On peut qualifier cela d'échauffement d'avant le Grand Tasting et les fêtes. Le protocole d'ouverture demeure le même qu'à l'accoutumé, à savoir 5h pour les rouges, 3h pour les blancs et 2h pour les champagnes. Par soucis de cohérence, l'ordre du récit ne coïncide pas avec l'ordre de dégustation vu que la dégustation s'est déroulée sur plusieurs jours.
Les champagnes
Champagne Philippe Lancelot “Vieilles Vignes de Cramant” 2009
Nez sur l’agrume, la frangipane et les fruits blancs.
Bouche où la richesse du millésime s’allie à la fraicheur du format (1,5L). Je soupçonne cependant un dosage un peu appuyé par rapport à la mode contemporaine du peu/pas dosé. Néanmoins, en l’absence d’informations sur la contre-étiquette il faudra se contenter de cette sensation. Mais le vin s’avère agréable ainsi, d’une attaque ample, à l’effervescence fine, mais avec une acidité qui étire bien les saveurs d’agrumes frais. Finale saline à la longueur correcte.
Bon champagne mais sans surprise.
Champagne Pertois-Moriset Le Mesnil sur Oger “Les Hauts d’Aillerands” 2013
Dgt 04/2021
Nez pur et floral, craie et agrumes.
La bouche possède une très belle texture, c'est crémeux et pur à la fois. Il y a une étonnante richesse pour un vin du Mesnil sur Oger. Très belle tension qui propulse le jus sur des saveurs de craie, de pomme caramel et d’agrumes. Champagne qui allie densité, tension et pureté. Belle finale saline qui s’étire sur une très bonne longueur.
Excellent, j’aime beaucoup les parcellaires de ce domaine.
Champagne Blanc de Blancs 1er cru domaine Clément Perseval “Les Rouleaux” 2012
Dgt 02/2018. Bulles très fines.
Nez crayeux et de fruits rouges.
En bouche, il y a une belle énergie avec un jus dense qui développe curieusement pour un 100% chardonnay une belle vinosité avec des arômes de fruits rouges omniprésents. Belle trame acide qui donne une belle vivacité, vin très agréable à la sapidité plaisante. On est loin de la rectitude de certains Chardonnay de la Cote des Blancs, et je trouve d’ailleurs que le Chardonnay de Sacy, Ecueil ou comme ici Chamery apporte plus de souplesse et de fruits rouges. Belle finale curieuse, mentholée comme rarement j’en ai eu sur un champagne, sur une bonne longueur.
Très bon champagne que j’ai trouvé sur son plateau de maturité!
Champagne 1er cru domaine David Léclapart Blanc de Noirs “L’Astre” 2014
Nez intense de mandarine, de gingembre, d’épices et de fumée.
Bouche impactante, sur des arômes similaires. La mandarine domine en attaque avant que la vinosité ne s'installe. Ensuite le vin développe déjà une très belle complexité, sur des fruits rouges juteux, des épices douces avec un gingembre dominant. Très belle richesse combinée à une grande acidité qui rend le vin traçant et équilibré. Grande finale sur la fumée et un boisé très fin, longueur vineuse admirable.
Excellent champagne, très racé.
Champagne Mareuil sous le Mont domaine Jacques Selosse “Sous le Mont”
Dsg 01/2012. Base 2005. Bulle très fine.
Nez oxydatif, pêche, miel, mandarine, et ananas confits.
En bouche, le toucher est exquis bien que je ne m’attendais pas à autant d’évolution sur ce vin. Il me fait penser à un vin du Jura ou à Substance. Une fois le voile oxydatif passé, le vin déroule sur des saveurs exquises de pelures de mandarines, d’amandes, de gingembre, de cannelles et de figues. Cette délicieuse complexité se dévoile par strate, une par une, tel les pages d’un bon livre. Grande finale sur le cuivre, avec une longueur majestueuse qui tapisse la gorge sur des notes de miel.
Grand champagne, au style Selosse si particulier.
Le blanc
Weingut Keller Abts Riesling Grosses Gewachs 2009
Nez d’une maturité exceptionnel pour un Riesling allemand sur la pomme chaude, fruits exotiques et arômes terpéniques.
La bouche par contre, prend le total contrepied de la maturité constatée au nez avec un coeur minéral, sur le calcaire, la pierre mouillée, l’argile et la craie. C’est élégant et la dualité entre la richesse du nez et la profondeur caillouteuse de la bouche est magnifique. Le jus est tendu sur une superbe trame acide, alors que la richesse du nez avec notamment les fruits exotiques revient comme un boomerang en finale qui s’avère explosive, longue, suave et salivante à la fois.
Grand Riesling sec allemand.
Les Rouges
Les 2 prochains rouges ont été bu cote à cote. L’idée était de mettre un Bordeaux et un Barolo du même millésime et de la même gamme de prix (environ 60€). Les 2 bouteilles ont la même provenance (achat caviste) et ont reçu le même protocole d’ouverture, à savoir 4h d’aération.
Barolo Azienda Azelia di Luigi Scavino “San Rocco” 1998
A l’ouverture, le nez avait des accents désagréables de vernis à ongle. Après 1h cette sensation disparaîtra, pour lancer la place à un balsamique dominant et caractéristique de la région. Puis au moment du service, des notes florales, d’épices et de pruneau apparaîtront pour compléxifier l’ensemble.
En bouche il y a une belle fraicheur mentholée sur un fruit pur, le profil du vin est assez fin. Jus longiligne qui s’étire grâce à une bonne trame acide pour s’ouvrir sur une finale agréable où le sous bois domine. Bonne longueur.
Très bon, son évolution fut très positive au fil de la dégustation.
Saint Julien Chateau Lagrange 1998
Nez immédiatement prêt, façon “ready to go” qui signe un Bordeaux mature: cigare, cuir, sous bois, prune et un peu de fumée.
Belle attaque de bouche où les 25% de merlot jouent le rôle d’amortisseur. C’est flatteur sur un fruit noir avec un beau grain de bouche. Ensuite le cabernet reprend ses droits avec un peu de poivron, des épices, du cuir et des herbes sèches. Bon équilibre mais l’acidité va avoir un peu de mal à relancer le vin au fil de la dégustation. Bonne finale sur le sous bois, feuilles séchées et cèdre discret sur une longueur correcte. Le vin aura quand même tendance à décliner sur la fin.
Bon Bordeaux mais qui manque de souffle en seconde moitié de bouche.
Intéressant de constater les trajectoires des 2 vins. Au début, j’étais acquis au Bordeaux, notamment grâce à son attaque plus plaisante par rapport au Barolo qui a conservé un moment un trait acide en première moitié de bouche. Mais pendant le repas, on a assisté à une extinction douce du Bordeaux pour voir le Barolo se bonifier et gagner en ampleur. Au final, le Barolo finit premier.
California Cabernet Sauvignon Mayacamas Vineyards 1976
Avec cette vieille bouteille de Napa Valley, j’ai voulu découvrir les vins de Napa Valley d’antan, plus modestes en alcool (ici 13°) à l’époque que les bombes contemporaines à haute densité.
Nez sur la fumée, les cendres et les épices. Cela m’évoque le barbecue.
En bouche, l’attaque est douce, la cendre et la fumée sont les arômes dominants avec un fruit en retrait. Cela reste plaisant pour l’expérience sur un Napa de pas loin de 50ans. Mais pour être honnête, ses plus beaux jours sont derrière lui et la structure un peu fuyante ne permet pas au vin de prendre de l’ampleur et de s’exprimer. Bonne finale où le fruit parvient à reprendre le dessus mais sans intensité particulière.
Bon vin mais qui a dépassé son apogée.
Chateauneuf du Pape domaine de la Mordorée “cuvée de la Reine des Bois” 2001
Nez complexe sur des fruits noirs, myrtilles, violette et noisettes grillées.
Bouche sereine qui déroule un vin au jus de grande qualité. Je m’attendais à une puissance sturcturelle mais j’ai eu un style bourguignon, élégant et intense. Vin velouté, à la profondeur aromatique séduisante, on est dans la garrigue et le sous bois avant d’être transporté par les épices dans un panier de fruits noirs façon crème de framboise. Belle trame acide qui donne un vin élancé et frais malgré sa densité. Grande finale ferrugineuse qui se prolonge sur une belle longueur.
Excellent vin, précis et agréable.
Moulin à Vent domaine Mee Godard “Au Michelon” 2020
Nez sur un fruit rouge juteux et bonbon acidulé.
Bouche à l’attaque franche, sur un fruit croquant, jus dynamique, ample, profond, belle structure avec une bonne acidité qui fait penser que la vin durera de longues années, mais pour le moment le vin est la définition même de plaisir immédiat, un fruit éclatant, framboise, mûre et cassis, sur une finale finement épicée avec une belle longueur.
Très bien. Quel vin peut revendiquer un tel niveau à moins de 30€ que les Beaujolais des bons producteurs d’aujourd’hui?
Les blancs moelleux
Riesling Herrenberg Von Schubert Maximin Grunhaus “24” 2012
Nez sur les fruits tropicaux.
Bouche intense sur un fruit tropical juteux. Construction simple autour d’un jus de mangue et de fruits de la passion plein d’intensité. Pour autant, on est loin des taux d’acidité sur les cuvées plus ambitieuses qui propulsent les vins, même si ici le plaisir est préservé par une belle sapidité. Belle finale, toujours sur l’intensité des fruits tropicaux sur une bonne longueur.
Très bon vin, encore très jeune.
Riesling Von Schubert Maximin Grunhaus Eiswein 1995
Nez d’une intensité rare, un abricot juteux, des agrumes confits, des herbes fraîches et du gingembre.
En bouche, l’intensité est incroyable mais avec une acidité qui tape le rupteur. Cette fraicheur porte ainsi avec légèreté toute la farandole d’arômes exceptionnels qui accompagnent ce vin, une attaque pulpeuse avec un abricot frais, puis une grande variété d’agrumes et de fruits tropicaux confits, saupoudrés par des herbes fraîches, des épices douces, de la cannelle, du gingembre. La complexité qui se dégage de ce vin n’a d’égal que son harmonie rayonnante. L’équilibre catapulte sereinement ce vin sur une grande finale riche et pétrolée. Longueur électrique.
Grand vin de dessert comme j’en ai peu bu.
Ce qu'il faut retenir: Tous les vins se sont bien présentés à part le Mayacamas 1976 qui n'a pas tenu la distance. Pour les rouges, la Mordorée remporte facilement la session mais le Mee Godard, acheté à 28€ a tenu son rang sur un plateau avec des vins qui revendiquent une catégorie plus élevée, preuve que les Beaujolais d'aujourd'hui ne sont pas là pour faire de la figuration.
Keller confirme qu'il fait de grands blancs sur des terroirs d'exception.
Pour les champagnes, Selosse occupe facilement la première place, sans avoir d'opposant déclaré il est vrai. Mais j'ai beaucoup apprécié le Perseval, acquis pour 60€, et le Léclapart, qui vaut désormais beaucoup plus.
Concernant les Grunhaus, pas de surprise non plus, mais sans connaitre la hiérarchie des terroirs allemands, je préfère nettement Abstberg à Herrenberg chez ce producteur. Le Eiswein est pour moi un délice, le sauternais a vraiment du pain sur la planche pour relever la tête avec une telle concurrence.