Je lance un fil sur le domaine M&S Bouchet à Montreuil-Bellay suite à un passage ce week-end.
C'est impossible de raconter en détail cette visite. Je vais essayer de retranscrire ici ce que j'ai retenu et ce que je pense avoir compris (peut-être des imprécisions et des erreurs, désolé) :
LE TERROIR :
Le domaine est à Montreuil-Bellay à 15 km au sud de Saumur. Le terroir est particulier pour la région avec une base argilo-calcaire sur une roche mère de tuffeau (calcaire dur, celui avec lequel on fait les châteaux de la Loire...) mais ici la base est plus friable qu'ailleurs sur les terroirs de Saumur. D'où des pieds de vigne plus profondément enracinés, ce qui à l'air de donner un surcroît de corpulence aux vins.
LE DOMAINE :
La famille possède le domaine depuis 5-6 générations, mais elle était en fermage jusqu'à la reprise en main de la culture par le père de Matthieu, François Bouchet, qui s'est tout de suite intéressé à la biodynamie dans les années 60. Il a été un des premiers à appliquer les principes BD en France et a participé à la conversion de nombreux domaines (Nicolas Joly, Leflaive, Chapoutier...) Son fils Mattieu a repris la suite avec sa femme dans les années 90, ainsi que l'activité de conseil en BD. On retrouve le nom de François Bouchet évoqué dans pas mal de fils de LPV sur la biodynamie.
Le domaine fait 5 hectares, certifié Demeter. La production annuelle s'établie autour de 15 000 bts.
LA VIGNE :
Si j'ai bien compris, le matériel végétal, quasi-100% de VV, date d'avant les innovations agronomiques et les premières sélections "productivistes". Les ceps ne sont pas "pensés", agronomiquement parlant, pour la mécanisation. Les beaux rangs bien alignés c'est pas trop possible ici. Il y a peu de mortalité sur ces vieux ceps qui ne sont pas trop touchées par les maladies du bois.
Le travail à la vigne s'appuit bien sûr sur les principes BD avec une volonté de faire une vigne au développement naturel. Par exemple, Matthieu Bouchet ne palisse pas vraiment : il laisse plus volontiers la vigne s’arrimer aux fils plutôt que de l'y accrocher de force. Sans doute car cela ne va pas dans le sens du développement la plante.
Le travail à la vigne, l'âge des ceps, tout cela donne des rendements très faibles : 22 hL en moyenne. Les vendanges sont faites avec une équipe de 8 personnes facilement mobilisables pour récolter au bon moment (plutôt tard a priori), sur les jours favorables (BD), et sans pluies.
Trois cépages pour trois cuvées : cabernet-franc, grolleau (rouge) et chenin.
LE CHAI :
Le chai est situé sur les rives du Thouet, addosé à la roche du coteau dans lequel sont creusées les caves.
Pour la vinification, François Bouchet utilise 4 grandes cuves tronconiques assez monumentales, ouvertes et en bois. La plus ancienne date d'environ un siècle (?!) et elles sont munies d'un système de thermo-régulation "maison". Plus trop de souvenirs précis sur les première fermentations, si ce n'est que c'est long et avec des levures indigènes.
On passe à la cave. Il faut imaginer les fûts recouverts d'une épaisse moisissure, les murs marqués, la température des caves qui bouge pas mal entre hiver et été... Le maître de chai de Cheval-Blanc il voit ça, c'est la crise cardiaque assurée!! Je ne suis pas un maniaque de l'hygiène
mais on entend tellement parler de la nécessité d'avoir un chai et des caves nickels, hyper-régulés... Bah là on se dit que "ben non, par forcé."
La futaille vient de différents domaines également en BD et transite souvent par le domaine de la soeur de Matthieu dans les Côtes-de-Bourg afin de les "épuiser". Du bois sans goût de bois. Les fermentations ML sont toujours faites. Les vins se calment très lentement dans les fûts (les blancs de 2012 n’ont pas terminé leur ML je crois)
Très peu de manipulations durant l'élevage de mémoire. Des sous-tirages sont faits, notamment pour diminuer le volume de lies (pas de collage ni de filtrage) et éviter une réduction excessive. Un sulfitage léger est pratiqué en début d’élevage, puis un autre au besoin pour "aligner" le vin (de mémoire pour le grolleau 2012:15 mg + 30 mg après 15 mois)
Ensuite les mises sont faites au choix vigneron soit un élevage à durée... indéterminée!! Ainsi on goûte encore sur fût le cabernet-franc 2010, dont les premières mises datent d'il y a au moins un an. Embouteillage sur place, rarement plus de trois pièces à la fois.
LES VINS :
Les millésimes récents : 2009 et 2010 ont été au top comme partout. 2011 très particulier notamment pour le cabernet vendangé après une forte chaleur d'octobre. 2012 et 2013 compliqués mais avec tout de même du potentiel, Matthieu Bouchet semble plutôt satisfait (pour 2013 au moins).
Voici ce que j'ai en mémoire de la dégustation sur fût :
- Le chenin 2011 : beau nez sur le fruit blanc, dynamique et franc. Belle rondeur, matière ferme et gourmande. Il a plus de corps que la mise que j'ai goûté il y a un an qui était plus tranchante mais moins expressive.
- Le grolleau 2011 : poivre, épices, groseille et cerise noire, très expressif avec un corps frais et ferme. Simple et gourmand, le service à température de cave lui va assez bien.
- Le grolleau 2012 : un peu fermé, dominé par le côté poivré avec moins de fruit. Bonne tenue tout de même avec au nez comme en bouche une pointe carbonique (d’où un ss-tirage et un léger sulfitage qui seront faits dans les prochains jours) Un jus qui bosse.
- Le cabernet 2010 : belle maturité, profondeur au nez. En bouche le vin (comparé à une mise goûtée il y a un an) a gagné en finesse, il s’est allongé. Pas facile à décrire, il en a sous le pied. Déjà super bon.
- Le cabernet 2011 : très sudiste, gros volume de fruit noir explosif au nez. Plus gourmand que le 2010, très direct. En bouche le vin est massif, finale puissante. On ne sent pas les 14,7° d'alcool bien intégrés!!! Le top en l'état.
Non commercialisé, il
faut que je glisse un mot d'un rosé 50/50 grolleau/cabernet superbe (poivre et gelée de fruits du grolleau magnifiquement soutenus par la structure du cabernet)
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Nous avons passé un moment très particulier, passionnant. Je pourrais dire un bel échange mais on passe surtout pas mal de temps à écouter. Le personnage est simple, applique des principes de base simples (peu de manipulations majeures, pas d'empreinte du bois en vinif, et bien sûr la BD) On sent de l'humilité, les mots artisan et paysan sont importants dans son vocabulaire.
Les vins du domaine sont au top selon mon goût, pas dans un registre classieux, mais beaucoup de qualité, de franchise et de caractère. Ce qui marque le plus c'est la puissance des jus pour l'appelation (et le prix...)
TIMO