Mercredi soir avait lieu l'assemblée générale du Quinté Sens Club de Bordeaux . L'occasion de parler de l'organisation pour l'année à venir : dates, thèmes, admission de nouveaux membres... Mais aussi de se faire une belle dégustation. Je ne vous ennuierai pas avec la première partie. Et insisterai longuement sur la deuxième.

Il y avait au programme quatre blancs secs, quatre rouges et trois liquoreux. Raisonnable et équilibré. Je re-précise à ceux qui se disent : "ouh la la, tout ça!" que nous recrachons l'intégralité de ce que nous buvons (en tout cas moi, les autres, je ne vérifie pas, mais ils ont l'air d'être sérieux...). Et je vous assure que l'on peut prendre beaucoup de plaisir même en recrachant (nous n'avons pas de papilles gustatives dans le gosier). Même plus, car au dixième vin, vous êtes frais comme un gardon!

Les blancs secs

Premier vin : robe or pâle. Nez sur des notes de fruits exotiques, d'agrume, avec une touche de grillé. Bouche ample, fraîche, d'une rondeur déconcertante tellement elle est parfaite. Finale d'une belle intensité, mais là aussi, sans une "aspérité" à laquelle s'accrocher (non que ça me gène vraiment, mais ça fait bizarre d'avoir un vin sans un millième d'once d'amertume ou d'astringence). Les avis se partagent entre un Jurançon (pour le nez "exotique" et un Bourgogne (pour un peu tout le reste). C'est en fait un Bourgogne "méridional", puisque c'est un Macon-Pierreclos "le Chavigne" 2004 de Guffens-Heynen. Je suis vraiment heureux de découvrir un vin de cette maison très réputée, mais rare. Je comprends mieux pourquoi je ne retrouvais pas mes "marques" dans ce vin, plus habitué que je suis aux Meursault, Corton ou autre Chablis (qui ont des finales plus typées).

Deuxième vin : robe beaucoup plus évoluée, presque cuivrée. Nez de belle intensité sur la pomme aufour, le coing, les raisins secs, avec une pointe "amylique" (vernis à ongle). Ce défaut donne des idées à certains. "Coulée de Serrant!" propose Sylvain. Bravo, c'est est une, de 1998. La bouche est bien mûre, ample, avec une acidité assez marquée qui va crescendo jusqu'à une finale expressive à l'amertume prononcée. Un vin qui laisse mitigé. Pas la meilleure Coulée que j'ai bu. Pas la pire non plus. On se prend à rêver que ce domaine soit repris par un VRAI vigneron. Mais ça restera sûrement un rêve, parce que les enfants de Nicolas Joly ont l'air de vouloir lui succéder...

Troisième vin : belle robe dorée. Nez assez fermé au départ, dû à une température assez basse et à un manque d'aération. Lorsqu'il s'ouvre, il devient vraiment superbe de finesse, avec des notes de rose, d'abricot, de miel, mais aussi de roche chauffée au soleil. La bouche est d'une densité impressionnante, avec une superbe acidité qui vous transperce le palais telle une lame d'acier. Finale minérale d'une grande intensité, profonde, sur des notes salines. Plusieurs personnes évoquent Châteauneuf. Ca me laisse perplexe car je n'ai jamais vu un tel équilibre dans cette région. Lorsque Julien confirme en disant que c'est une pure Roussanne, je continue sa phrase en m'exclamant "Vieilles Vignes de Beaucastel" (bon, facile, je vous l'accorde)! Cela même. Millésime 2005. J'avais lu il y a quelques années le récit d'une verticale (aux descriptions ultra salivantes) de ce vin sur 50 ans. Je comprends beaucoup mieux pourquoi ce vin peut tenir des décennies sans faiblir!

Quatrième vin : la robe est plus dense et fait penser à de l'or liquide. Le nez par son côté fumé, tourbé, peu déconcerté. Perso, j'adore! La bouche est suave, complexe, parfaitement équilbrée par une acidité bien intégrée. Tension magnifique et finale superbe d'une grande intensité. Une vraie bombe! Pour beaucoup (dont moi), il n'y a qu'un fabricant dans le monde pour ce type d'engin : Zind Humbrecht. Of course : Pinot gris "Clos Saint Urbain" 2002 (Rangen de Thann).

Nous passons aux rouges...

Cinquième vin : robe rouge violacé. Nez superbe sur la fraise confite, le noyau de cerise, le poivre, avec en arrière fond des notes fermentaires (lactiques). Bouche douce, fruitée, généreuse, aux tannins d'abord veloutés, puis se durcissant dans une finale tannique un poil astringente. Plusieurs connaissent les goûts de notre bon président. C'est un Priorat. Ben oui, on se refait pas. Un Clos Mogador? encore oui, millésime 2005.

Les deux suivant sont servis ensemble (nous comprendrons pourquoi...).

Sixième vin : robe sombre, peu évoluée. Nez sur le cassis, fruit et feuilles inclus. Bouche fruitée d'une belle ampleur, avec une acidité vibrante, des tannins d'une grande douceur. Un équilibre vraiment remarquable. Je suis sous le charme! Dix minutes plus tard, le nez aura des notes plus tertiaires, l'acidité se fera plus saillante. J'aimerai un peu moins. Mais c'est tout de même un très beau vin. Certainement un Médoc. Mais encore...!? Lynch Bages 1988.

Septième vin : robe plus évoluée. Nez ad hoc : prune, cuir, ambre... Bouche douce, sphérique, avec un très beau fruit, soulignée par une fine acidité. Finale quasi orgasmique d'une intensité et d'une ampleur rares. Dieu que c'est beau! Là aussi clairement un Médoc, certainement du même millésime (cette fameuse acidité). Et c'est ... Léoville Las Cases 1988!

Huitième vin : robe plus sombre. Nez sur les fruits noirs, l'encens et cèdre (et un touche de menthol). Bouche quasiment moelleuse soutenue par une acidité légèrement saillante. Tannins plutôt bien fondus, maisô un peu "séchards". Finale puissante et persistante. Pas mal partent en Bordeaux. Sylvain part en Côte Rôtie. Il a raison : c'est La Landonne 1994 de Guigal.

Place aux liquoreux!

Neuvième vin : nez sur l'écorce d'orange, l'encaustique et la fumée. Bouche douce, d'une bonne fraîcheur, mais manquant sincèrement de densité et de profondeur. Itou pour la finale un peu "light". Autant dire que la déception est grande lorsqu'on apprend que c'est un Schoenenbourg 2003 de Deiss. Je savais que ce n'était pas un grand millésime en Alsace, mais à ce point...

Dixième vin : robe d'un or intense. Nez "ahurissant" (ai-je noté) sur l'abricot confit, le nougat et des notes minérales. Bouche ronde, gourmande, prégnante aussi, dotée d'une acidité magnifique. Finale riche, d'une persistance et d'un équilibre souverain. Un vin à sa parfaite maturité. C'est ... un Sauternes château laTour Blanche 1988.

Onzième vin : on aurait pu croire que la beauté du vin précédent affaiblisse le vin suivant. Il n'en est rien. Une robe cuivrée. Un nez sur l'orange confite, les fruits, secs, l'encaustique, et plein, plein d'autres choses... Et une bouche à se damner : suave, d'une intensité incroyable, une acidité qui vous transperce de part en part. La perfection faite vin. Forcément un Zind Humbrecht. Pinot gris Clos Jebsal 2001 SGN. Après avoir bu un vin pareil, on peut mourir...

Une magnifique conclusion à une soirée qui ne le fut pas moins. D'autant que l'ambiance faite d'amitié, de complicité et de respect réciproque, est tout aussi exceptionnelle.

Merci à Julien et sa p'tite bande pour ce grand et beau moment!

Très joli moment remarquablement raconté.

J'en conclue, Eric, que tu reconnais mieux à l'aveugle les grands vins que les appellations périphériques ! ;)

Je reprends les mêmes ....autour d'une belle table !!

C'est marrant, c'est une discussion que nous avions hier, lors du repas suivant la 1ère session du Championnat de France de la RVF. Il est souvent plus facile de reconnaître un producteur phare d'une grande appellation qu'un vin d'une AOC peu souvent dégustée (comme une négrette bue hier, prise pour un Carignan, ou un Cairanne blanc pour un Chablis ).

Je reprends les mêmes ....autour d'une belle table !!

Il y avait bien un repas (sympa, on va dire) mais pas vraiment "raccord" avec les vins ...

J'ai omis d'écrire que ça se passait dans une salle privée du restaurant "Le plaisance" à Bourg.

Parfaitement d'accord avec toi !

Doit on en conclure que nous buvons trop de grands vins et qu'il faudrait bosser un peu les entournures moins renommées ?

Eric B écrivait:

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> Premier vin : robe or pâle. Nez sur des notes de
> fruits exotiques, d'agrume, avec une touche de
> grillé. Bouche ample, fraîche, d'une rondeur
> déconcertante tellement elle est parfaite. Finale
> d'une belle intensité, mais là aussi, sans une
> "aspérité" à laquelle s'accrocher (non que ça me
> gène vraiment, mais ça fait bizarre d'avoir un vin
> sans un millième d'once d'amertume ou
> d'astringence). Les avis se partagent entre un
> Jurançon (pour le nez "exotique" et un Bourgogne
> (pour un peu tout le reste). C'est en fait un
> Bourgogne "méridional", puisque c'est un
> Macon-Pierreclos "le Chavigne" 2004 de
> Guffens-Heynen. Je suis vraiment heureux de
> découvrir un vin de cette maison très réputée,
> mais rare. Je comprends mieux pourquoi je ne
> retrouvais pas mes "marques" dans ce vin, plus
> habitué que je suis aux Meursault, Corton ou autre
> Chablis (qui ont des finales plus typées).

Bonjour Eric,
Je partage tout à fait ce CR, et personnellement je trouve que ce Macon est un trés beau vin. Et si effectivement il est plus facile de reconnaitre les grandes appellations ou les grands domaines en dégustation... Il est aussi plus logique de mettre des bonnes notes à ces grandes appellations. Je suis toujours surpris de voir ce Macon Guffens 2004 sous-noté ! je pense qu'il patit de n'être qu'un Macon !
Amicalement Matthieu

Comme pour celle de la rubrique Champagne, une bien belle dégustation agréablement contée. Bravo !

"Plusieurs connaissent les goûts de notre bon président. C'est un Priorat. Ben oui, on se refait pas."

Merci Eric pour tes mots,

Amicalement,

une bien belle dégustation agréablement contée...
Très joli moment remarquablement raconté...

Les résultats du championnat de France le montrent (récit à suivre : on a dû arriver avant dernier ) : je ne serai jamais un grand "reconnaisseur" de vin à l'aveugle (ce qui ne veut pas dire mauvais dégustateur, hein ).

Mais au moins, beaucoup semblent d'accord sur le fait que j'en cause pas trop mal

Eric,

Il va sans dire que j'adhère sans restriction à la remarque du petit savoyard.

J'ai bu récemment un extraordinaire (au sens propre) Clos Sainte-Hune 1989 VT Cuvée Hors-Choix.

Ce type de vin, aussi spectaculaire soit-il, est une plaie (je force volontairement le trait) pour la haute gastronomie telle que je l'entends.

Vive Sainte-Hune 1990 ou bien Sainte-Hune... 1981 (souviens-toi du vase de Soissons !).

Eric B écrivait:

J'avais lu il y a quelques années le récit d'une verticale (aux descriptions ultra salivantes) de ce vin sur 50 ans. Je comprends beaucoup mieux pourquoi ce vin peut tenir des décennies sans faiblir!

Eric,

le 1er millésime de Vieilles Vignes de Beaucastel est 1986 ou officiellement 1987 si je ne m'abuse...donc dur de faire une verticale jusqu'aux années cinquante.

Le 1er millésime de Vieilles Vignes de Beaucastel est 1986 ou officiellement 1987 si je ne m'abuse...donc dur de faire une verticale jusqu'aux années cinquante

Ben avant j'imagine que c'était le Beaucastel Blanc tout court...

Superbe CRs, bravo.

nos amis Jean-Luc et Charles ont bien du mal à accepter que vous ayez mangé en dégustant.

Eric, il vaut mieux être bon dégustateur que reconnaisseur de vin à l'aveugle...

Il y avait bien un repas (sympa, on va dire) mais pas vraiment "raccord" avec les vins...

Laurent,

Vous en déduirez sans doute comme moi plus une juxtaposition mets/vins qu'une réelle tentative d'accord...

nos amis Jean-Luc et Charles ont bien du mal à accepter que vous ayez mangé en dégustant.

Je ne crois pas comprendre ça : plutôt qu'ils mériteraient d'être bus dans un contexte plus gastronomique. Et je suis là dessus d'accord à 100%.

Eric, il vaut mieux être bon dégustateur que reconnaisseur de vin à l'aveugle...

Encore que je ne sais trop ce que ça veut dire, bon dégustateur...

Voilà un bon sujet à lancer dans "à propos"

Ah ben, tiens, je vais le faire!

Intéressant!

Eric,

J'avais en tête le formidable dîner chez Marcon, partagé avec Jean-Luc, où l'adéquation de Forest Dauvissat 2002 et FE Trimbach 2000 avec la cuisine atteignit la canopée gastronomique.

Bonjour Mathieu,

> Je suis toujours surpris de voir ce Macon Guffens 2004 sous-noté ! je pense qu'il patit de n'être qu'un Macon !

Peut etre mais pas sous apprecié, car un macon de guffens a été degusté lors de la rencontre LPV1/2 où tu étais présent et à l'unanimité de notre table :
"Cela doit etre un beau puligny, chassagne ou meursault ... un premier cru"
Je trouve tout ses macons vraiment superbes.

Très beau CR :!! Bravo Eric..

Il y a vraiment bcp de vins qui me font envie. Pour rebondir sur le seul que j'ai en cave, (Le VV Roussane 2005), j'ai du boire 4 ou 5 millésimes de ce vin (dont 3 au restaurant) et je n'ai jamais été décu.. J'ai déja bu un des VV 2005 que j'avais et que, comme d'habitude, je n'ai pas eu le courage d'attendre: c'était excellent ! Les autres vont rester en cave un moment

Je me souviens également d'un très bon 96 il y a qque temps: le millésime n'est pas extraordinaire en Rhone sud, et pourtant, ce vin m'a laissé un très bon souvenir..

Arnaud.