La finale est puissante, longue et d'une belle fraicheur.
Un vin concentré, ouvert et évident.
Très belle bouteille.
Château Tertre Roteboeuf 1996
Épaule d'agneau aux herbes de Provence, pommes de terre nouvelles de l'Ile de Batz
La robe est jeune, sur des notes bordeaux sombre et un disque encore bien coloré.
Le nez est puissant, plus concentré et primaire que le Canon et le Pavie, sur les fruits noirs, une pointe végétale et de belles notes chocolatées.
La bouche attaque sur une matière encore jeune, d'une ampleur sans aucun excès de rondeur qui commence à présenter un équilibre avenant.
L'acidité est haute mais bien intégrée à un joli jus charnu. Le vin est savoureux quoiqu'encore un peu énergique à mon palais.
La présence tannique se révèle sur la finale où elle étire le vin sans pour autant l'assécher.
Très beau vin, à attendre encore un peu pour qu'il gagne en complexité.
Superbe série de St Emilion parfaitement mis en valeur pour une épaule d'agneau d'une tendreté remarquable et des pommes de terre fondante à se taper le cul par terre (et la tête dans le plat !)
Chaque vin présentait des particularités parfaitement assumées qui permettaient de profiter de leurs qualités intrinsèques, finesse et élégance pour le Canon, chair et gourmandise pour le Pavie, jeunesse et noblesse pour le Tertre Roteboeuf.
Un très beau moment de gastronomie !
Château d'Yquem 1983
Roquefort Baragnaudes, Stilton, Fourme d'Ambert
Robe sur un doré qui vire presque à l'acajou.
Le nez est assez discret, sur l'orange confite, de fines notes de caramel au lait et de praliné.
La bouche est géniale d'impact, attaquant sur une acidité grandiose qui ne laisse pas le temps à la sucrosité de s'exprimer comme sucre mais uniquement comme volume.
Le vin est plein, rond et suave mais immédiatement étiré, mis en mouvement !
Les goûts sont ultra agréables, sur le safran, l'orangette, une très fine pointe cireuse.
Mais là où le très grand vin se signale à mon goût, c'est sur l'incroyable qualité des amers qui portent la finale vers un moment d'exception.
Vin incroyablement frais, gourmand et noble.
Un grand moment, encore une fois !
L'accord sur les persillés fonctionnent à plein, particulièrement sur le Stilton et plus encore sur la douceur crémeuse et fondante du Baragnaudes qui épousent à la perfection l'équilibre d'Yquem.
Je passe un moment, comment dirais-je sans excès de langage..., euh, sympa ?
Bon, ben, c'était pas loin d'être une certaine idée du bonheur gastronomique, cette petite affaire !
Un grand merci à Raph' et Bertrand pour l'excellent moment passé ensemble !
Si j'vous dis qu'on remet ça demain, vous m'en voulez...
A suivre...
Oliv
Crédit photos :
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