Il s'agit de l'un des trois cépages emblématiques du Jura, avec le savagnin et le trousseau, et l'un des trois cépages rouges qui donne droit à l'appellation Arbois ou Côtes du Jura. Raisin noir à jus blanc, de débourrement précoce, il concurrence le savagnin sur ses terres de prédilection, les marnes bleues et rouges du Lias et occupe à lui seul une surface de 300 hectares, soit la moitié de la superficie plantée en rouge dans le Jura.
Son nom, véritable sujet de controverse, s'écrit et se prononce de façon différente selon qu'on se situe à un endroit ou un autre du département. Et pour ne pas froisser la susceptibilité des vignerons locaux, mieux vaut utiliser le bon nom au bon endroit ! Etymologiquement, le ploussard tire son nom de la prunelle, dont les grains ont la même couleur et parfois la même forme, et qui se prononçait de façon très différente en patois local selon que l'on habitait à Salins (pleusse ou plesse), Arbois (plusse) ou Poligny (plousse ou pelosse) !
Le poulsard, quant à lui, dériverait du latin "pulsare", pousser violemment, probablement parce que les raisins poussent vite, mais certains penchent pour une coquille faite par un auteur breton, relatant son "Voyage dans le Jura" en 1801.
Vraisemblablement cultivé dans le Jura depuis le XIVème siècle (il s'agissait alors de polozard !), on est en droit de penser qu'il est originaire de la région ; il fut inscrit dans la liste des bons cépages publiée en 1732 par le Parlement de Besançon et son identité est fortement jurassienne, même si l'on en retrouve un peu dans le Bugey sous le nom de Mescle ("Meiklle" en patois, ce qui veut dire mélange, car il s'agit ici d'un poulsard gris, intermédiaire entre le blanc et le rouge, à moins que le nom ne provienne du latin "mespilum", la nèfle !). Le Jura, décidément, terre d'une bataille étymologique et vocabularienne !
C'est pourtant le terme de poulsard qui sera retenu en première place dans les décrets d'AOC, au grand dam des habitants de Pupillin, petit village distant de 5 kms d'Arbois, consacré Capitale mondiale du Ploussard en 1990, car c'est ici que ce raisin s'épanouit le mieux. Pupillin, qui est la seule pour l'instant à avoir le droit d'accoler son nom à celui de l'appellation Arbois.
"A Arbois le nom, à Pupillin le bon !", dicton local traduisant bien la reconnaissance d'un terroir spécifique, mais pas forcément très apprécié du côté d'Arbois ou de Montigny !
Généralement peu colorés du fait d'une peau de raisin très pauvre en anthocyanes, les vins de ploussard prennent en vieillissant une teinte pelure d'oignon qui les a longtemps apparentés à un vin rosé alors qu'il s'agit bel et bien d'un rouge à la robe très claire. Ce sont des vins fruités, frais et gouleyants, néanmoins aptes à une belle garde, très à l'aise sur les charcuteries régionales.
Pour conclure, je laisserai volontiers la parole à Lucien "Bacchus" Aviet, vigneron d'une infinie sagesse, apte à réconcilier tout le monde :
"Ploussard ou Poulsard, l'important, c'est d'en boire ! "
Olif
Références bibliographiques : - "Vins, vignes et vignobles du Jura", éditions Cêtre.
- "Poulsard ou Ploussard" de Françoise Danrigal